Collision   Fouga   MIIIC  en   vol  de nuit    contact      

 Le 16 mars 2008, Jacques YBERT nous faisait parvenir le récit de son aventure peu banale, à la suite de la lecture d'un livret relatant l' histoire de l' escadron 1/5 criblé d'erreurs. Il y joignait le récit de son accident (collision entre un Mirages IIIC et un Fouga Magister, la nuit). 
Aujourd'hui il nous raconte le pèlerinage effectué le 18 mars, 40 ans après, sur les lieux où les habitants n'ont pas oublié. 
Deux livres relatent l'histoire:
-Le MAITRE DES ETOILES   Par Paul Perrève 
-HISTOIRE DE L'AVIATION EN DROME-ARDECHE par Paul Mathevet 

 

VOL de NUIT ordinaire ou presque ou l'histoire d'une collision en vol    

Le lundi 18 mars 1968, vol de nuit à la 5ème Escadre de Chasse, comme d’ailleurs deux à trois fois par semaine. 
L’escadron 1/5 a prévu plusieurs missions dont deux patrouilles de deux Mirages IIIC et un Fouga Magister, qui à l’issue de leurs missions se poseront à Dijon. Le retour à Orange est prévu le soir même. 
Leader d’une des patrouilles de MIIIC, j’ai pour n° 2 le sergent chef Flasseur. 
L’autre patrouille a pour leader le lieutenant Beliaeff (aujourd’hui décédé dans un accident d’avion). 
Le Fouga est piloté par l’Adjudant Tiné qui, nouvellement muté à l’escadron, doit s’entraîner de nuit sur avion de complément avant d’être lâché de nuit sur MIIIC. Je lui demande d’emmener avec lui un parachute et un masque de Fouga supplémentaires de façon à pouvoir ramener à Orange un pilote de MIIIC en cas de panne de son appareil. 
En fin de mission, au moment d’amorcer la descente, je déverrouille l’auto commande et constate un blocage de manche, je suis amené à me poser avec cette aide au pilotage. 
Les mécaniciens de Dijon ne réussissant pas à remédier à la panne, je décide de rentrer avec l’Adj. Tiné. 
Il me propose la place avant. La mission étant a son profit, je prends la place arrière. 
Le décollage de Dijon a lieu aux environs de 22h00 locales, la navigation s’effectue en COM B au niveau 215, pour un retour direct sur Orange. 
La nuit est noire, nous sommes au-dessus d’une couche de 4/8 de stratocumulus. 
Rambert (Centre de Détection et de Contrôle de Lyon Mont Verdun) nous demande si nous acceptons de servir de plastron pour le MIIIC qui faisait partie de ma patrouille dans la mission précédente. J’accepte. 
L’interception est réalisée, le MIIIC nous double, nous voyons la lueur de la tuyère qui s’éloigne dans nos 1heure. 
Je me charge de la navigation, nous venons de passer Lyon et je cherche à accrocher au radio compas la balise de Montélimar. De la main droite je manoeuvre la manivelle du radio compas, ne pilotant pas, j’ai la main gauche libre et je passe inconsciemment la collerette du gant dans la pince se trouvant sur la cuisse gauche de la combinaison anti-G que j’ai gardé sur moi. Cette pince sert à maintenir d’éventuels documents servant à la navigation ou à la mission. 
Une seconde interception est en cours, les distances sont annoncées par le CDC : 5nm, 3nm, 1,5nm. 

Je me réveille en plein ciel, plus rien autour de moi, j’ai du perdre connaissance pendant quelques secondes. Je n’ai rien vu, rien entendu, rien ressenti, la dernière vision que j’ai eu, c’est l’éloignement du tableau de bord puis, le noir complet. Je tombe dans le vide le dos tourné vers le sol. 
Je réalise immédiatement ce qui s’est passé et je hurle : " Le c… il nous est rentré dedans ". Je saisis la poignée du parachute, elle me tombe directement sous la main. Je tire avec force, le parachute s’ouvre, je subis un choc très violent, j’ai ouvert beaucoup trop haut. Je descends lentement, la corolle est parfaitement ouverte mais j’ai la jambe gauche prise dans les suspentes. 
J’ai une sensation étrange dans cette jambe. Je la remue, une douleur diffuse interne et un crissement des os me laisse penser qu’elle est cassée. En effet quand j’entreprends de la dégager, ce qui se fait aisément en tirant sur les suspentes, je m’aperçois qu’elle est articulée au niveau du tibia. 
Je suis maintenant assis confortablement dans le harnais et je fais l’inventaire de mes blessures. 
La main gauche me brûle, je l’approche de mon visage, la peau a été arrachée du poignet jusqu’aux premières phalanges, elle pend en lambeaux. Au choc mes membres ont du partir dans toute les directions. Le gant est resté accroché à la pince de la combinaison anti-G et la main est sortie en force, le frottement m’a dépiauté la main. 
J’ai froid aux pieds, le gauche a toujours la chaussure mais elle baille et les doigts de pied sont à l’air libre. 
La jambe droite de la combinaison anti-G a été arrachée entraînant avec elle la chaussure et la chaussette. Je tâtonne, le pied est très enflé, il a doublé de volume et je détecte une profonde coupure au talon ainsi qu’une plaie importante sur le dessus. 
J’ai perdu le casque mais gardé le sous casque, j’ai l’impression d’avoir le visage en feu, en le tâtant je sens qu’il est humide, j’ai du recevoir un gros coup de chaleur au moment du choc, le visage est brûlé au 1er et 2ème degré. 
J’ai de plus en plus froid, je pense qu’a cette altitude, au mois de mars et en pleine nuit, la température doit avoisiner les moins trente, moins quarante degrés. Je suis obligé de réchauffer mes pieds et mes mains en les massant. 
J’ai ouvert trop haut, la descente me semble interminable. Je traverse la couche nuageuse, je suis fortement secoué puis la descente reprend calmement. J’aperçois sur ma gauche les lumières de la vallée du Rhône. J’appelle deux à trois fois l’autre pilote espérant qu’il est dans la même situation non loin de moi. Pas de réponse. 
J’appréhende l’atterrissage mais je suis confiant, je me dis qu’étant sorti vivant de la collision, la suite ne peut m’être fatale. Je décide de protéger ma jambe gauche en la croisant sur la droite. Au choc je me casserai sûrement cette dernière mais l’autre ne subira peut-être pas de dégâts supplémentaires. Je devine la proximité du sol au tout dernier moment. Je tire sur les suspentes pour amortir le choc, j’entends un bruit de branches cassées, la descente s’est terminée avec douceur, seuls mes pieds touchent le sol, je n’ai subi aucun dommage, j’ai traversé un arbre, la corolle du parachute recouvre les branchages et a freiné la chute. 

Je me dégrafe du harnais et me retrouve allongé sur le sol. La douleur de la jambe commence à s’éveiller. Je serais capable de ramper mais vers où, je ne vois rien, je suis dans le noir complet, il n’y a aucune lumière visible. 
Je voudrais bien récupérer mon parachute pour me protéger un peu du froid mais le harnais m’a échappé au moment ou je me dégrafais, la flexibilité des branches l’a mis hors de ma portée. Je ne peux me lever et de plus je ne vois rien. 
La Base Aérienne d’Orange Caritat a déjà du être informée de l’accident, les secours vont se mettre en place mais il faudra des heures avant que les recherches commencent. Je me fais à l’idée que je ne verrai personne avant le jour. Je m’apprête à passer une longue, une très longue nuit. 
J’appelle au secours, un chien aboie, quand il se tait, j’appelle à nouveau. Le temps me semble long, je ne peux lire l’heure à ma montre, il fait trop sombre. Je cherche ma lampe électrique, elle était dans la poche droite de ma combinaison anti-G, disparue avec la jambe du pantalon. 
Un chien en pleine course me frôle, je l’ai, à peine entraperçu, il semble ne m’avoir ni vu ni senti car il poursuit sa route. Je cherche mon poignard, on ne sait jamais, un chien errant pourrait m’attaquer, disparu lui aussi, il était dans la poche avec la lampe. 
Au loin j’aperçois deux ou trois fois des phares de voitures mais beaucoup trop loin pour me découvrir. N’ayant pas ma lampe je ne peux faire de signaux. 
Après une attente qui m’a paru interminable, arrive un couple d’agriculteurs. Ils m’apprennent qu’inquiets par les aboiements répétés de leur chien ils se sont décidés à se lever et en sortant ont aperçu la lueur blanchâtre du parachute dans le noyer qui se trouve à proximité de leur ferme.

Je suis tombé dans une vallée encaissée, loin de toute agglomération, loin de toute route mais heureusement prés d’une des fermes isolées qui parsèment la région. Les fermiers n’ont ni téléphone ni voiture. L’homme part a pied chez un voisin dont la ferme se situe de l’autre coté du vallon sur le versant abrupte d’une colline. Son épouse m’apporte une couverture et du café. 
Après une heure d’attente les secours arrivent, pompiers et gendarmes, je suis évacué à Tournon et suis opéré dans la nuit même. 
Le chirurgien, avant de m’endormir, me demande de remuer les doigts de pieds de la jambe gauche, ce que je fais. Il me dira plusieurs jours plus tard que si je n’avais pas eu de réaction, il m’aurait coupé la jambe !!! 
On me rapportera que pour certains, on m’avait coupé cette jambe et on allait peut-être me couper la deuxième. 
Un ou deux ans plus tard, à Solenzara en Corse, je rencontre sur le parking un ami que j’avais perdu de vue depuis plusieurs années, il me regarde avec surprise et m’annonce qu’on lui avait dit que j’avais péri dans l’accident. 

La collision s’est produite travers ouest Tournon pour 15 à 18 km. Le MIIIC et le Fouga sont tombés à 5 km l’un de l’autre. Le MIIIC prés de la commune de Pailharès et le Fouga sur la commune de Vaudevant. Une aile du Fouga et une partie du tableau de bord sont retrouvés à 3 km du fuselage. 
Mon siège sera retrouvé sangles non dégrafées, avec un morceau de baquet à chaque extrémité. 

Le Fouga a été éventré par le Mirage, n’ayant plus rien en dessous de moi, je suis tombé par l’ouverture. 
Moi-même et le S/C. Flasseur avons atterri à 8 km environ au sud de nos aéronefs respectifs. 
Le S/C. Flasseur sur les rives d’un petit ruisseau, à 20 mètres d’une ferme, il se démet une épaule. C’est après avoir frappé avec insistance qu’il parvient à se faire ouvrir la porte. Le fermier n’a ni téléphone ni voiture et refuse de l’accompagner jusqu’au village le plus proche, il consent cependant à lui indiquer le chemin. Le S/C. Flasseur parcours plusieurs km jusqu’au village de St Félicien et frappe à la porte de la gendarmerie. 
J’ai atterri au lieu dit La Culat sur la commune de Colombier-le-Vieux. 
Le corps de l’Ajt. Tiné ne sera retrouvé que le surlendemain, emmêlé avec la planche du tableau de bord dans son parachute déchiqueté. Sa jambe gauche avait été retrouvée la veille à 500 mètres de l’épave du Fouga 
J’ai subi trois opérations dont une greffe osseuse, le tibia était éclaté en cinq morceaux. Le greffon a été pris sur le tibia droit. Je suis resté plusieurs mois allongé, ayant interdiction de prendre appui sur mes jambes. 

J’ai volé à nouveau au mois de novembre suivant, tout d’abord sur Fouga puis sur MIIIC en février 1969.

 


Le 16 mars 2008, il écrivait:   

 Il y est rapporté la collision entre un MIIIC et un Fouga Magister. Collision dans laquelle je suis personnellement impliqué.
Le narrateur écrit le paragraphe suivant : 
L' année 1968 est bien plus triste. Le 15 avril, l' Adj. Tiné décolle sur alerte pour intercepter un CM170 avec deux membres du 1/5 à bord. Les deux appareils s' accrochent. Le pilote du Mirage est tué, les Ltt. Ibert et Sgt. Flasseur sont blessés. Sept mois plus tard, l' Adj. Six et le Sgt. Krier s'écrasent avec un autre Fouga.
 
Je ne sais pas prés de qui ou sur quels documents le rédacteur à pris ses informations, mais il n' y a pas moins de cinq erreurs dans les deux premières lignes.
 Primo : L' accident ne se passe pas le 15 avril 1968 mais dans la nuit du 18 au 19 mars 1968.
Secundo : Le pilote du MIIIC était le S/C. Flasseur et non l' Adj. Tiné. L' Adj. Tiné était avec moi dans le Fouga.
Tertio : Ce n' était pas un décollage sur alerte mais un exercice d' interception de nuit au cours d' une mission d' entraînement normale.
Quarto : Michel Flasseur n'était pas sergent mais sergent chef.
et enfin mon nom s' écrit avec un Y et non un avec I.
 
L ' Adj. Tiné qui était avec moi dans le Fouga à été tué.

Le S/C. Flasseur a été légèrement blessé, en ce qui me concerne, j' ai été plus gravement touché.
 Ces quelques rectificatifs sembleront sans intérêt à certain mais étant directement concerné, je tenais à apporter ces précisions.
 
Des dizaines de fois on m' a demandé de raconter ma mésaventure, la dernière fois c' était l' ami Carbasse au cours de la soirée du 29 juin. Vous en trouverez le récit dans la pièce jointe.
 
Un livre écrit par Paul MATHEVET, intitulé  "HISTOIRE de L' AVIATION en Drôme et Ardèche" (Voir la couverture et deux extraits en fin de texte), relate tous les accidents d'avions de l'origine à nos jours survenus dans cette région. Ce livre à donné l'idée à un correspondant du Dauphiné Libéré de sortir un article dans le journal du 18 mars 2008, pour remémorer le quarantième anniversaire de cette collision.
Ce journaliste à réussi à retrouver mon adresse et celle de Michel Flasseur.
Demain, je serai à Tournon, j' irai revoir mon arbre. Malheureusement mes sauveteurs ne sont plus de ce monde.

 

 


































Le MAITRE DES ETOILES   Par Paul Perrève



 

HISTOIRE DE L'AVIATION EN DROME-ARDECHE par Paul Mathevet