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Bulletin de l’association des personnels de la « 5 »

Base aérienne 115 – 84871 ORANGE Cedex

News         N° 44

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    EDITORIAL 

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     J’ai été tenté par plusieurs sujets d’éditoriaux pour le numéro 44 d’AP 5 New’s. 

     La première tentation a été de stigmatiser David Pujadas pour une phrase prononcée le 24 septembre, «  Zidane est un héros ». Je comprends que la fonction de Pujadas lui donne l’impression qu’il est un monument de la France (en fait un héros !) mais pour moi les héros ce sont les Fonck, Guynemer, Clostermann, Mattei (ce légionnaire corse),  De Gaulle mais pas Zidane, il n’est qu’un champion. 

     Le second sujet procède d’élus du Vaucluse qui estiment, dans un bêtisier, que l’abandon du second porte-avions est un renoncement… Non, l’abandon du second porte-avions est l’expression d’un courage que je n’ai pas constaté chez nos dirigeants depuis longtemps et en tout état de cause l’Armée de l’Air assure les missions aériennes et la projection de puissance à moindre coût. Non le PA n’est pas nécessaire… 

     Enfin, j’ai appris que l’Armée de l’Air allait être responsable de la « Nato Response Force » de l’Otan pendant 6 mois. Nous pouvons être fiers de ce niveau de compétences  que nos amis Marins et Terriens n’ont pas atteints. Cela n’est cependant pas sans surprise. Figurez vous que l’Armée de l’Air est organisée  autour de chaînes de métier verticales où chacun dans son métier avait sa part de vérité et de pouvoir indépendant décidant ainsi de ses propres priorités. Dommage car maintenant dans l’OTAN on ne parle plus que de mission et toutes les «branches de métiers» sont fusionnées autour d’un seul chef responsable qui fixe les priorités communes avec un seul but : réussir la mission.  

     Nous avions écrit cette évidence il y a de longues années (rappelez vous : le métier ou la mission) sans trouver d’écho... 

     Enfin très bonne et très douce année 2009

    
           
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     Cet article sur la projection de puissance permet de recaler les idées sur les nouveaux concepts d’emploi qui sacrifient aux modes. Ainsi il y 20 ans on voulait faire une guerre «zéro mort» et chacun d’apporter des arguments pensés mais toujours dans le droit fil de la pensée du chef ! Utopie, et le drame de Saroubi nous replace sur le chemin d’une pensée réaliste. Aujourd’hui la mode est à l’adaptation des armées, à la «guerre asymétrique» comme nous le décrit l’article ci-dessous. Une autre mode voit également le jour, celle de la «guerre des villes». Et on fait réfléchir de doctes stratèges pour redécouvrir les méthodes des soviétiques à Stalingrad, ou des Serbes et Bosniaques à Sarajevo ou encore les actions de contre guérilla en Algérie ou en Amérique du sud. Lors de l’entraînement des hommes, la prise en compte de certaines formes de combat ne doit pas remplacer une vision globale des moyens permettant d’assurer la victoire. Parmi ceux-ci, n’en déplaise à certains, l’arme aérienne est incontournable… 

Comme d’habitude les faits sont têtus

La projection de puissance reste l'atout international décisif

Par Aymeric Chauprade, directeur du cours de géopolitique au Collège interarmées de défense (CID), auteur de « Géopolitique, constantes et changements dans l'histoire » (Ellipses). 

     Notre société d'immédiateté perd peu à peu le sens de la longue durée et tend à confondre son avenir avec son présent. Le mal est d'autant plus grave lorsqu'il menace nos choix en matière de défense. Certains, en effet, voudraient faire de l'armée française du futur, une réponse au défi d'aujourd'hui, celui de la « guerre au sein des populations » ; les Français en Afghanistan et en Afrique, les Américains en Irak, les Israéliens en Palestine et au Liban. Ils soutiennent que les guerres asymétriques ont remplacé les guerres entre États ; ils clament que si nous ne « gagnons pas la paix », c'est parce que nos armées ont hérité des vieux schémas de la guerre froide, que notre puissance de feu et notre avantage technologique coûtent très chers et ne nous sont plus guère utiles.

     Il est faux de soutenir que la puissance de feu et l'avantage technologique, qui nous donnent la primauté sur les autres civilisations depuis des siècles, ne jouent plus un rôle décisif dans les guerres d'aujourd'hui. Le monde occidental aurait-il obtenu l'effondrement rapide des régimes qu'il a choisi de détruire, avec peu de pertes humaines, sans une flotte conséquente d'avions? Serait-il parvenu à se maintenir sur des terrains hostiles, sans un appui aérien massif ? Les Israéliens auraient-ils pu éliminer 80 % des lanceurs de projectiles du Hezbollah, à l'été 2006, sans les drones et la chasse ? En Irak, n'est-ce pas finalement un avion de combat qui a éliminé al-Zarqaoui ? Les exemples abondent, au Kosovo, en Afghanistan, lors des deux guerres d'Irak, illustrant que la haute technologie et la projection de puissance sont décisives dans le combat asymétrique, qu'ils économisent des vies occidentales, qu'ils contiennent l'adversaire.

     Alors certes, ils ne sont pas la clé de l'établissement de la paix sur les territoires d'intervention. Mais sauf à rejoindre l'utopie américaine, il est illusoire de croire que des armées d'occupation transformeront l'Irak et l'Afghanistan en démocraties à l'occidentale. Multiplier par deux ou trois le nombre d'hommes projetés dans ces pays n'y changerait rien. La modernisation, qui est une occidentalisation, ne viendra, si elle vient, que de l'intérieur des sociétés musulmanes. Elle sera d'autant plus combattue qu'elle sera importée « des chrétiens, des juifs ou des athées ». Le refus de nous intéresser au contenu des cultures et à ce qu'il détermine dans le champ politique continue d'aveugler des générations si laïcisées qu'elles projettent encore, malgré les échecs flagrants, des schémas « occidentalo-centrés » sur des têtes faites autrement.

 

     

     
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     Ensuite, il est n'est pas vrai que les guerres asymétriques ont remplacé les guerres inter étatiques. Derrière le Hezbollah, le Hamas et les mouvements de résistance irakiens, il y a des États arabes et l'Iran, et certaines branches des services pakistanais oeuvrent derrière les talibans. Les conflits dits asymétriques ne sont que des guerres inter étatiques par délégation. Ceci n'est pas nouveau, comme le prouve l'histoire de la guerre froide entre Américains et Soviétiques.

     De même que la prolifération est une réponse de la Russie et de la Chine à l'affaiblissement par le bouclier anti-missile américain de leur dissuasion nucléaire et même une résistance au projet d'«Amérique-monde», les mouvements terroristes et les milices armées sont les instruments des États qui ne veulent pas affronter directement leur adversaire. Quelle sera alors la réponse à opposer à de tels États puissamment armés, donc sanctuarisés, s'ils viennent à nous faire chanter par des moyens asymétriques, à déstabiliser nos sociétés en y instrumentalisant des diasporas organisées ? Qu'est-ce qui comptera le plus alors : projeter des hommes pour contrôler ce qui n'est pas contrôlable ou projeter de la puissance pour détruire ce qui pourrait nous détruire ?

     Alors que notre projection de puissance, relativement à celle de nombreux pays musulmans (Algérie, Égypte, Pakistan, Iran, Turquie, Arabie saoudite) ou asiatiques (Chine, Inde) ne cesse de décliner, certains proposent de transformer notre armée en police internationale d'occupation. Nous y perdrions notre âme, à l'instar de ceux qui occupent aujourd'hui l'Irak. Sans plus tarder, et parallèlement à la réforme d'un État-providence qui sert de plus en plus le monde et de moins en moins les Français, nous devons reconstruire notre projection de puissance. Ne nous trompons pas de choix dans la prochaine loi de programmation militaire. 

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Auguste JAUSSERAN 

     Auguste JAUSSERAN, de Temiscamie dans le grand nord du Québec, est un ancien pilote de la « 5 » Après ses années dans l’AAir il est parti au Canada sur Beaver et a vécu des aventures extraordinaires qu’il raconte dans un livre « le coureur de nuages » dont quelques extrait sont donnés ci-dessous. Ensuite Auguste Jausseran nous fait revivre son expérience à la 5 dans les années 50 et enfin vous trouverez un poème qu’il a composé lors de ses années dans le grand nord canadien

Le coureur de nuages

      Aux commandes d'un petit avion dans le Grand Nord canadien, un robuste de Havilland Beaver,  il nous décrit la forêt boréale et ses myriades de lacs, la toundra, les glaces de l'Arctique, le rude hiver et ses redoutables tempêtes ; sans oublier les personnages pittoresques que l'on croise sous ces latitudes inhospitalières : géologues, prospecteurs, chercheurs d'or ou de fortune, trappeurs, indiens crées et montagnais. Après un amerrissage forcé... Il retrouve l'Amérindien du Québec, Oeil de Loutre, 33 ans après avoir fait sa connaissance à Trescléoux en Provence en 1944, alors âgé de 11 ans, dans la grotte sacrée des Crees. ... "Oeil de Loutre" surnomme le pilote Jausseran "Coureur de Nuages", le titre de ce livre. Au fil de ces rencontres inoubliables, il nous conte des aventures hors du commun où plane le mystère des espaces infinis.

 

      
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      Coureur de Nuages est le beau livre de souvenirs d’un pilote de Beaver, au nord du Canada, où l’immensité de lacs et de forêts recèle tant de mystères propices aux plus étonnantes aventures.

     Avec son monomoteur équipé de flotteurs ou de skis selon la saison, Auguste Jausseran saute d’un lac à l’autre pour ravitailler, transporter ou porter secours aux chercheurs d’or, forestiers, trappeurs, géologues, et à tous ceux qui ont choisi de faire fortune en ces régions inhospitalières. Les indiens Crees, familiers des lieux, souvent l’accompagnent et le conseillent dans cet incessant survol de territoires vierges où se nouent si facilement la tragédie. Gare si l’imprudence et les mauvaises conditions météos s’allient pour brouiller les pistes ! Malheurs au pilote perdu ou qui, surpris par la brume, est contraint de se poser en catastrophe. Malheur à l’inexpérimenté avalé par la forêt, et dévoré par les moustiques et la faim. Malheur à celui qui, à court de carburant ou en panne de moteur, se retrouve en carafe loin de toute zone habitée. Si aucun secours n’arrive du ciel... le pays est plus dur que les hommes qui y vivent, et ne pardonne rien

     De fortes personnalités, souvent pittoresques, tirent leur épingle du jeu dans ce récit aérien aux frontières de la vie et de la mort, où s’exacerbent et s’affrontent le meilleur et le pire de la nature humaine, sur fond de paysages grandioses. On partage l’angoisse du pilote surpris par le mauvais temps, quand son avion transportant des chiens de traîneaux se faufile entre deux massifs rocheux propres à le broyer. On sourit lorsque les rouleaux de papier hygiénique largués du ciel servent à marquer une zone de recherche. On grelotte dans la tempête de neige ou partage la douceur du refuge, quand le vent du nord glacé tambourine à la porte. On est émerveillé par la pâle clarté d’une aurore boréale. Surtout, on aime lire ces lignes si bien écrites où le vieux pilote nous livre avec talent et humour son vécu aventureux, et raconte ses amitiés et ses incroyables rencontres dans le Grand Nord

La 5 selon Jausseran
 

      Des souvenirs de mes quatre années à Orange... des joyeux et des tristes comme pour tous ceux d'entre nous qui avons connu ces années où la Chasse française sortait de ses cendres. Mais il me faut ici trier parmi tant de souvenirs.

      Du Mistral, je me rappelle de l'exiguïté de son cockpit, de l'efficacité de ses volets, de la poussière qui montait du plancher quand ses quatre cannons crachaient leurs pruneaux sur les cibles du champ de tir des Garrigues et du badin qui perdait soudainement une cinquantaine de nœuds ; de la campagne d'Egypte, qui nous permit de goûter aux joies du camping à l'aéroport de Nice, sous les tentes que nous avions montées en bordure de la vieille piste dont la surface craquelée s'envolait en morceaux sous le souffle de nos réacteurs ; de ma panne d'oxygène (à cause d'un masque littéralement pourri) à 30,000 pieds au dessus de la Méditerranée et de Barel, mon chef de patrouille, qui fort heureusement insista pour que je percute ma bouteille de secours; de la verrière qui pouvait prendre la poudre d'escampette entraînant du même coup l'éjection du siège et la mort du pilote si par malheur celui-ci n'avait pas la bonne position au moment du catapultage. Orange, c'était aussi les manœuvres à Istres où se déroulaient les essais en vol d'une ribambelle de prototypes : Trident, Baroudeur, Griffon, Grognard, Étendard, Leduc...  et le tout premier Mirage. On se demandait alors comment la France pouvait se payer un tel luxe tandis qu'en même temps le gouvernement en place avait limité les pilotes à un maximum de deux heures de vol par mois !

 

      

      
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      Quant au Mystère 2, outre ses maigres trente minutes de carburant et les pannes de toutes sortes dont il était affligé, nous savions fort bien que nous étions inexorablement condamnés à la peine capitale en cas d'éjection . En effet, tous les pilotes qui ont confié leur vie à sa catapulte ont été retrouvés morts, encore retenus au siège par le harnais. Les anciens s'en souviendront, le constructeur nous avait envoyé ses techniciens pour nous expliquer que c'était nous, les pilotes, qui ne savions pas l'utiliser correctement. A deux occasions je fus, quant  à moi, confronté à la possibilité de  m'extirper manuellement de cette machine. La première fois ce fut après avoir eu une forte explosion quelque part dans le réacteur, à 42.000 pieds au-dessus du Massif central, alors que nous étions une patrouille de trois avions lancée à la poursuite d'un Canberra de la RAF. Je ne pouvais pas imaginer ce qui s'était passé... la manette des gaz ,qui avait failli me sauter dans le visage, ne servait plus à rien, le moteur s'était éteint, la lampe de feu à bord ne s'était pas allumée, l'avion se pilotait normalement. L'immense silence qui suivit était impressionnant. J'avais immédiatement rendu la main et fait demi-tour. Je cherchais l'aéroport de Bron mais il restait invisible, masqué par une couche de brume qui s'étendait sur une bonne partie de la vallée du Rhône. J'étais à  environ 120 km d'Orange; trop loin pour espérer planer jusqu'à la base. J'avais fermé la radio pour ne plus entendre le baratin des Opérations qui me gênait dans ma concentration, il ne me restait plus qu'à trouver un champ, le plus convenable possible, pour poser ma machine sur le ventre.

      Cependant, j'étais étonné par mon taux de descente qui me semblait inférieur à ce qu'il aurait dû être; j'attribuais cette différence à l'existence probable d'un fort vent arrière. Mon jugement devenant plus précis, je commençais à croire que j'avais des chances d'atteindre la base. Effectivement, j'arrivais verticale piste à 1500 pieds et atterrissais sans problème. Les pompiers brillaient par leur absence, bien que plus de dix minutes se soient écoulées depuis le moment où j'avais annoncé mon arrivée sans moteur à la tour de contrôle. Après avoir dégagé la piste et arrêté mon appareil, j'ouvrais la verrière; je fus immédiatement surpris par une odeur de kérosène et un murmure en provenance du réacteur. Je n'en revenais pas... le réacteur était coincé au ralenti, mais il n'avait jamais cessé de fonctionner. Heureusement que je n'avais pas suivi les directives des Opérations, qui voulaient que je coupe les pompes d'alimentation et que je fasse des tentatives de redémarrage à partir de 20.000 pieds; je n'aurais jamais pu rejoindre la piste !  

      

      Algérie. Et puis il y eu le séjour de 12 mois sous la tente en Algérie, agrémenté d'un  atterrissage forcé sur T6 dans le secteur de Tizi Ismael, alors que j'assurais la protection d'un élément de la Légion qui effectuait une opération dans cette zone. C'était le 19 Avril 1958,il y a cinquante ans de cela, un demi siècle... Dieu! que le temps est relatif! Je revois la scène dans ses moindres détails, comme si c'était arrivé il y à quelques jours à peine: l'huile bouillonnante provenant du moteur qui s'étale sur le pare-brise et rentre par la verrière; le dense panache de fumée blanche qui m'aveugle et qui m'oblige à peser fort sur la pédale du palonnier pour maintenir l'avion en dérapage afin d'avoir un semblant de visibilité sur le côté; les deux bombes de 50 kg que j'ai encore accrochées sous mes ailes et l'impossibilité de les larguer parce que je suis trop bas et  qu'en outre je me suis rabattu en direction de la position occupée par nos soldats; la longue glissade au sol sur les bombes qui agissent comme des patins, tandis que ma vision avant est totalement nulle ; l'arrêt brutal de l'appareil contre une abrupte dénivellation du terrain; le dos qui en prend un sérieux coup et la tête qui s'arrête à un doigt du collimateur avant de rebondir en arrière; le T6 qui se dresse en pylône et qui hésite avant de retomber sur le ventre en même temps que retombent la terre et la caillasse qu'il a soulevées de son nez décoré d'une gueule de requin; le vieil homme en djellaba blanche monté sur le dos d'un âne et qui passe à cinq mètres du nez de l'avion qui vient juste de s'immobiliser, sans broncher et sans jeter le moindre coup d’œil dans ma direction ; mes vains efforts, une fois sorti de la carlingue, pour récupérer ma carabine US dans le compartiment à bagage (qui s'est déformé sous le choc ), cependant que dans mon dos j'entend des hommes qui s'approchent au pas de course;

 

      

      
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      ma plongée au sol, revolver au poing, pour m'abriter derrière une de mes bombes qui s'est décrochée de l'avion ; mon soulagement à la vue des deux légionnaires qui surgissent comme des tigres de derrière la broussaille et se précipitent pour me porter secours croyant que je suis blessé, et ma soudaine envie de rire parce que tout à coups je me demande si cette scène digne d'un film hollywoodien est vraiment vraie, ou si je ne suis pas en train de rêver.

      Enfin ce fut le retour à Orange où j'intégrais le 2/5 car dans l'intervalle le 3/5 avait été rayé de la carte. Le Mystère 4 avait pris la place du Mystère 2 et tout allait comme sur des roulettes, jusqu'à cet après midi où, et ce sera ma dernière anecdote, je faisais parti d'une patrouille de quatre avions qui rentrait à Orange après avoir effectué des exercices à Istres. Nous faisions route en formation relâchée aux environs de 20,000 pieds, avec le capitaine Colombet comme leader, quand d'une voix  hésitante un des équipier, le 2 je crois, annonce que son réacteur s'est éteint. Suivant les directives du CP il le rallume, mais deux ou trois minutes plus tard, re belote, le moteur s'éteint à nouveau et le pilote annonce qu'il n'est plus qu'à 10,000 pieds. D'un ton pressant le capitaine lui ordonne alors de diriger son avion en direction des collines et de s'éjecter sans plus attendre, et il ajoute sur un ton rassurant: n'ayez aucune crainte, le siège fonctionne très bien sur cet avion... à tout à l'heure à l'escadron ! Et puis plus rien... seul un silence étrange et pesant . Et c'est le même silence qui nous accueille quand nous franchissons la porte de l'escadron. Le visage livide, les collègues nous apprennent que le pilote est sain et sauf, mais que son appareil s'est abîmé en plein sur  une école de Villeneuve-lès-Avignon. Et puis, après une longue demi-heure, le téléphone sonne... le miracle ! C'était jour de congé, l'école était déserte.

      En Octobre 1955, quand je suis arrivé à la 5e Escadre après avoir terminé ma formation au Canada, la majorité des pilotes étaient encore célibataires. L'ambiance était dynamique, joyeuse et insouciante. C'était l'époque des Copains d'abord. Mis à part nos deux sympathiques adjudants Marchand et Gourliat, nos vieilles Tiges, les plus anciens d'entre nous comme Arias, Puel, Ayrinhac, Janiot, Barrel, Martin-Fallot,Testanière étaient encore dans leur vingtaine. Les copains, pour ne citer que les plus proches, avaient pour nom Fouyet (le sosie de Tabarly et breton comme lui), Laverdure (qui parti très tôt sur hélicoptère), Couinau, Rambure, Chalard, Vernex (notre  ancien et chaleureux séminariste), Dawride (qui avait l'allure et la prestance d'un toréador), Asheton de Tonge (véritable électron libre de l'escadre) et son éternel compagnon le placide Gino Baraou (Don Quichotte et le fidèle Sancho Pança), le jovial Pettelot avec qui j'ai partagé un mémorable parcours évasion à travers le massif du Lubéron, Claudinot (un vrai gentleman que je connaissais et appréciais depuis l'époque d'Aulnat), et Michel Vautier que j'ai eu le plaisir de retrouver 32 ans plus tard. Tout ce petit monde se retrouvait le soir venu au Palace, le bar restaurant de monsieur Blanc (sur la rue... dont j'ai oublié le nom), surtout à cause de la gentillesse et du sourire de Mireille, qui eût la sagesse de ne pas épouser l'un d'entre nous parce qu'elle ne voulait pas se trouver veuve avant ses trente printemps.  

Auguste Jausseran (Jojo)

 

     

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Enfin voici le délicieux poème d’Auguste Jausseran,

fruit de la perception de ses heures de vols dans le grand nord Canadien

Poème AP 5

ARDENTE CHEVAUCHÉE

Et voici qu'un jour 
Mon rêve d'enfant s'est réalisé !  
J'ai troqué le bâton de berger des Alpes 
Que j'étais,  
Pour le manche à balai 
D'un oiseau de feu.

Je voulais tellement,  
De plus près,  
Voir ces pâquerettes  
Accrochées au firmament.

D'abord frêle papillon 
Aux ailes tendues de toile,  
De colline en hameaux,  
D'étangs en ruisseaux  
J'ai butiné ma jeune liberté.

La papillon devenu hirondelle  
A dérobé la clef du ciel.  
D'un jet puissant,  
Elle a escaladé le firmament,  
Et de son saumon d'aile  
Au voile des cirrus,  
Elle a effleuré la fine dentelle.

Sur la toile d'araignée 
Des rayons de lune argentés,  
J'ai dansé aux étoiles  
Ma joie d'exister.  
j'ai affronté le courroux.  
Il a craché la foudre,  
Il m'a martelé de son tonnerre  
Et m'a giflé de ses obus de glace.  
Il a fait de tous cotés  
Charger ses armées pour me désarçonner.  
J'ai pour toujours  
L'âpre goût de sa violente colère.

 

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J'ai connu l'ivresse  
De la glissade  
Au flanc de la montagne 
Du plongeon vers la mer  
Et de l'ardente chevauchée  
Sur la crête des vagues.

J'ai connu la joie,  
D'apporter mon amitié  
Au vaillant pêcheur du large,  
Assis dans sa frêle barque.

Ah ! La griserie  
De sentir le souffle de l'hélice  
Tracer une piste,  
Dans le sable d'Or du désert !

Ah ! L'exaltation 
d'incliner l'aile  
Au ras du sable  
Et changer sa route,  
Pour aller saluer  
La lente caravane 
Et le fier bédoin  
Devant sa tente !

Ah ! La volupté  
De sentir ses flotteurs  
Caresser l'eau endormie du lac  
Au petit matin,  
De voir ses deux sillons  
Creusés dans l'onde  
Et poursuivis par deux plumes  
De blanche écume !

Ah ! La plénitude 
Quand après un long et difficile parcours,  
Parmi les blizzards de neige,  
Je vois sur le visage d'Oeil de Loutre  
L'amitié rayonner,  
Et que je sens sa poignée de main 
Faire fondre les glaces de l'Artique, 
Et célébrer mon rêve d'enfant.

      Auguste Jausseran (1981) 

 

      

     
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Nous retrouvons pour la dernière fois Cordier le pilote trappiste. Outre son parcours spirituel qui pourra interpeller certains et qui en laissera d’autres indifférents, il nous décrit dans ce chapitre ces combats impitoyables à la frontière du Zaïre et du Rwanda.

      Le 18 mars 1961, c'est mon sacerdoce qui sera célébré dans mon ancien collège Sainte Croix de Neuilly par Monseigneur Le Cordier assisté par l'Abbé du Bettellois Dom Grammont. Il se trouve que dans l'assistance, il y a plusieurs Généraux dont Zeller et Challe (c'était quelques jours avant le putch d'Alger).

      Peu de temps après je suis envoyé au Cameroun dans une fondation d'Aiguebelle: Grandseluc (?) qui avait des problèmes de personnel et de finances que l'on me charge d'assainir. Ce monastère était implanté dans la grande forêt primaire à 150 km au sud de Yaoundé. Climat assez chaud et tropical avec de gros orages en fin de journée.

      Un jour, ayant des courses à faire à Yaoundé, je vais dire ma messe dans la cathédrale (qui a une magnifique charpente avec le beau bois du pays). J'étais à un petit autel isolé et avant de commencer la Messe je suis pris d'un certain scrupule me sentant indigne de faire venir le Seigneur et mon Dieu sur cet autel par ma seule volonté. C'est alors que je suis comme "inondé" d'une joie et d'un bonheur que je n'avais jamais ressenti dans ma vie.

      Comment j'ai passé plusieurs heures avec une femme nue dans mes bras. Un jour passant à la mission d'Obout, le Père missionnaire me demande: "Puisque vous allez à la Léproserie de N'Den, pouvez-vous me débarrasser d'une lépreuse qui m'ennuie". J'accepte et deux gaillards se déshabillent complètement et partent dans la forêt. Ils ramènent la lépreuse par les pieds et par les jambes, complètement nue. Ils la poussent dans ma voiture à coté de ma place. Elle pousse des hurlements et se débat. Je suis obligé de la ceinturer avec un bras pendant que je conduis de l'autre pour qu'elle n'ouvre pas la porte. Elle essaye de me griffer mais elle n'a plus de doigts aux main. Nous arrivons à un barrage où des soldats me disent: "On ne passe pas sur cette route, il y a des rebelles". Je leur dis: "dans ce cas,  prenez la lépreuse avec vous". Ils ouvrent la portière, et, devant l'odeur ils la referment et me disent: "passez, et que Dieu vous garde".

      J'ai célébré plusieurs messes à la chapelle de N'Den. au début cela va à peu près, mais à la fin, avec la chaleur, l'odeur devient très pénible. Je resterai à Grandseluc un peu plus d'un an.

      En 1963 je suis envoyé au Zaïre à Bukavu où Cîteaux avait fait une fondation de trappistines fournies par l'Abbaye d'Igny qui est près de Reims. Il y avait là donc une dizaine de religieuses françaises et j'y étais comme second aumônier chargé plus spécialement de l'extérieur.

      Quand l'armée zaïroise revient à Bukavu le lendemain il y a plusieurs Européens tués et beaucoup de femmes blanches qui s'étaient réfugiées dans le collège des Jésuites seront violées devant leur mari.

      Ce même lendemain un camion de soldats arrive au Monastère. Quatre soldats en descendent et me mettent leur mitraillette sur le ventre. Dans ce cas il faut parler et discuter et si possible faire une plaisanterie pour les faire rire. Mais ce qui me faisait le plus peur c'est qu'ils tremblaient beaucoup avec leur arme et je craignais qu'ils appuient sur leur gâchette sans le vouloir. Ils s'en iront sans que je sache pourquoi il étaient venus.

      Pendant un mois c'est à peu près le calme mais on sait que les mercenaires préparent une nouvelle offensive.

 

      

      
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      Le 4 août, je me promenais sur la route quand une voiture s'arrête et un policier zaïrois, le revolver au poing, m'oblige à monter dans la voiture, et à un barrage un peu plus loin s'écrie: "J'ai arrêté un mercenaire déguisé en prêtre". Aussitôt les soldats se précipitent avec des bâtons et me tapent dessus. Par chance le chauffeur de la voiture me connaissait et réussit à passer le barrage rapidement. Bukavu au Kivu est situé au centre de l'Afrique dans la région des Grands Lacs dont le lac Kivu est un des plus beaux. La région est assez montagneuse et il y a des volcans encore en activité. Le monastère est à 1600 mètres d'altitude ce qui permet un climat très agréable entre 18 et 25 degrés de température. Dans les premières montagnes à l'ouest du monastère commence la grande forêt qui va jusqu'à l'Atlantique où il y a des éléphants et surtout les derniers gorilles des montagnes qu'on peut voir à moins d'un quart d'heure du monastère. A 150 kilomètres vers le nord il y a le parc de la Rwindi, une grande réserve pour les animaux sauvages, les lions, les éléphants et les hippopotames etc. c'est une des plus belles d'Afrique. Lorsque j'arrive en décembre 1963, il vient d'avoir eu un soulèvement de rebelles qui a été assez rapidement maîtrisé à Bukavu mais un Père blanc a été assassiné dans son Eglise à Bukavu. C'est vers Kisangani que la rébellion durera le plus longtemps. En juillet 64, cette fois c'est la rébellion des mercenaires qui avaient été engagés par le Zaïre. Ils arrivent un beau matin à Bukavu et combattent les soldats zaïrois qui s'enfuient au Rwanda tout proche, mais par suite d'un contre ordre ils quittent Bukavu le jour même après avoir massacré 20 soldats zaïrois qui avaient été fait prisonniers.

      Le 6 août, au matin, on entend des rafales de mitrailleuses et d'armes automatiques dont le bruit s'amplifie par écho dans les montagnes et les balles qui passent près du monastère sifflent fort. Nous voyons sur le route une auto mitrailleuse qui tire sur le monastère avec du gros calibre et des balles explosives qui éclatent en touchant les murs.

      La communauté se réfugie dans un petit bâtiment et on dit l'office malgré tout.

      Plus tard on rencontre dans les couloirs des mercenaires qui veulent nous rassurer et nous annoncent qu'ils vont passer la nuit à Murkesa. Il doit y avoir à peu près 200 mercenaires européens et autant de Katangais, plus tous les Européens qui s'enfuient du pays pour regagner le Rwanda. Il y a aussi dans le monastère de nombreuses femmes et jeunes filles qui sont venus s'y réfugier.

      Le "colonel" Schram viendra nous inviter à le suivre: "sinon vos sœurs seront violées et massacrées". Avec la Rd. Mère Lutgarde je discute de la situation et nous allons prier pour être finalement d'accord pour rester, nous confiant à la Providence.

      Au lendemain matin la colonne des mercenaires part vers Bukav qui est à une vingtaine de kilomètres. Deux jours après nous voyons arriver les premiers soldats zaïrois qui ne nous causeront d'ailleurs aucun problème. Je leur explique que s'ils franchissent la clôture ils risquent d'être maudits par Dieu et je leur distribue de nombreuses médailles.

      Les mercenaires se sont retranchés à Bukavu et nous restons totalement isolés pendant deux mois avec les Pères de la mission de Murkesa.

      Un beau jour, on apprend que les mercenaires n'ayant plus de munitions et abandonnés par ceux qui les soutenaient en Belgique, se replient au Rwanda en abandonnant leurs armes. L'armée zaïroise revient alors à Bukavu et son commandement lui accorde cinq jours de pillage comme si Bukavu était une ville ennemie. Toutes les maisons seront vidées de tous leurs meubles, frigo, radio etc.

      ***

      Je resterai vingt années au Zaïre, m'occupant de réparer les moteurs, d'installer l'électricité etc. de faire les courses à Bukavu, Kigali ou Bujumbura, mais surtout d'assurer les messes et les conférences spirituelles. Quand je suis arrivé à la Clarté-Dieu il y avait 10 sœurs françaises et autant d'africaines et quand je suis reparti il y avait 20 Africaines dont la mère Abbesse. 
 

 

      

      
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      Tous les deux ou trois ans, je retournais en France pour quelques semaines grâce à Air France qui me donnait des billets gratuits.

      Mon plus grand plaisir a été de défricher un parc de plusieurs hectares, couper et dessoucher les arbres, de mettre de l'herbe « paspalum » qu'il faut planter brin par brin et aussi toutes les fleurs qui poussent si bien dans ce climat où il n'y a pas d'hiver.

      A l'occasion d'un voyage au parc de la Rwindi, j'ai pu faire l'ascension du Nyaracongo, un volcan de 3600 mètres près de la ville de Goma. Ce volcan avait la particularité de d'avoir un lac de lave dans son cratère, à peu près à en dessous de ses lèvres. Il faut y passer la nuit pour le voir dans toute sa splendeur, la lave d'un rouge orange qui monte et descend et cela semble une bouche de l'enfer, d'ailleurs les indigènes en ont très peur. Mais quelques années plus tard une fissure se fera à la base du volcan et toute la lave se répandra aux environs atteignant même les premières maisons de Goma. Il ne restera plus qu'un tout petit lac de lave tout au fond d'un cratère.

      A coté du Nyaracongo, il y a le volcan de Niamalagica moins haut et beaucoup plus actif. Presque chaque année il y a une éruption dans un petit cratère. Les tremblements de terre sont assez fréquents mais pas très forts.

      A la mission de Murkesa il y a le P. Jacques Fievet, un père blanc qui a un petit cessna pour pouvoir ravitailler les missions qui sont dans la forêt et qui n'ont aucune route convenable. Je l'ai accompagné en 1977 pour ramener en France son avion qui avait besoin d'une révision générale. 
 

      Carnet noir 

      Nous avons appris le décès de Pierre dit «Tito» Maulandi ancien pilote d’essais du Baroudeur et de Vincent Marchand ancien chef pilote du 2/5. Nous leur consacrerons plusieurs pages dans le prochain numéro d’AP 5 New’s. 

      Bon vent au paradis des pilotes perdus 

      Your browser may not support display of this image.

      Vendredi 05 décembre, au restaurant  « Le Garden » à Orange, Mme Fleury Mireille, conseillère en aromathérapie, nous a donné un aperçu  très rapide des possibilités offertes par cette thérapie et sur les ateliers de formation (ouverts à tous) que l’Association « Eveil Nature »  propose à Carpentras. 

      Plusieurs personnes nous ont demandé ses coordonnées. 

      Fleury Mireille, 82, rue Roland Garros à Carpentras

      Tél : 04 90 60 76 66 ou 06 20 82 19 60

      Courriel : lamaisonfleury@numericable.com

      Blog : http : //lamaisonfleury01.skyblog.com

      Site de l’Association : www. Eveilnature.org