ARDENTE CHEVAUCHÉE
Et voici qu'un jour
Mon rêve d'enfant s'est réalisé !
J'ai troqué le bâton de berger des Alpes
Que j'étais,
Pour le manche à balai
D'un oiseau de feu.
Je voulais tellement,
De plus près,
Voir ces pâquerettes
Accrochées au firmament.
D'abord frêle papillon
Aux ailes tendues de toile,
De colline en hameaux,
D'étangs en ruisseaux
J'ai butiné ma jeune liberté.
La papillon devenu hirondelle
A dérobé la clef du ciel.
D'un jet puissant,
Elle a escaladé le firmament,
Et de son saumon d'aile
Au voile des cirrus,
Elle a effleuré la fine dentelle.
Sur la toile d'araignée
Des rayons de lune argentés,
J'ai dansé aux étoiles
Ma joie d'exister.
j'ai affronté le courroux.
Il a craché la foudre,
Il m'a martelé de son tonnerre
Et m'a giflé de ses obus de glace.
Il a fait de tous cotés
Charger ses armées pour me désarçonner.
J'ai pour toujours
L'âpre goût de sa violente colère.
J'ai connu l'ivresse
De la glissade
Au flanc de la montagne
Du plongeon vers la mer
Et de l'ardente chevauchée
Sur la crête des vagues.
J'ai connu la joie,
D'apporter mon amitié
Au vaillant pêcheur du large,
Assis dans sa frêle barque.
Ah ! La griserie
De sentir le souffle de l'hélice
Tracer une piste,
Dans le sable d'Or du désert !
Ah ! L'exaltation
D'incliner l'aile
Au ras du sable
Et changer sa route,
Pour aller saluer
La lente caravane
Et le fier bédoin
Devant sa tente !
Ah ! La volupté
De sentir ses flotteurs
Caresser l'eau endormie du lac
Au petit matin,
De voir ses deux sillons
Creusés dans l'onde
Et poursuivis par deux plumes
De blanche écume !
Ah ! La plénitude
Quand après un long et difficile parcours,
Parmi les blizzards de neige,
Je vois sur le visage d'Oeil de Loutre
L'amitié rayonner,
Et que je sens sa poignée de main
Faire fondre les glaces de l'Artique,
Et célébrer mon rêve d'enfant.
Auguste Jausseran (1981)