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Nous poursuivons la
publication des aventures du Col Bourdilla (Jabika
pour les internautes)
Nous sommes toujours sur Mistral au 1/5
J’ai alors dégusté
une très large tranche de mon pain blanc, l’ambiance
de l’Escadron était sublime, nous avions appris à
négliger totalement le vent de travers, l’avion
était merveilleux, pensez donc, roulette retombée,
badin nul, une rafale… et vous vous
retrouviez en vol, il suffisait de ne pas le
contrarier et tout se passait bien. A bord de cet
oiseau, je suis monté à 55 000’ (mon top record
personnel). La haut j’ai trouvé… compressibilité +
décrochage (il n’a même pas éteint, mais on s’est
avachis à 30 000’) ! Pour montrer que je
faisais plus et mieux que les Ouragagnasses, (un jour
de course Paris-Cannes), je me suis mis en
compressibilité à 1 m du sol sur la piste de
Nice ! J’avais du pôt (comme dab), c’est passé
sans toucher. Oui, vraiment un piège
exceptionnel ! Il n’avait que deux défauts :
son Mach 0,78 (0.72 avec les bidons) et les petits
tubes en verre (ça cassait souvent) qui branchaient
les susdits bidons. Les poursuites à 2, 4 ou six
avions… entre les tours cumuliformes, plongeant dans
les trous, traversant les tunnels…quelle
jouissance !
J'allais
quand même oublier de conter l'un de ces petits
incidents qui donnent à penser et forment le
jugement d'un Patron de 30 ans (le quel croit
tout savoir…puisque c'est lui le Chef !). C'était en
Octobre de l'année 54, volant à la tête de mon
Escadron, je m'en étais revenu à Oran pour y faire une
campagne de tir. Je me revois, admirant la ligne
de mes Mistral, lesquels, coïncidence amusante,
occupaient la place qui avait été celle des Spifires
de ma jeunesse (47/50). Un mécano vint en courant,
"Mon Capitaine, Mon Capitaine?… Venez voir!" Il
m'avait amené prés d'un des derniers pièges, lequel
était tout proche d'un chantier occupé par des
travailleurs locaux (un peu bronzés, si vous voyez).
"Regardez ", qu'il m'a dit en me montrant une grosse
masse au manche court, laquelle reposait mollement
dans le logement du train droit. Mon sang ne fit qu'un
tour: Sabotage! Un tel outil ne pouvait provenir que
du chantier voisin, là où l'on cassait des pierres.
Saisissant l'objet avec un mouchoir (les empreintes
::??), nous sommes revenus à mon bureau pour y tenir
conseil.
Pas
de doutes, fallait saisir La Sécurité Base! Ce
qui fut fait. Un moustachu rappliqua sur le
champ. Fort heureusement il ne saisit pas le corps du
délit et s'en fut tout d'abord consulter. L'affaire
était délicate et mettait en cause une unité de
passage. Les langues allaient bon train lorsque le
chef de Piste, enfin mis au courant, examina la Bête.
"M….ky fit! Regardez ce N° gravé sur le manche…on
dirait quasiment un outil de chez nous! Peut-on poser
la question à Orange?" Message ou téléphone, je ne
sais plus, mais la réponse revint, manifestement
positive, la masse venait bien de chez nous et le
responsable était identifié (son nom et le n° de
consignation de l'outil….!). C'était en changeant la
roue, dans l'urgence du départ de Caritat. Trois
bidasses, ou aides disponibles, pour soulever le plan
et il fallait un objet lourd pour positionner, vite
fait, la roue sur son axe avant de laisser retomber le
plan. Une autre tâche urgente à régler, la masse que
l'on pose au-dessus de la tête, pour aller plus vite…
et que l'on oublie!... Et tout se trouvait expliqué!
Oui,
d'accord, mais ça c'était du linge sale que
l'on devait nettoyer en famille, ça ne regardait
sûrement pas les chaussettes à clous! Et encore moins
la Srass et/ou la Sécurité des Vols (laquelle
n'existait pas encore!). Comprendre que le convoyage
de l'avion s'était effectué sans histoire avec un
passager clandestin par la faute d'un étourdi…et par
la grâce du coup de pôt, c'était facile….mais
expliquer au barbousier du coin qu'il avait été
dérangé pour rien…ce fut plus compliqué et il fallut
dépenser beaucoup de salive…avec sans doute un peu
d'anisette, pour enterrer l'affaire. Qu'importe, c'est
comme cela que l'on acquiert le calme des vieilles
troupes, la sérénité et la sagesse … et aussi la
confiance affectueuse de ses subordonnés.
En
bref, l'expérience du Commandement.
Le
Ronéo ayant fixé mon sort, je suis allé me
présenter au 3ème guichet du
Boulevard Victor (Enfin, à son chef !). Un avion
lisse, VFR, 20 000’ direct, Orange –
Villacoublay, pas de pb ! Las, au retour, le
temps s’était gâté, la protection météo ne montrait
que des chaînes de cunimb. Quand je me suis pointé au
CLA, pour déposer mon plan de vol, le chef a émis la
prétention de me refuser le VFR ! Or, approche +
contrôle,… direct, ça ne passait pas ! Je l’ai
traîné dehors, lui ai montré un gros trou dans le
système nuageux et je lui ai promis que j’allais
monter dedans (dans le trou), jusques au-dessus et
que, avec mon Mistral, ça ne posait aucun
problème ! …
Il m’a cru et, admiratif, m’a délivré
ma clearance ! Mise en route fissah..et marche la
route ! Pas plutôt décollé, of course, cap
direct et monte là-haut ! J’étais en contact avec
l’approche qui ne voulait pas en croire ses oreilles "
Zêtes sûr d’être en ciel clair ? …Affirmatif,
passant 7 000’ ! " (J’étais de
fait en pleine bordure d’un cunimb et me faisais
secouer comme une vulgaire salade) "Curieux, ki me
répond, ya une Caravelle dans, votre secteur qui se
trouve très mal à son aise ! Non, non je passe
15 000, toujours ciel clair " (Je pouvais à
peine parler, tellement j’étais secoué !)
"OK, 21 000, je suis au-dessus (ça c’était
vrai !) je quitte votre fréquence"… et je suis
rentré sans histoire ! Personne ne pouvait me
voir à l’époque, les radars étaient plus ou moins
borgnes… pas vu, pas pris… c’était le bon temps !
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C'est
un paisible voyage que fait du Laos vers la
France le Noratlas 2508
immatriculé F-BFRG "Roméo Golf". Un bon avion, en fait
un prototype proche dérivé du classique Noratlas militaire
de l'époque, équipé de moteurs plus puissants. Du beau
temps tout au long ou presque, sans le tracas de
passagers qu'ont remplacés des caisses solidement
arrimées.
Un
équipage à quatre, quatre des essais en vol,
habitués à la prudence de notre métier,
solides et unis par ces liens de l'air inexplicables
à ceux qui ne les ont pas vécus, ces
isolements d'un équipage à l'époque, et plus encore dans
les régions où les autres liens avec le sol étaient
douteux. Ce sont des liens faits d'une vitale et
réciproque confiance, de cent souvenirs communs, mêlés
de joies et de deuils toujours vivants, faits d'une
amitié souvent pudique dans son expression mais combien
sûrs. Un seul pilote, - c'était dans les us de l'époque
-, un mécanicien navigant ayant des notions de pilotage,
un radio-navigateur (la transmission en morse était
encore en usage) et un mécanicien de piste
accompagnateur pour l'entretien au sol.
Au
dernier moment s'est jointe à eux une jeune
femme, épouse d'un médecin français en poste au Laos ;
elle vient retrouver en France trois enfants, laissés
depuis plus d'un an à la garde d'une grand-mère.
Hôtesse de fortune, au regard d'une clarté merveilleuse,
elle a été extraordinairement adoptée.
Qui
se doute de l'aventure prochaine ? Mais tout se tisse
lentement. On quitte New Delhi, deuxième escale du
voyage, le 7 novembre 1959 au petit matin, pour
une première enjambée jusqu'à Karachi, Cette brève étape
n'est qu'un élan : après Karachi, le plein fait, le
programme est de repartir aussitôt pour le long survol
désertique vers Téhéran, où l'avion est attendu en fin
de soirée pour une démonstration … si le pilote est
encore en bon état de vol.
Le
terrain civil de Karachi, ce mois-là, est
fermé chaque jour jusqu'à 16 h 30 pour des
travaux sur la piste, mais le plan de vol a
été obtenu pour le terrain militaire de Drighroad,
tout proche, où pourront être effectués le
plein et les formalités policières, douanières,
sanitaires, qui posent en Orient à chaque pas d'un voyage
international, même en simple transit.
Tout
irait donc bien si, à l'arrivée en
vue de Karachi-Drighroad, le contrôle pakistanais des
vols n'avait changé d'avis, premier point de l'aventure
qui se noue, refoulant le "Roméo Golf" vers un terrain
de dégagement 150 km plus au nord sur le cours de
l'Indus, Nawabshah. La piste d'atterrissage en est
d'ailleurs particulière et inusitée, tout en brique
faute du moindre caillou pour du béton.
L'accueil
y est sympathique, mais le ravitaillement en essence
(et autres denrées !) ainsi que l'indispensable
dédouanage impossibles. Il n'y a plus
qu'à attendre la fin de l'après-midi - avec un
bref regret pour le temps perdu - et l'ouverture de
l'aérodrome civil de Karachi, L'avion y
atterrit enfin à cinq heures du soir. Les formalités
tatillonnes d'un pays indépendant depuis peu et jaloux
de montrer son autorité seront plus longues que les
pleins, et le décollage ne sera possible que vers 6 h
30. Le vol doit durer 6 h 45, annonce le
radio-navigateur, du fait des vents légèrement
contraires. Or le Nord n'a que 7 h 30 d'autonomie
totale, et il n'y a guère de terrain de dégagement que
nous connaissions du moins à l'arrivée.
Va-t-on
rester coucher ici à l 'improviste, dans
ce pays peu accueillant en général ? Ou partir de nuit
pour cette longue étape sur le désert ? Mais la météo
est excellente, la journée pauvre en kilomètres
jusqu'ici, les aides de radio-navigation à Téhéran
connues pour bonnes, l'équipage d'attaque ; et de toute
façon il n'y a pas plus de terrains de dégagement de
jour que de nuit avec notre autonomie un peu courte.
Le
pilote prend la décision qui s'avérera lourde, de
décoller. La partie est jouée.
- « Karachi tower, this
is Fox Roméo Golf, ready line up and take off Over ? (C'est
la phraséologie du temps,qui n’a pas fondamentalement
changé depuis, tout est en anglais, mais les accents
diffèrent...)
- « Roméo Golf, this is
Karachi tower. You are clcear to lince up and take
off, wind calm, After take off, turn left and join Mauripur
beacon at two thousand feet, Report when reachtng
Mauripur. Over ?
- « Roméo Golf. Roger (qui
veut dire OK !)
À
pleine puissance de ses moteurs, et des petites
turbines de bouts d'ailes ajoutées sur ce modèle dérivé,
le Noratlas enlève
aisément ses vingt-trois tonnes, rentre le train et les
volets, et dans le calme d'une nuit étoilée part pour
son destin.
Au-delà des
lumières de la ville, les bouches de l'Indus et la
côte apparaissent comme des lignes d'un bleu sombre,
avec un peu de brume laiteuse sur la mer. Au loin
quelques hauteurs dénudées semblent transposer sur terre
le relief de la lune, haute dans le ciel. Dans le poste
d'équipage - version militaire où l'on peut éteindre
toute lumière blanche et n'illuminer que la planche de
bord par éclairage ultraviolet -, la douce fluorescence
des cadrans compose une atmosphère intime entre la
mécanique et les hommes. La nuit, comme toujours, semble
apporter le silence, malgré le ronronnement habituel des
Pratt. Pilote,
mécanicien, radio, chacun travaille méthodiquement pour
prendre les bons caps successifs de l'étape et le bon
régime des moteurs, avant que le seul contact devienne
celui des tititata en
morse du radio, tandis que l'avion monte d'abord à 12
500 pieds. Le corridor E, route directe vers Téhéran,
est rejoint au point de report 28°Nord - 63°Est, à
partir duquel nous couvrons nos visages des masques à
oxygène pour une heure et demie : l'avion n'est pas
pressurisé et il faut monter à 16 500 pieds, 5 400 m,
pour franchir en sécurité la passe entre Pakistan et
Iran.
Depuis
une heure environ, la phonie ne porte plus, mais le
contact avec Karachi est maintenu en morse. Le régime
des moteurs a été soigneusement établi et
réglé, d'après l’altitude et le vent donné par la météo,
pour assurer le plus long trajet possible. Le temps
passe calmement sous la lune.
De
loin, voici les lumières de Zahedan, ville frontière
de l'Iran, Les hauteurs sont donc franchies et nous revenons
à 14.500 pieds pour ôter nos masques. Zahedan est
atteinte à la verticale sur notre cap à l'heure précise
prévue, 2 h 56 après le décollage, et un large tiers du
trajet est passé. Bonne confiance donc dans la
navigation et dans les vents annoncés, ce qui devrait
permettre une bonne estime par la suite jusqu'au moment
où le radiophare de Téhéran devrait nous guider, Mais il
n'y aura plus aucun repère au sol d'Ici notre terminus.
La
liaison morse est normalement close avec Karachi,
puisque nous passons maintenant en compte avec
le contrôle aérien de Téhéran. Celui-ci ne répond pas,
mais nous l'aurons certainement en nous rapprochant un
peu plus : l'absence de liaison radio, quand elle ne se
prolonge pas, n'est pas exceptionnelle alors en ces
pays, sans être toujours attribuable aux conditions de
propagation des ondes. Le ciel, où la lune décline, est
toujours bien dégagé. Apres que l' "hôtesse" aura servi
à chacun le plateau-repas emporté de Karachi, le pilote
se retire à l'arrière pour prendre un peu de repos. II
laisse son siège et la surveillance du pilote
automatique au mécanicien, lui-même pilote breveté.
Si
l'on se reporte à une carte de l'Iran, dont nous
survolons maintenant la plaine désertique, on
remarquera la bordure de hautes montagnes qui la cernent,
à l’Est du côté de l'Afghanistan, puis surtout au Nord,
où une chaîne assez continue culminant à près de 5.000
m, l'Elbourz (à ne pas confondre avec l'Elbrouz du
Caucase, qui s'élève jusqu'à 5.600 m), qui sépare
Téhéran de la Caspienne, dont deux centaines de
kilomètres de côte fournissent à l'Iran son or noir, le
caviar.
Pendant
ce temps, le radio cherche toujours à joindre le
contrôle de Téhéran qui devrait maintenant répondre.
En vain. Il ne nous répondra jamais, et Karachi est
trop loin pour être repris en liaison Du moins
les radio-compas, qui permettent de relever les stations
émettrices, devraient donner le travers de quelques
émetteurs, malheureusement assez à gauche de notre route
théorique et peu puissants, la nuit est-elle peu
favorable, ce qui arrive ? Les relèvements obtenus, en
tout cas sont peu précis. L'estime est donc incertaine,
et le radionavigateur ne se sent pas très assuré, II va
réveiller le pilote pour que celui-ci tente déjà de
prendre contact en phonie avec "Téhéran-Informations" et
avec le goniomètre qui pourrait nous tirer vers Téhéran.
La
lune se couche en ce moment. Aucun repère n'est
visible. Cinq heures et demie de vo! ont passé,
Téhéran ne devrait plus être qu'à une heure, une
heure et quart de vol quelque 400 km. Il ne
répond pas à l'appel du pilote ; c'est, ma foi, encore
plausible ; il faut insister, patienter. Une légère
inquiétude se lève ; mais, au fond» Téhéran ne saurait
être manqué dans cette nuit claire et bientôt les
aiguilles des radiocompas, réglées sur les fréquences de
Téhéran, vont se stabiliser sur l'un ou l'autre des
émetteurs installés à proximité du terrain.
Le
temps passe pourtant. Quelques nuages, deux mille
mètres peut-être en dessous de nous, se dessinent
imprécisément dans la nuit à vrai dire, le
pilote se demande un instant si ce sont bien des nuages,
ou quelques crêtes enneigées, et il appelle le radio en
un bref conciliabule. Mais non, il n'y a pas sur notre
route prévue de hauteurs suffisantes, et ce doit bien
être des nuages.
Une
heure encore s'est écoulée. Nous devrions être en vue
maintenant, et pourtant l'obscurité n'est percée
d'aucune lumière. La radio est toujours muette en
graphie (l'opérateur de service doit s'être endormi),
et il est étrange que la phonie non plus ne
réponde pas. Quant aux radiocompas, s'ils indiquent bien
Téhéran devant nous, c'est sans aucune stabilité ni
indicatif décelable. La situation se fait plus sérieuse,
d'autant qu'aucun autre terrain ne peut être atteint en
une heure et demie de vol, ce qui nous reste d'essence.
Le pilote demande au mécanicien de régler les moteurs au
régime d'endurance maximum (plus faible que celui de
trajet maximum pris au début). Il faut trouver Téhéran.
Hélas,
une demi-heure se passe encore à notre cap
sans que rien ne nous apparaisse ni que personne ne nous
réponde...
En
fait, nous le comprendrons plus tard, tandis que
Téhéran, par suite d'une erreur de transmission de
message avec Karachi - c'est ainsi que les choses
s'enchaînent contre nous - ne nous attend pas
et ne cherche pas à nous entendre, les vents ont
imprévisiblement changé depuis notre dernier repère au
sol, bien lointain maintenant, de Zahedan. Plus forts
d'ouest, ils nous ont entraînés bien à l'est de notre
route. Ce qui veut dire que nous abordons maintenant la
haute chaîne de l'Elbourz, cap sur la Caspienne. Mais
cela, nous l'ignorons. Et ces fameux radiocompas
hésitants nous indiquent toujours Téhéran au nord ou
nord-est alors que la ville est passée au sud-ouest
Pourquoi ? L'orage magnétique est peu probable, qui
aurait affolé le compas magnétique lui-même.
La
vérité n'est pas physique. D'autres sont en fait
tombés dans le même piège que celui où nous nous
engageons : de plus lointains mais puissants émetteurs
russes, naufrageurs calés sur les mêmes
fréquences, tels de faux phares, les ont comme aspirés.
Ils ne sont plus là pour raconter ce qu'ils ont dû vivre
comme nous. Ils ont fini par percuter la montagne qui
déjà nous encercle, ou tomber sous les balles de
chasseurs russes sur leur territoire, comme je l'ai
appris depuis aux États-Unis.
« May day, may day, may day (c'est
notre SOS), to all
aircraft this is Romeo Golf, do you read me ? »,
et
je recommence, car il faudrait que l'on sache
où et comment nous nous sommes perdus, ne
serait-ce que pour celles qui nous attendent. Nul ne
répondra. Il n'y a plus qu'à éviter encore toutes ces
crêtes devinées, et cependant prendre un cap fixe, user
nos derniers litres pour tenter de rejoindre quelque
plaine, quelque vallée ; mais à vrai dire je n'en ai
plus l'espoir ; des sommets partout Je choisis, presque
sans calculer, le cap 160, inverse de notre route depuis
Karachi. Mais nous ne saurions atteindre les plateaux
dégagés que nous survolions certainement il y a
longtemps, si longtemps. Devant nous, assez loin
peut-être, encore une ligne de crête continue, tout
juste à l'altitude à laquelle nous sommes remontés. Je
crois bien voir une lueur de ce côté. Mais c'est sans
doute un nouveau piège, quelque plaque de neige. La
lampe d'épuisement d'essence s'allume à droite ; le
moteur n'a plus que dix minutes de fonctionnement ; le
gauche suivra sous peu. J'essaie de faire un peu de
calme en mon âme :
- « Seigneur,
pardonne-moi, je t'aime, fais-moi fort, fais-les fort
» quand il faudra bien, moteurs arrêtés,
descendre. Mais ne devrais-je pas, tout de suite, tenter
d'échouer sur cette croupe ?
À
Téhéran, bien sûr, on ne nous attend plus, et l'on a
envoyé vers la France le message « Roméo Golf perdu ».
Un nuage devant nous. Je vais îe contourner, il peut
cacher un sommet. Je passerai à gauche, ou à droite ? À
gauche plutôt, en appuyant un peu du côté de la lueur...
Malgré l'écart
du cap qu'il faudrait garder fixe, Lampe d'épuisement
moteur gauche allumée, Mais nous la regardons
à peine, car la montagne passe sous nos pieds, et que se
sont tout à coup allumées aussi devant nos yeux tirés
les mille lumières du salut, les maisons des hommes. Par
quel miracle : TÉHÉRAN, Ils l'ont crié ensemble.
Mais
j'attendrai pour crier victoire moi aussi :
arriverons-nous jusque-là ? Je reste trois
minutes encore en palier, avant que mes yeux n'aient
vu vraiment la rangée de lumignons de la piste,
n'aient retrouvé leur jugement des distances
terrestres, n'aient été sûrs d' "avoir" la
piste, Alors, tout réduit, je descends, je dégringole
sur l'aéroport, et sans risquer un réglementaire tour de
piste qui obligerait à remettre du moteur, j'enroule des
S comme un léger avion d'aéroclub à l'entraînement. La
tour de Téhéran n'en croit pas ses oreilles d'entendre
l'appel de "Roméo Goif", ni le goniomètre qui l'a
entendu venir de la montagne. Sous leurs yeux incrédules
aussi, le "Roméo Golf" s'est posé après une prise de
terrain un peu acrobatique, et roule sagement. Son
pilote s'attache à poursuivre une procédure radio
réglementaire jusqu'au parc, jusqu'à l'arrêt des
moteurs.
Alors,
il n'y à plus de joie pudique, et nous tombons
dans les bras les uns des autres. Nous avons quelque
peine à nous croire là, mais pas du tout à
simplement croire : nous avons été bien guidés. C'est un
sentiment fort, que j'ai ressenti plusieurs fois dans ma
vie, comme sans doute mes compagnons du "Roméo Golf",
Mais on ne s'en rend naturellement compte qu'à
posteriori.
J'ai
fait jauger les réservoirs, II restait à gauche
18 litres d'essence, un peu plus à droite, trois minutes
de vol. Sur nos carnets, huit heures de vol de nuit.
André TURCAT
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Le 4
février 1941, le Gal Leclerc commande au GRB-1, une
mission de bombardement sur les défenses du fort d'El
Tag à Koufra (Libye).
Le 5
février 1941, quatre bombardiers légers
Blenheim décollent d'Ounianga-Kébir à 10 h 20 pour
exécuter cette mission, aux ordres respectifs de l’Adc
Grasset, du SLt Claron, du Lt de Saint-Péreuse et du SLt
Hirlemann,
-
L'avion de Grasset rentre à Ounianga à 14 h
30 par suite d'ennuis mécaniques. Sur son
trajet retour : il annonce, après l’avoir survolé, que
l’avion de Saint-Péreuse a été obligé de se poser à
quelques 40 miles au Nord de Tekro, sur une piste située
à l’Ouest de la piste normale conduisant au puits de
Sarra. L’équipage du Lieutenant de
Saint-Péreuse ne fut repéré à nouveau que le 8 février
et rejoignit Ounianga le 9 en camion. 
-
L’avion du SLt Hirlemann atterrit sur le terrain du
poste de Gouro, à environ 110 km dans l'ouest-nord-ouest
d'Ounianga, mais la nouvelle n’en parvint à
l’unité que le lendemain.
- Du
quatrième, celui de Claron, le poste radio d'Ounianga
reçoit à 15 h 26 le message suivant : «Nous
sommes perdus» message répété plusieurs fois
et reçu de plus en plus faiblement jusqu'à 15 h
48.
L’équipage
du Blenheim T1867 est le suivant :
-
pilote : Sgt Le Calvez (1)
- observateur :
SLt Claron (2)
- radio-mitrailleur
: Sgc Devin (3)
Et
puis le grand silence et des recherches infructueuses
dans les jours qui suivirent, en particulier
dans la région de l’Emi Koussi et plus largement dans le
Tibesti. Le journal de marche du GRB-1 ne signale plus
de recherches après le 11 février. Suite à une erreur de
navigation, ils se sont perdus en zone désertique.
L'appareil parvient à se poser près des frontières de
la Libye, du Soudan et du Tchad. Tous les
occupants décèdent les uns après les autres de soif et
d'épuisement dans un calvaire qui durera jusqu'au 3
mars.
Durant cette période, Devin a
noté sur son agenda :
4 février (avec mention
d'une correction par un 5 entouré au crayon) Mission sur
Coufra. Bt Terrain. Dép. 10h15. Sommes perdus
atterrissons train rentré en plein (bled ?) à 17h15.
Sommes peut-être 80 milles ESE ASP1er soir : 1 biscuit,
1 gobelet d'eau
6 février (2e jour)Je ………. (Illisible) 1 gobelet d'eau,
tomates, 1 boite de lait, 1 gâteau
7 février (3e jour) Confiture, Corned-beef, 1 boite de
lait, + eau
8 février (4e jour) eau, sardines,………. En reconnaissance
le Lt Claron trouve un arbre et des buissons
Pas de traces d'eau, Pour trois (1 bte lait)
9 février (5e jour) 1 boite Corned-beef, 1 boite
confiture ……… Devin Le Calvez…8 00 à 13h30.
Aperçu plusieurs arbres - (Rien sur TSF ?)
10 février (6e jour)Betteraves. Rec. Lt Claron . . . . à
17h30. A, parait-il, aperçu falaise avec arbre
11 février (7e jour) Sgc Devin Rec de 08h15 à
17h00 RAS. Corned-beef, Confitures
12 février (8e jour) Sardines, Tomates. Lt Claron part
en rec 11h à 17hoo.
A aperçu un ………dans un arbre. Le 1er réservoir d'eau est
vide
13 février (9e jour) Rec. SC Devin 9h30 16h30
14 février (10e jour) Poulet, lait, sardines. Je perds
assurance. La fin approche
15 février (11e jour) Corned-beef, Confitures, Lait
16 février (12e jour) Poulet, lait
17 février (13e jour)Confitures, biscuits
Lt Claron part en reconnaiss. pour 2 à 3 jours
18 février (14e jour) Corned-beef, Patates.
Chaleur accablante. Encore un ou 2 jours
19 février (15e jour) Poulet, Confitures.
Le Lt Claron revient vers 10h.
A vu une gazelle, des arbres, pas traces d'eau. Chaleur
accablante
20 février (16e jour)
(Date changée en 21) Sardines, Betteraves. Plus de lait
22 février (17e jour) Poulet, Confitures (Framb . . .
23 février (18e jour) Confitures (Framboises). Dernier
jour de vivres mangeables
24 février (19e jour) Poulet. À midi notre provision
d'eau est terminée
25 février (20e jour) Plus d'eau. Attendons fin
26 février (21e jour) Encore en VIE
27 février (22e jour) Encore VIVANT
28 février (23e jour) ENCORE EN VIE
1er mars (24e jour)
JOUR ANNIVERSAIRE FRERE ROBERT. Même pas 1 goutt . .
.pour l'arros . . .
18 ANS PLUS TARD …
L'appareil
intact et les corps des trois occupants ne
seront retrouvés que 18 ans plus tard, le 29 mars
1959, par des goumiers du 8e Groupe
nomade, patrouillant au nord du Tchad, près de la
frontière libyenne.
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PROCES
VERBAL DE L'ASSEMBLEE GENERALE 2013
DE
L'ASSOCIATION DES PERSONNELS DE LA 5° ESCADRE DE
CHASSE
Le 15 juin 2013 à 19 h 00 au
«Restaurant du Golfe du Moulin» à Orange, le Président
ouvre la séance en souhaitant la bienvenue aux 34
adhérents présents.
A ce jour,
l'Association compte 240 membres.
FINANCES
Le trésorier donne lecture du
bilan ci-dessous.
La
cotisation annuelle est maintenue à 10 €.
RENOUVELLEMENT DU BUREAU
Aucun membre du bureau n'étant
démissionnaire, ils sont
reconduits dans leur fonction.
Le mot
du président
Le Général Lartigau évoque la réorganisation de
l'Armée de l'Air et le livre Blanc.
A 19 h 30 , le Président clôt l’Assemblée
générale.
Le Général
d'armée aérienne J.C. LARTIGAU
Président de
l'A.P. 5
|
M. DIEU Jacques
Vice-Président
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Signé : J.C Lartigau
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Signé : J. Dieu
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M. SOUFFLET Michel
Trésorier
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Mme FOIX Annie
Secrétaire
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Signé : M. Soufflet
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Signé : A. Foix
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EXERCICE
2012 – 2013
AVOIR AU 01
JUIN 2012 = + 5 567,00
€
RECETTES
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DEPENSES
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61 Cotisations
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1 240,00
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Affranchissements
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452,06
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2 adhésions
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20,00
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Fournitures de bureau
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329,59
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Intérêts
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115,22
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Participations repas
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975,75
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1 dons
|
10,00
|
Décès (achats de fleurs ou
plaques)
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225,00
|
TOTAL
|
1 385,22
|
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1 982,40
|
Balance : - 597,18
€
AVOIR AU 01 JUIN 2013 : + 4 969,82 €
COMPTE EPARGNE
|
COMPTE COURANT
|
CAISSE
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4 264,84
€
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671,19
€
|
33,79
€
|
Amie, ami,

Notre
prochaine sortie culturelle avec les conjoints nous
permettra de découvrir
Le samedi 14 septembre 2013
Le Château
de Saint-Privat
Sur un
contrefort du Gardon, à 2 kms du Pont-du Gard
Monument
historique XIe – XVIIIe siècle.(Parc romantique –
jardins à la française – Chapelle décorée par Georges
Desvallières (1922) …
Le
rendez-vous est fixé à 10 h 00 précises à l’entrée
du château.
En
arrivant au Pont-du-Gard, surtout ne pénétrez pas dans
le parking,
rendez-vous
sur la gauche, juste avant le portail barrant
l'accès
au
chemin conduisant au château. (Voir plan au
verso)
Tél.
04 66 37 36 36 / 04 66 37 38 00
Coordonnées
GPS (Lat x Long) : 43.948312000, 4.516110000
Un
apéritif nous sera offert sous les ombrages et
ensuite, on déjeunera sur place avec notre
pique nique tiré du sac (l' AP 5 fournira le vin).
Le château met à notre disposition tables
et chaises. L'après-midi, on pourra soit : faire la
sieste, se baigner dans le gardon, jouer aux boules,
se promener dans un parc admirable…
Le
prix de la visite guidée est de 10 € par
personne. Les chèques sont à adresser pour le 7
septembre , dernier délai à :
M.
SOUFFLET
Michel
300,
Route de Travaillan
84850
CAMARET S/AYGUES
Nom et
prénom :
|
Merci de
mentionner d'éventuelles modifications de
vos coordonnées :
Adresse :
Tél : Adresse
internet :
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Le Général d'armée
aérienne Jean-Claude
LARTIGAU
Président
de l’AP5
Signé :
J.C. Lartigau,
Bulletin de
liaison de l’Association des personnels de la
« 5 » – N° 61
– Juin 2013
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