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Du sable et
des Spit IX(1)

…Ou
de l'importance du mécano de piste en terrain
sablonneux
Une histoire
du général Pierre Simard dont nous avons déjà
parlé dans ce journal
En 1948,
commandant le 1/7 à Oran, je reçois l'ordre de la 5ème Région aérienne d'aller monter
nos avions dans le sud algérien, à Ouargla. Après
des manœuvres avec la 5ème escadre du commandant Clausse
à Sidi-Ahmed, où j'essaye vainement de savoir si le
terrain d'Ouargla est praticable aux Spit, nous mettons le cap sur Bagès
où la piste résiste bien.
Le lendemain, départ sur Ouargla où le
lieutenant Berthet arrive à se poser, bout de bois
en croix (2), juste à côté des balises. Je
lui demande de vérifier la solidité du sol en
marchant, et sa réponse est positive.
Je me pose à mon tour, mais dès que la
vitesse tombe, l'avions pique du nez et je demande à
tous de garder de la vitesse pour rouler. C'est déjà
trop tard pour mon équipier, le capitaine
Labussière, qui est en pylône. J'envoie les cinq
avions restants se poser à Touggourt que je rejoins
le lendemain, ma zone de roulement paraissant assez
ferme pour décoller. Il reste donc deux avons à
récupérer, avec une hélice et un moteur, celui du
lieutenant Berther, à changer.
Un mois plus tard, nos deux avions sont prêts
et nous allons les chercher. Le sol paraît assez
ferme à l'endroit où Berthet s'est posé pour
décoller ; il n'en est pas de même pour celui du
capitaine Labussière où le sable se révèle
effectivement friable. Pour m'en sortir, en
l'absence de possibilités de remorquage, je demande
à deux de mes mécaniciens, dont le sergent-chef
Terribillot, de s'asseoir sur la queue et de sauter
en marche au milieu du sable que mon hélice va
soulever.
Le première tentative est la bonne et nous
nous retrouvons en l'air avec Berthet.
C'est alors que je découvre que mon glycol
chauffe anormalement ; le radiateur est ensablé et
je dois réduire ma vitesse. Je décide en outre de
larguer mon belly
tank et me
retrouve en même temps sans gouvernail de direction.
La dérive est devenue folle, le belly tank, mal accroché, a coupé les
câbles du palonnier.
A Oran, la nuit est tombée, mais j'arrive à
m'axer correctement aux ailerons. Une fois au sol,
en revanche, le flettner est impuissant à maintenir
l'avion sur la piste (je n'ai pas pensé aux freins)
et je termine sur le nez, après un cheval de bois,
le lieutenant Bret étant là pour m'accueillir. Tout
est bien qui finit (relativement) bien, au prix
d'une 2ème hélice, grâce au sang-froid de
mes deux mécaniciens cascadeurs.
Le terrain d'Ouargla n'a jamais été retenu
par la suite (sauf améliorations que je ne connais
pas) pour accueillir ni Spit IX ni P63.
(1) Egalement
publié par le magazine Pionniers
(2) Moteur calé.
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Le
vol du MIR IV N° 1 à Istres (suite)

Dans le
courrier des lecteurs j’ai reçu cette
contribution sur l’article de H Bataille et sur
le « vol » du MIR IV N° 1 de la part
d’un acteur au second degré de cette aventure
qui était affecté au 2/93 à Orange, suivi d’un
avis de lecture sur le livre « La guerre
vue du ciel « par le Cdt Scheffler.
L’AP5 N° 63 raconte l’affaire du MIR IV N°1.
Il y avait de nombreux contacts entre le 1/93 et
2/93 qui étaient presque jumeaux. Je ne savais pas
que Bataille avait été à la 5 mais je me souviens
parfaitement de sa bonne humeur, de son humour et de
sa voix de basse.
Vu d’Orange, cet après-midi là, j’ai reçu un
appel de mon homologue d’Istres me demandant, sans
dire pourquoi, où nous faisions nos points fixes. La
ZTO d’Orange étant trop petite et trop proche de la
zone vie, nous allions toujours à l'aire officielle
de PF. J’ai eu le sentiment que cette réponse avait
déçu !!! A l'époque tout le monde avait
dérouillé sec, sauf, pensions nous, le commandant de
la 93. Ce qu'un vieux (??) mécano, l'OAT
Escadre, avait traduit pour moi, avec l’accent du
midi: Retiens bien cela, petit, plus tu as de
galons, plus tu retombes sur tes pattes !
Etant à mon tour vieux (??), il me parait
improbable que l’ardoise n’ait pas été complètement
soldée.
J’ai évoqué l’humour de Bataille et je veux
vous en donner une preuve: La redoutable Evaluation
des FAS contrôlait, entre autres, que les lots de
crash MIR IV comprenaient bien quelques traverses de
chemin de fer, prévues au cas où, pour étayer, pour
servir d'appui, etc... Le lot du 1/93 n’était pas
complet et il manquait ces traverses. Face aux
évaluateurs, Bataille avait répondu qu’à Istres ils
crashaient les avions directement sur une voie
ferrée et qu'ainsi ils avaient les traverses
disponibles sur place. Je n’ai pas de souvenir de la
réponse des FAS !!!
Dans un autre ordre d’idée, j’ai trouvé
passionnant le livre du Cdt Scheffler « La guerre vue du ciel » sur ses missions de
guerre en 2000 D. Le non PN est impressionné par ce
que ces missions demandent d’engagement physique,
intellectuel et humain. Surtout la gymnastique pour
optimiser des capacités « limite »
(capteurs, emports, autonomie, liaisons, patrouilles
non homogènes, règles d’engagement). Sans suivre ces
affaires de près, je ne pensais pas qu’il y avait eu
encore en Afghanistan sur 2000 D des problèmes de
radio cryptée et de L16. Ceci étant, on m’a dit que
ce gars avait fait un tabac lors d’une conférence
chez Thalès, montée par un ancien de la 11.
Amicalement
Général
Jean-Claude Cordier
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Le
colonel Bourdila poursuit le récit de ses
années dans l’AAir. Après le pain blanc
« La Chasse » paru dans les N° 57,
60 et 61, voici le pain gris la DAT en clair
la Défense Aérienne du Territoire ancêtre du
CAFDA. Pour les jeunes générations à cette
époque l’Armée de l'Air était encore en
devenir. Outre les organisations successives
(mais on a fait beaucoup mieux depuis
1992 !!!) la partie opérationnelle était
peu approfondie. L’alerte DA se tenait de 8h00
à 17h00, les vols de nuits se faisaient en
général en crépusculaire et en assaut un des
objectifs favoris du 1/5 était la gare de Bize
en Minervois à 95 Nautiques d’Orange. C’est
dans cet esprit qu’il faut lire le « pain
gris » foisonnement de bonnes idées.

Chap.2 La
DAT
*
Le pain gris
Les meilleures
choses ayant une fin, je me retrouve donc
"Commandant de la DAT à l’EMAA-3". Ce n’est pas moi
qui le dis, c’était le colonel Clausse (le "Patron"
de Chasseurs mes Frères) qui éructait
littéralement : "La DAT, sise aux Petites
écuries de Versailles, commandée par un Général ****
(Chassin) , secondé par un Général ** (Menu),
assisté par un Colonel généralisable (lui) est, de
fait, commandée par un trio qui a noms :
(quoiqui) Lansoy, chargé de mission auprès du
S/Ch–Ops de l’EMAA, Vauchy du BEG et Ca- pi-taine
Bourdila (et on peut dire que tout le mépris du
monde traînait sur ce dernier nom !). La DAT
(Défense Aérienne du Territoire) pour moi, ce
n’était jusque-là qu’un CTR/CDC avec des
contrôleurs, dont il fallait toujours se méfier et
voilà que je découvrais un monde mystérieux avec des
stations aux couvertures incertaines, des moyens à
déployer, des transmissions, des réseaux de
Commandement et surtout beaucoup de paille à
rédiger. Comparé au pain blanc le régime s’était
bien transformé ! Notez bien que, lorsque l’on
était arrivé à maîtriser le monstrueux système et à
savoir naviguer dans ses corridors interminables, on
pouvait goûter quelques joies, disons élémentaires.
D’abord j’avais découvert la salle d’ops de
Paris Contrôle, sise dans les sous-sols de la
caserne des gardes mobiles de la Place de la
République. On y jouait encore à la bataille
d’Angleterre avec des petites tours portant les
infos et que des marqueurs lecteurs, suivant les
indications qui leurs étaient téléphonées depuis les
stations, poussaient avec de longues cannes sur une
table horizontale (d’où ces fameuses transmissions
pléthoriques à gérer). Des Totes, servis par
d’autres téléphonistes, affichaient les
disponibilités du fourbi (avions, stations, radars…
etc.) Assis en position surélevée un chef dirigeait
la bataille et lançait ses instructions (inutiles)
vers les stations subordonnées. C’était sublime,
humide et nauséabond !
Il m’a donc fallu apprendre et digérer cette
face immergée de l’iceberg, décortiquer les
composants et disséquer les problèmes ! Les
stations (une douzaine), leurs organisations
hétéroclites et leurs matériels, les divers radars,
la différence entre un radar de site et un
panoramique, les beautés du TPS-1D. Je possédais
bien quelques notions (très générales), je
connaissais les CTR (triangulation), les CAR
(attente–recueil) des chasseurs, mais les termes
identification, attribution, hand over, vidéo brute,
vidéo synthétique, ER 37, Ramolo (radar mobile
lourd, qui n’a jamais bougé et ne fut construit qu’à
un seul exemplaire), lobes de détection, couverture
haute et couverture basse (… absence de !)
présentaient (pour moi) plus d’inconnus que de
sapience (Or il fallait que j’en parle en expert
patenté). Aidé par un pilote de la Reco, j’ai
organisé un cagibi des dispos pour le 3B, mais je
préférais de beaucoup mes panneaux Flambo avec leurs
pinnules multicolores, la liste et les indicatifs
des stations, les types de matériels, les diagrammes
de détection, les radomes, les effectifs, les radars
civils… et que sais-je encore. Notez bien que tout
cela était assez intéressant (à découvrir)!
Mais j’étais placé dans un poste de gestion
incontournable et je servais des chefs (qui
n’avaient qu’ignorance et mépris pour cette fameuse
DAT). Il me fallait bien tenter de les aider.
J’étais passé de l’autre côté du miroir et "là où la
chèvre est attachée… faut qu’elle broute"… J’ai
brouté pendant deux ans, tout rond (11.55-11.57). Ma
"force de frappe" se composait de 2/5 de dactylos
professionnelles (2 pour 5 rédacteurs). On grattait
tout à la main, fallait relire, corriger… nos fautes
et leurs erreurs… Oh ! notez que… avec une
boîte de chocolats de temps en temps on gagnait des
places sur la file d’attente, ce n’était pas à
négliger.
Remarquez, il y
avait bien quelques compensations :
déplacements ‘a
piacere‘
(droit de cuissage ouvert sur les N1100 du GAEL…
pour aller sur place), abonnement à la 10ème EC, … le 28.06.56 je me suis
lâché sur Mystère II (mach 0.9). Toujours pareil à
l’époque : il n’y avait pas de biplaces, un
briefing détaillé, la doc et …vole la galère !
Un avion très étroit (comme son train), je
découvrais en même temps les commandes hydrauliques,
les bras se trouvaient littéralement enserrés par le
cockpit. "Vous allez voir au 1er décollage vous
allez battre des plans". Je n’ai pas battu des
plans… J’avais une réputation à défendre ! mais
j’ai eu d’énormes bleus sur les triceps, le temps de
comprendre qu’il fallait laisser l’engin se
débrouiller tout seul. Le 06.07.56, enfin, je suis
entré dans le cercle, encore assez fermé, des
pilotes <<Mac 1>>. Le jeu consistait à
se hisser à 43 000’ (assez long), puis à
planter un retournement vertical en surveillant
l’aiguille. Aucune sensation ! Heureusement ce
jour là, il y avait une délégation étrangère qui
attendait ma démo depuis la tour. Le contrôleur avec
qui j’étais en liaison radio a tendu son micro et
j’ai entendu "mon" <<((Bang))>>.Il parait qu’il
était assez beau, (ça ne marchait pas à tous les
coups).
Je suis aussi allé représenter l’AA à une
séance du club "Tintin Aviation" : Tenue 2 sur
la scène devant quelques 500 mômes, tous plus fana
les uns que les autres ! Expliquer à cette
foule déchaînée la différence entre un Barrel roll,
un tonneau lent classique et un tonneau à facettes,
croyez–moi ce n’est pas si facile ! J’ai
presque réussi en brandissant une maquette… Ils
m’ont fait membre d'honneur et j’ai toujours
l’insigne !
Peu de temps après mon arrivée dans ce cercle
mythique du pouvoir et de l’autorité, je me suis
fait "apporter" le dossier officiel des Ovnis ;
c’était l’époque où le Cne Mantell de l’Usaf s’était
tué en P51 en poursuivant l’un de ces mystérieux
engins. A la 5, nous avions eu deux héros qui
avaient poursuivi kèke chose en limite d’autonomie
et d’altitude ; ils étaient rentrés
difficilement et on leur avait accroché aux miches
une ignominieuse réputation de chasseurs de Vénus en
plein jour (fallait plus en parler devant eux, à
moins que de vouloir rechercher le drame = z'étaient
devenus très susceptibles sur le sujet). A l’époque,
notre camarade Plantier (EA 46) avait émis une
théorie d’avant-garde sur le mode de propulsion des
susdits visiteurs, théorie qui lui avait valu les
honneurs de publications officielles… et savantes.
Vous pouvez toujours la retrouver sur le net
(j'ai même réussi dernièrement à m'en faire
dédicacer un extrait!) Bref, c’était un sujet qui
faisait l’objet de discussions aussi passionnées que
stériles et j’allais enfin "savoir". Las, j’ai vu
atterrir sur mon bureau une vulgaire chemise à
sangle, chemise qui laissait déborder quelques
liasses de pelures mal assemblées (la photocop
n’existait pas, dois-je le rappeler). Rien
d’exploitable ou d’intéressant la dedans ! Le
seul dossier remarquable était un rapport de vol
émis par un pilote de la XII : il racontait
comment, décollé sur alerte, il était monté dans la
zone des 20/25 000’. Après dures et longues
recherches, il avait entre aperçu entre deux couches
d’altostratus un objet de forme oblongue et qui
paraissait pratiquement immobile, sauf à éviter son
approche. Il avait finalement identifié une sorte de
bouteille, assez grosse d’origine vraisemblablement
publicitaire, qui avait sans doute rompu ses
amarres. Sur les flancs d’icelle, il avait pu
déchiffrer des lettres = D U B O ! Non, ce
n’est pas un canular, c’était un rapport très
officiel de quelques trois pages qui vous laissait
véritablement pantois. J’avais renvoyé le total à
ses poussières et à l’oubli.
Dès le début de ce hard labor j’avais du
apprendre les beautés ineffables de "la fiche" et
des "accords". Le sujet importait peu, vous receviez
une commande et il vous fallait pondre, une ou deux
pages "documentées". Le fin du fin consistait alors
à placer le fruit de vos cogitations dans une petite
chemise 21 x 27, laquelle se repliait sur votre
œuvre, et organiser dans des cases "ad hoc" un
périple de consultation au travers des Bureaux qui
pouvaient avoir un avis. L’urgence pouvait vous
demander d’aller porter physiquement l’objet à qui
de droit, sinon, celui-ci vous revenait "au bout
d’un certain temps". Ce pouvait être aussi une bonne
méthode pour enterrer un problème difficile à
traiter (je n’ai eu recours qu’une seule fois à ce
subterfuge inavouable… dix mois après j’étais parti…
et la bête n’avait toujours pas refait surface, il
s’agissait du statut des chasseurs de nuit ! =
Z’avaient ka voler de jour comme tout le
monde !).
Notez bien qu’une
belle fiche pouvait vous doter d’une réputation
d’expert incontournable. Sommé de faire le point sur
"la Guerre électronique", (la G.E. de l'époque)
j’avais concocté trois pages sur des sigles du type
CME. Il s’agissait d’un tableau à double entrée
proposant "mes" définitions personnelles de… CME =
Contre-Mesures Electroniques… CCME = Contre-Contre…
etc. et le reste à l’avenant. J’ai complètement
oublié la suite, mais c’était devenu un dictionnaire
très officiel… et qui faisait autorité! Personne n’y
connaissait rien et au royaume des
aveugles….etc. ! Expert reconnu, j’étais même
appelé en consultation. Da verro, acarbi… Je jure que c’est vrai !
Le 1er avril 1957 j’avais participé à
l’inauguration du CODA de Taverny ; la Base
n’existait pas, tout juste quelques barbelés avec
une minable baraque figurant un poste de police
chauffé avec un poêle. En plus, ce jour là, il
pleuvait sur de la boue gluante ! Les deux
tunnels étaient déjà là, bien sûr, débouchant sur
des couloirs humides qui menaient à la porte
blindée, puis à la salle d’OPS !
C’était toujours une grande table, (comme à
"La République") mais devenue verticale et ouverte
sur deux étages avec des marqueurs lecteurs
acrobates munis de crayons gras (pour écrire à
l’envers = ça remplaçait les tours). Lesquels
couraient sur des échafaudages et emmêlaient les
fils de leurs écouteurs ! Des Tôtes étaient
disposés sur les faces latérales avant et "le Chef"
(toujours aussi utile/indispensable) trônait face à
la cuve ! Derrière lui s’ouvraient de grandes
salles bourrées d’électronique à tubes ! Les
"Graphecon" (qui sait encore que c’était le nec plus
ultra de la production TH-CSF = TMA406H ?). Tout ce fourbis devait être
un jour remplacé par deux meubles IBM 36 (de la
taille d’une grosse machine à laver, ou d’un
congélateur). Le total préfigurait pourtant
l’aboutissement (annoncé) du César (Complexe d’Exploitation
Semi-Automatique des Renseignements Radars). Ce merveilleux complexe
était pratiquement considéré comme mort-né car "ON"
parlait déjà du STRIDA (Système de Transmission Rapide des
Informations de Défense Aérienne) ! On ? C’était le
quatuor déjà cité, plus le BPM et la DAT !
Tous… des experts aussi qualifiés que moi !
Moi… ? J’apprenais sur le tas (suffisait
de savoir en parler doctement!).
Il y avait tout de même des joies
(quotidiennes) très simples (limite
simplistes) ; c’est ainsi que la signature du
CEMAA valait une palme, celle GMG une étoile…
etc. ! J’ai obtenu mon summum le jour où j’ai
pu (faire) retourner à la DAT une lettre, assez
sèche, signée du CEMAA en personne (*****Venot, je
crois), laquelle lettre faisait savoir à la susdite
DAT que sa requête, signée du même Général Venot****
Cdt la DAT, était parfaitement incompatible avec les
possibilités de la conjoncture et se voyait donc
rejetée ! Un très joli coup en vérité, qui
démontrait qu’il suffisait de charger le dossier
accompagnant une lettre d’un nombre "d’accords"
suffisant pour que ça passe ! A moins que
personne ne la lise… ou que quelques échelons
décideurs aient eu un sens de l’humour assez
développé pour apprécier le gag. J’avais depuis
longtemps déjà épuisé les satisfactions de remarques
inscrites sur la 5C de mon escadron préféré en les
cochant d’un crayon noir, plus (si besoin) un coup
de crayon rouge pour faciliter l’aboutissement
positif d'un pb, (je ne crois pas avoir jamais osé
le vert !). Tout cela, pour situer l’envers du
décor, car il y avait tout de même des choses
sérieuses dans mon job, je l’ai déjà dit :
faire avancer la mise en place du César (réputé
périmé avant sa livraison), imaginer le Strida,
lancer la fabrication d’une grosse caisse surmontée
d’un écran type radar et grâce à laquelle les
contrôleurs devaient pouvoir s’entraîner à la
conduite d’une interception (procédure radio y
compris). C’était tout de même… Crayon gras plus
règle Cras.
Mais, soyons sérieux, Il y avait aussi des
choses plus graves, la guerre ! Celle de Suez
par exemple. Vues mes compétences étendues, j’avais
été classé "terrapin" (nous étions quinze habilités
au total dans tout l’Etat-Major, c’est vous dire).
Ce jour-là (enfin ce soir là), "Nous" recevons un
message Flash, venant de Chypre et signé du big
chief en personne ! C’était la 1ère fois que je voyais un Flash
(la seule fois pour tout dire, dans toute ma
carrière). J’ai complètement oublié l’objet et le
sujet. Je fonce, je fais décider qui de droit, je
rédige, et je porte le parapheur au "signeur"
responsable. Assez content de moi…. je n’avais pas
mis une heure entière ! Et que croyez-vous qui
se passât ? Je vois et j’entends encore ;
il (le signeur responsable de service) redresse ses
grosses lunettes d’écaille, ouvre le tiroir droit de
son bureau et y enferme le parapheur ! "Mais,
mon Colonel, c’est un flash !!! Ecoutez – moi
bien mon jeune ami !
De deux choses l’une, ou c’est aussi urgent
que vous dites et là-bas ils ont dû décider quelque
chose ! Et vous ne pouvez que les gêner !
Ou, ce n’est pas aussi urgent que cela et la chose
peut attendre jusqu’à demain matin ! Dans les
deux cas = … Tiroir ! " . Le lendemain…
les faits lui ont donné raison. Puissance de la
sagesse et de l’expérience.
Si vous doutez encore, je peux vous dire
comment se prenaient les (grandes) décisions aux
folies Victor (et il y a peu de chances pour que la
chose ait beaucoup évolué). Nous (la DAT et L’EMAA)
préparions une grande Manœuvre Nationale et la DAT
avait exprimé ses besoins/prétentions ;
terrains de déploiement, renforts CATAC, plastrons
nationaux et internationaux (OTAN), ouverture des
lignes réservées….etc. J’avais travaillé dur pendant
plusieurs semaines et les décisions étaient prises,
arrêtées… définitives ! Je téléphone donc (par
pure courtoisie) au CEM-DAT pour lui donner le
résultat des courses ! Baffre ! Je me fais
rafaler comme rarement je l’ai été dans toute ma
carrière, un véritable festival ! Ecœuré je
m’en fus rendre compte à mon chef le "Père Poil"
(Duval) ! Lequel rigole et me dit "z’en faites
pas, quand Clausse vous dit des choses comme ça,
vous lui faites –psszt- au téléphone" ! Un peu
facile, que j’y réponds. J’appelle donc Clausse
illico et lui passe Duval ! Explication…
musclée ! Et je voyais Duval tourner
apoplectique-rouge-létal ! Il raccroche
(grave-brutal à la limite du bris de matériel) et me
dis "l’est trop c… ! Faut lui faire une
vacherie ! Qu’est-ce que vous suggérez ?"
Je ne sais pas, mon Colonel… lui fermer une
station ! Excellente idée, faites- moi un
dossier, z’avez 3 semaines pas une de plus !...
J’ai choisi Meaux et déposé le dossier (très beau =
y avait tout ! les recoupements de couverture,
les économies de personnel, la possibilité de
reconvertir la station en école DAT… etc !).
Sur quoi j’ai quitté l’EMAA... Et… 18 mois plus tard
Meaux (indicatif Whisky) a été fermé ! Je dois
cependant ajouter que cette animosité violemment
extériorisée entre deux grands Chasseurs, tous les
deux membres célèbres de la haute aristocratie de la
profession, ne dépassait pas le niveau de la stricte
apparence. De fait c’étaient des frères d’armes qui
s’estimaient et se connaissaient bien… et si je
t’aime prends garde à toi !
S’agissait-il de la manœuvre Parasol 57, dont
au sujet de laquelle je viens de redécouvrir le CR
de la "Commission de Contrôle", Commission
itinérante (15 membres), présidée par le Colonel
Accart ? C’est très vraisemblable. Toujours
est-il que ce rapport, de quelques 37 pages
diffusées en 57 exemplaires, démontre sans aucune
ambiguïté que c’est bien le Lt-Col Vauchy et votre
serviteur qui commandions effectivement la
DAT : nos commentaires, attendus et critiques,
étalant notre compétence et nos responsabilités
personnelles, occupent un bon tiers du rapport et
sont largement soulignés par notre Président.
Il y a d’autres secrets moins avouables, que
l’on pouvait découvrir dans ce centre nerveux de
gestation et de décision où l’on voyait passer tout
ce qui faisait la vie de L’AA. Un de mes conseillers
en sa sagesse a décidé qu’il fallait censurer ;
je respecterai donc son avis et ne m’étendrai pas
davantage. Bréfle, mon temps étant passé, j’ai fait
jouer mon Joker et choisi une affectation de
qualité…loin de la DAT ! La chasse lourde,
stratégique, le Strike …en Allemagne ! L’un de
mes anciens chefs, déjà sur place, (Léon, qui commandait la IV à
Bremgarten) m’avait utilement conseillé : Ya
plus de pain blanc, zont tout bouffé, mais y reste
la croûte et, croyez-moi, elle est encore
épaisse ! C’est ainsi que je me suis retrouvé
désigné Chef–OPS, à la 4, sur 84 F, Thunderstreak, transsonique, le plus beau
"Piège" du moment.
Charl’s, mon ancien (et ami), qui gérait mes
affaires au sein de la DPMA m’avait délivré mon
ticket gagnant = chef-Ops... avec voie montante à
l’issue : " Normal, t’as payé, t’as gagné…
c’est la règle ! Il avait cependant assorti son
cadeau d’une solide mise en garde : Fais gaffe
en arrivant, c’est le " Charme" qui commande la
demi-brigade ! Vers j +10 il viendra te tester.
Si tu patines, t’es f…, il t’écrasera du talon. Si
tu rigoles, il daignera sourire et tu vivras des
jours heureux ! Good luck !

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