EMAIL INFO Numéro 36
Orange 17 octobre 2017



Connaissez-vous le Haut Comité d’Evaluation de la Condition Militaire (HCECM) ?


C’est un comité d’experts chargé de compléter le traditionnel rapport sur le moral que nous avons connu.


Diverses constatations ont été rapportées.


“Difficulté à concilier vie militaire et vie personnelle, manque de moyens, crainte d’une perte de compétences techniques et tactiques, lassitude face aux difficultés rencontrées en matière de soutien et d’environnement (infrastructure et hébergement)” : voilà autant de “facteurs négatifs "qui pèsent sur le "moral” des militaires


Premier sujet de préoccupation majeur, les militaires s’estiment insuffisamment entraînés faute d’équipements disponibles en métropole du fait des multiples engagements en opérations extérieures (Opex).


Selon l’état-major, moins de 60% des équipages d’avions de transport tactique sont qualifiés pour l’atterrissage en terrain sommaire, pourtant essentiel en opérations…


La dégradation des infrastructures immobilières et conditions d’hébergement constitue un autre point noir.


Selon l’état- major, près de 80 centres de restauration sur 350 devront ainsi fermer pour non-conformité s’ils ne sont pas rapidement modernisés.


“Les militaires souffrent de ces (délabrements) qui pèsent sur leur vie quotidienne, au quartier comme à l’entraînement”, écrit le HCECM.


“Le caractère aride, fatigant et répétitif de leurs missions conduit à de faibles taux de renouvellement de contrat (50% pour les fusiliers marins et 30% pour les fusiliers commandos de l’air) alors que le risque terroriste renforce le besoin en protection-défense et donc en effectif de fusiliers”,


Ces constatation sont sûrement pertinentes, mais ce ne sont que des constations. Maintenant, il faut tenter d’en déterminer les causes et de rechercher les remèdes.


Au moins dans l’Armée de l'Air depuis 1992 dans une volonté de changement affirmée on a estimé que dans l’alternative Mission/Métier, il fallait absolument privilégier le métier car cela permettait de faire, comme disent les énarques, des économies d’échelle. C’est ainsi que la FATac-1 ère RA qui n’avait de raison d’être que dans la primauté de la mission sur le métier a été supprimée. Non content de cette première étape on a distingué et spécialisé les utilisateurs de l’électron (création du CASSIC), les utilisateurs des moyens aériens différenciés des responsables de l’entrainement de ces mêmes moyens. On a regroupé des filières verticales, techniques responsables de la mise en condition technique des avions, séparées des filières opérationnelles, ravitaillement technique indépendant des besoins des opérationnels, soutien de l’homme technocratique.



Cette folie est descendue très bas dans l’organisation des bases aériennes jusqu'à calquer les responsabilités de métiers dans la vie journalière ou la filière technique surpassait la filière opérationnelle et ou les responsabilités de la condition de vie dépendaient d’un commandement lointain sans rapport avec l’accomplissement d’une mission mais réduites à l’exercice d’un métier égoïste et à courte vue découplé de l’activité opérationnelle.


Cette folie a eu son apogée dans l’organisation du soutien dont le ministre H. Morin est si fier et qui est une faute dont il devrait être tenu pour responsable devant les armées.


Le pire est que nous avions connu cela en1988 avec l’organisation Armée 2000 de Chevènement basée sur des filières verticales opérationnelles, technique commissariat et territoriale. L’ échec aurait dû calmer les énarques et les contrôleurs généraux à l’origine de cette funeste organisation. Que nenni.


Dans les pays anglo-saxon quand on tente une modification de structure si le résultat est décevant on revient en arrière rapidement (2/3 ans).


En France on persiste à faire fonctionner une organisation bancale jusqu'à plus soif, et quand vraiment on ne peut plus avancer, on trouve une formule tout aussi bancale en attendant qu’un homme intelligent et volontaire revienne à la solution originale qui était la meilleure. Nous avons vu cette évolution positive, on a supprimé le CASSIC, on a rétablit les escadres, on a regroupé le Commandement des Forces aériennes chargées de l’entrainement des équipages et le commandement du soutien chargé de la mise en conditions des avions et de la régénération du potentiel avions. On a mieux orienté avec réalisme le CDAOA en lui rappelant l’importance de la mission de Défense Aérienne du Territoire dont il est responsable devant le Premier Ministre.


Mais j’ai découvert que l’on n’avait pas été au bout des réformes et c’est ainsi que les mécanos qui mettent en œuvre les avions d’un escadron sont détachés de l’ESTA : l’unité technique indépendante des escadrons. Ces personnels sont notés par qui ? je vous le donne en mille, par le patron de l’unité technique et non par le commandant d’escadron qui les emploie tous les jours.


On n’est pas revenu en arrière sur l’organisation du soutien et de l’infrastructure ou dans ces deux domaines on est plus proche de Courteline ou des errements de la guerre de 1870 que de l’organisation d’une armée moderne.


Il ne faut pas s’étonner que l’esprit de corps autour d’une mission fasse place à une prestation professionnelle axée sur le métier sans âme et sans foi.


Alors quand je vois les constations du rapport HCECM : si on ne redonne pas une dimension humaine autour d’un objectif commun il ne faudra pas s’attendre à autre chose qu’une perte de la richesse d’une volonté commune autour de l’accomplissement d’une mission.


L’exemple frappant est le dispositif sentinelle. Comment peut-on motiver des hommes dans une mission sans âme, sans chef et sans moyen ? Quel est le patron qui encadre et soutien les hommes ? Y-a-t-il un patron qui accepte les conditions de vie insupportables des hommes et des femmes de sentinelle ? Où est l’esprit de corps porteur de dévouement de sacrifice, ou est la volonté de dépassement de soi même.


Les énarques ne peuvent pas comprendre et pourtant ils veulent tous gouverner, ils veulent tous être des décideurs, rejetant les militaires dans des rôles d’exécutants comme Macron l’a montré dans la crise avec le général de Villiers.


C’est plus qu’une erreur c’est une faute, seront-ils capable de le comprendre ? Oui, si nous avons des chefs de qualité, capables de mettre leurs casquettes et leurs képis dans la balance comme l’a fait le général de Villiers ou comme les quatre chefs d’état-major ont menacé de le faire il y 3 ans. A moins que le fromage ne soit trop bon !!!