X

AP5 mars 2008                   
MAIL                 ancien   SITE0-ap5               RECHERCHE SUR LE SITE  

  http://ap5escadre.free.fr/ 

Bulletin de l’association des personnels de la «5 » Base aérienne 115 - 84871 ORANGE Cedex Téléphone : 04.90.11.57.49  - Fax : 04.90.11.57.50    
    New’s       42  mars 2008    

 Insignes

 


  EDITORIAL    
   
Pourquoi des porte-avions français ? JC Lartigau  
   Bernard CORDIER suite...   
   Souvenirs... Souvenirs... demeurez éternels !   Biguet par Roland AGUILON 
   Boutique de la 5  

17 mai  Assemblée générale.... répetition du meeting aérien d'Orange
18 mai Meeting
   Hors bulletin Coureur de Nuages pas Auguste JAUSSERAN, un ancien de la 5

  Dernière mise à jour/ last updating  13 avr. 2008              

 

version PDF  bulletin-42.pdf

 

 


                      0-ap5 EDITORIAL      


Vous avez peut-être lu dans un journal aéronautique hebdomadaire il y a quelques temps un entrefilet sur la guerre des boutons entre aviateurs et marins. 
Les journaleux qui n'ont rien à dire se délectent de cette actualité digne des pires tabloïds anglais.
La raison de cette information était la présence simultanée de Rafale Air et de Rafale Marine au-dessus de l'Afghanistan. C'est dire l'importance du sujet sauf pour le journal en question...
Ce journal, tout comme le ministre de la défense n'ont oublié qu'un point dont l'importance aurait du les interpeller : 
était-il normal, économique, pertinent et judicieux de mobiliser les 2000 hommes du porte-avions sans compter les divers bâtiments indispensables pour son activité (Ravitailleurs, frégates anti-aériennes bâtiments de lutte anti-sous-marine au cas ou les Talibans auraient des avions et des sous-marins, escorteurs divers et bâtiments de soutien, soit directement ou indirectement environ 3000 hommes) pour envoyer en opération une fois par jour deux " Rafale " avec deux bombes de 400 kg soutenus par des ravitailleurs de l'armée de l'Air. 

Est-ce bien raisonnable de gaspiller ainsi les deniers des français pour la plus grande gloire de la marine nationale alors que 300 hommes de l'Air sur la base de Douchanbe au Tadjikistan (Kandahar aujourd'hui) suffisaient pour supporter pour des missions bi journalières les Rafale de l'Armée de l'Air, ceux de la Marine sans compter les M 2000D. 

Il est des moments où la tromperie devient inacceptable...

Lors d'une rencontre sur la base d'Orange j'ai eu l'occasion d'évoquer avec un officier de marine le "cas" du second porte avion. Nous n'étions pas vraiment d'accord sur le fond et le marin m'a envoyé cet argumentaire discutable et que j'ai discuté. Vous trouverez ci-dessous les arguments du marin et ceux de l'aviateur.

Pourquoi des porte-avions français ?  

157 pays au monde ont une façade maritime. La France a donc 156 + Suisse + Luxembourg = 158 pays riverains. Tous ces pays peuvent être atteints librement et en tous temps grâce à la libre circulation maritime au-delà des 12 NM.  
90 % des infrastructures politiques, économiques et militaires sont situés géographiquement à moins de 500 kms des côtes ! 
Le rayon d'action des armements classiques et nucléaires portés par les avions du groupe aérien est supérieur à 1000 km !
Apanage de seulement deux pays au monde, les Etats-unis (11 unités) et la France (une unité seulement aujourd'hui, mais deux unités au moins pendant plus de 50 ans), le porte-avions est l'instrument majeur de puissance navale que toutes les puissances recherchent non seulement en Europe mais surtout en Asie.
 
Le porte-avions confère à la nation qui le détient une capacité d'anticipation stratégique et une forte réactivité grâce à sa mobilité (1000 km par jour) qui lui permet de se déployer en toute liberté sur touts les océans, avec pour seules limites géographiques et juridiques les deux territoriales étrangères. Il offre la palette complète des options stratégiques, de la simple présence jusqu'à la frappe massive avec souplesse et réactivité s'intégrant naturellement dans les actions de politique étrangère les plus complexes. 
Lorsqu'il en dispose, sa capacité à mettre en œuvre l'arme nucléaire à partir de n'importe quelle partie du globe sans être limité par les restrictions de survol confère à un pays une dimension stratégique de premier plan. Cette seule capacité justifie en soi le deuxième porte-avions.

C'est un instrument de puissance qui donne aux dirigeants qui en possèdent, un poids certain dans le concert des nations.

A quoi peuvent servir des Portes Avions français, 
ou faut il être dissonant et archaïque pour être entendu

Les deux premiers alinéas de l'argumentaire de la Marine sont l'énoncé de constatations géographiques et sauf à contester la géographie cela ne peut être pris comme argument pertinent pour un élément de notre défense. Et ce d'autant que sur ce point il ne faut pas oublier que 100 % de la surface du globe, 100 % des populations et 100 % des infrastructures peuvent être survolés. Il s'agit naturellement d'un argument de séance de la même veine que celui qui est utilisé.

Pour le second alinéa je rajouterais que l'on ne peut parler de 1000 km de RA en faisant un amalgame du nucléaire (ASMP +) et du classique. Si on veut être complet il faut mieux fixer les conditions des conflits que l'on évoque.

* Conflit Majeur conventionnel il ne saurait être question d'exposer le PA à moins dune distance importante des côtes (200 nautiques ?) (Comme les anglais ont été contraints de le faire à l'est des îles pendant les Malouines),

* Conflit Mineur conventionnel, on peut aller faire des ronds dans l'eau à 10 nautiques des côtes. Mais dans cette occurrence faut-il vraiment un PA dans l'Adriatique comme nous l'avons vu pendant les actions au Kosovo ou en Bosnie ? Rappelons nous les bombes de 400 kg larguées à la mer par les Super Etendards lors du recueil sur le PA alors qu'ils auraient pu se poser sur les bases italiennes comme les avions de l'AAir, mais !!!... Mieux, comment gérer la présence de plusieurs PA dans des mers fermées. Je rappelle que lors de la première guerre du Golfe, le Foch faisait des ronds dans l'eau dans le golfe de Tadjoura à proximité immédiate de Djibouti pendant que les PA US peinaient à s'intégrer dans l'ATO (Air Tactical Order, document journalier qui fixe les interventions aériennes de l'ensemble des avions d'une opération), partagés entre leur " route avions " et leur " route PA " dans le golfe persique.

Ceci ne doit pas faire oublier la vulnérabilité de la base aérienne mobile qu'est le PA, cible de choix, impossible à cacher dans ce milieu maritime où le contraste dans tout le spectre est puissant par essence. Pourquoi dépenser des fortunes dans la discrétion des frégates si le PA est la cible rêvée décelable depuis l'espace ou par n'importe quel observateur aux moyens élémentaires. Vulnérable aussi car le PA est l'aboutissement d'une chaîne de vulnérabilité, ravitaillement en pétrole aéronautique (combien de jours d'autonomie en période intense de deux pontées max par jour ?), en nourriture et en pièces détachées. Pour information pendant la guerre du Liban dans les années 70 époque ou nous avions deux PA opérationnels (et ou les deux PA ont été contraints à revenir en métropole pour des problèmes de maintenance), le CEMM, l'Amiral Leenhardt avait dit "heureusement que nous avions la base aérienne d'Akrotiki en Crète, car sans cela nous n'aurions jamais pu maintenir les PA si longtemps loin de leur base !!! ".

On ne peut pas non plus ne pas évoquer la contrainte des ravitailleurs en vol pour atteindre les rayons d'action dont la Marine se prévaut (n'est-ce pas les C 135 de l'AAir qui permettent, entre autres, aux " Rafale Marine " d'intervenir en Afghanistan ?), et négliger les contraintes du survol du Pakistan sous prétexte que le PA est dans des eaux internationales...

En poursuivant la lecture de cet argumentaire, l'apanage d'être une des deux nations au monde possédant un PA ne peut être considéré comme un argument sauf à satisfaire l'ego de la Marine, ce qui n'est toujours pas un argument ni pertinent ni très convenable

Je passerai sur la réactivité du PA pour deux raisons :

* Le PA est réactif quand il a fait son plein de provisions, qu'il a rappelé son équipage, qu'il a fait une escale dans un port financièrement intéressant pour son équipage, que la ligne logistique est en route et qu'une base aérienne n'est pas trop loin. Rappelez vous la guerre du Yom Kippour où les hostilités étaient finies quand les renforts convoyés par mer sont arrivée en Israël.

* Le fait de se déployer même à 1000 Km par jour et d'être dans les eaux internationales ne permet pas aux avions du PA de survoler n'importe quel pays. A-t-on oublié que pour traiter le cas de Kadhafi en Libye, les USA ont fait appel aux avions basés à terre et non à la 6ème Flotte déployée en Méditerranée, que le survol de l'Afghanistan n'a pu être possible que lorsque le Pakistan a donné son feu vert. Où est le " bénéfice " d'un PA ?

Comme il est dit pour ce qui est du nucléaire et en étant provocateur, si le second PA est suffisant pour assurer la dissuasion dans le monde entier pourquoi moderniser les SNLE avec le M 5 pour des sommes exorbitantes?

Merci cependant pour cette approche " tout azimut " de la raison d'être d'un PA car elle permet de poser réellement la seule question qui devrait présider à son existence, c'est la définition d'un concept d'emploi pour ce bâtiment. Or je dois constater que personne n'en parle et sûrement avec juste raison car il n'y a plus d'exemple d'emploi d'une Marine de haute mer comme pendant la guerre du Pacifique. Depuis 1945, c'est malheureusement le vide tactique et stratégique total comblé seulement par des arguments fallacieux comme ceux que la marine développe.

En effet remettre en cause de dogme du PA, pièce indispensable et maîtresse de notre défense (!!!), mettrai en cause une Marine de haute mer, necessaire pour protéger le PA face à des menaces qui ne se manifesteront jamais. Non on ne peut plus justifier le PA comme on l'a fait en Afghanistan ou on a déployé de l'ordre de 3000 hommes pour mettre en vol 3 Rafale Marine qui auraient pu être intégrés aux moyens A.Air beaucoup plus économiques d'emploi mais moins porteur pour le budget de la Marine...

Etre un morceau de la France ne peut plus être un alibi. Aujourd'hui il faut dépasser le clivage habituel des armées. Si la Marine le veut bien il faut prendre de la hauteur et quitter le combat catégoriel pour viser l'efficacité. Et pour être franc, je pense depuis longtemps que nous n'avons plus besoin d'une marine de haute mer mais nous avons besoin d'une marine de souveraineté dans toutes nos Zones Economiques Exclusives. C'est peut-être moins noble, mais combien plus efficace et fondamental. En revanche en échange nous avons besoin d'une flotte de ravitailleurs aériens qui servira tous les jours au combat comme cela se fait depuis 45 ans

Pour terminer, mais le dernier alinéa de l'argumentaire est sûrement une boutade car jamais un dirigeant digne de ce nom n'a eu besoin d'un PA pour avoir du poids dans le concert des nations et je pourrais en citer un nombre certain.

Enfin, la vraie question est de savoir si la Marine peut faire la guerre toute seule avec ses bâtiments, ses avions et ses commandos marine ? Comme je le dis plus haut il n'y a plus d'approche catégorielle où chacun veut pouvoir tout faire.

JC Lartigau

Toujours l'histoire de cet homme au parcours pour le moins original 
CORDIER

 
Je suis affecté sur la ligne Extrême-Orient qui relie Paris à Saïgon avec un DC4. En novembre 47, je suis sur la ligne Paris - New York avec des Constellations. C'est alors la ligne la plus intéressante avec des avions modernes et pressurisés qui peuvent voler à 8000 mètres au-dessus des nuages et marchent à plus de 500 km/h. Les vents sont généralement d'ouest et obligent à faire deux escales. Le parcours le plus direct était Paris - Shannon en Irlande et Gander en Terre Neuve. Mais souvent la météo est la plus favorable vers le sud par Santa-Maria aux Açores où, au contraire par le nord via Mecks en Islande. Presque tout le parcours se fait en vol de nuit au-dessus de l'Atlantique, on se sent bien de la terre surtout quand on peut admirer de magnifiques aurores boréales.

Le vol avec des escales dans le sens Est/Ouest prend en moyenne de 20 à 25 heures. Par contre en Ouest/Est on a des vents généralement favorables et on arrive à faire des vols directs en 15 heures. Le 8 janvier 48, j'étais à New York pour un retour sur Paris à l'aéroport La Guardia. J'arrive vers 5 h de l'après-midi et il y a une forte tempête de neige. A New York il peut tomber un mètre de neige en quelques heures. On me dit que l'aéroport est DGO, c'est à dire interdit à l'atterrissage comme au décollage. En effet, dans la neige on n'y voit pas à 3 mètres. Mais par hasard, je passe à la météo et je vois une situation assez rare: les isobares assez serrés suivent exactement le grand cercle New York - Paris, et les vents arrières sont estimés à plus de 100 km/h pendant tout le parcours. J'ai une longue discussion avec les autorités de l'aéroport et finalement on me permet de décoller après avoir signé une déclaration où je prenais l'entière responsabilité du décollage. Je serai d'ailleurs le seul avion à décoller ce jour-là.

Il faisait alors nuit, toujours dans la neige, je vais en bout de piste, et après avoir essayé les moteurs, j'ai alors un certain regret de m'être engagé dans cette aventure car il fait vraiment un temps de chien. Le décollage se passe bien et j'ai bien une moyenne de 100 k/h de vent arrière tout au long du chemin, et le vol durera seulement 10h.15, ce qui est le record de vitesse et restera valable tant qu'il y aura des Constellation sur cette ligne. En général, on ne fait que 5 traversées par mois, restant à New York deux jours complets. J'avais un studio à New York et je m'étais fait pas mal d'amis.

Sur mon carnet de vol, je remarque une traversée qui se terminera à Washington le 28 février 48. L'aéroport de New York était très encombré par suite du mauvais temps et on m'avait dérouté sur Washington. Le vol avait été très long, plus de 30 heures de vol, soit deux nuits blanches et tout l'équipage était bien fatigué et nous désirions nous coucher au plus vite. A l'aéroport de Washington, les douaniers insistent pour que l'on dépose le bar à la douane. Je réponds que l'avion sera fermé à clé, et étant juste en face de la douane, il n'y a aucun risque.

Mais le lendemain matin, je vois mon avion toutes les portes ouvertes et des bouteilles cassées tout autour. Complication avec la douane qui m'accuse d'avoir entré des boissons alcoolisées frauduleusement. Un employé de l'aéroport me glisse dans l'oreille que ce sont justement les douaniers qui ont fracturés les portes et bu tout le champagne. J'aurai tout de même droit à un procès et à une amende de 10.000 dollars (payé par la compagnie AF).

Le 13 mai 1948, je reviens de New York et à l'atterrissage on me demande si je veux bien repartir aussitôt pour aller à Tel Aviv en Israël. Le gouvernement ne voulant pas reconnaître tout de suite l'indépendance d'Israël avait demandé à la Cie Air France de faire une liaison pour marquer son intérêt pour Israël. L'avion est un DC3 tout neuf, et je retrouve à bord deux futurs ministres d'Israël que j'avais pris à New York. Vol de nuit et la première escale est Rome mais à Marseille je rencontre un front froid orageux très actif. Dans l'orage l'avion est très secoué, les grêlons font un bruit terrible et la foudre frappe par deux fois l'appareil.

Le mécanicien et le radio, assez jeunes dans le métier, sont terrorisés et me supplient de revenir me poser à Marseille, ils croient que l'avion va casser en l'air. J'avais d'ailleurs peine de le maintenir en vol. Je fais demi-tour, toujours dans l'orage, mais à la sortie, j'ai un peu honte de faire un demi-tour, ce qui ne se fait pas sur la Ligne. Je repars pour traverser pour la troisième fois cet orage. Le petit bimoteur qui amenait Joseph Kessel en Israël s'était posé à Marseille - Rome - Athènes - Tel Aviv et son petit terrain près de la ville. C'est le lendemain que doit être prononcée l'indépendance. Le lendemain je me rends au terrain où il y a une forte agitation et des bruits de mitrailleuses. En effet des Spitfires égyptiens attaquent le terrain et mon avion est la cible principale. J'ai peine à aller voir les dégâts entre deux attaques et à la fin de la matinée, je compte 80 impacts mais il n'a pas brûlé. Aucun moyen de réparation sur place et je suis obligé d'abandonner l'avion.

Un jour en me posant à Orly, je réalise qu'il y 3 jours que je suis parti de cette piste pour New York et en revenir, et il ne reste plus rien de ce voyage. Est-ce que parcourir des milliers de kilomètres donne un motif valable à ma vie? Je suis pourtant un grand favorisé: j'ai un métier qui me passionne et qui est bien payé, beaucoup de liberté entre les voyages. Une certaine considération que donne le métier de pilote et qui flatte un peu la vanité. Je sais que je suis considéré comme un des meilleurs pilotes de la Compagnie et mes camarades ont une certaine estime pour moi puisqu'ils m'ont désigné par deux fois comme président de leur association.

Mais cela ne donne pas un sens suffisant à une vie. La religion ne compte plus beaucoup pour moi, m'en étant écarté pour vivre des aventures sentimentales et ne pas avoir de remords.

Je souhaitais me marier et avoir une famille, mais devenu très difficile je ne trouvais pas le femme avec qui passer toute une vie. Il y avait pourtant bien des hôtesses sympathiques. Ce sera le 15 août 1948 que la réponse m'en sera donnée par le Ciel.

Je descendais dans les mêmes palaces et restaurants que les milliardaires et je pouvais dire que je connaissais toutes les boites de nuit de New York, Los Angeles... Ayant plusieurs jours de liberté avant le prochain courrier, au lieu d'aller les passer à la campagne chez des amis, je préfère rester à la maison où je suis tout seul. J'achète quelques provisions et je ferme les volets de l'appartement pour me trouver en quelque sorte en dehors du temps. J'avais de bons livres et je lisais tranquillement celui de Lecomte de Nouÿ qui parlait des origines du monde et de son évolution.

C'est alors que j'ai une sorte d'illumination: "Dieu existe bien. Il est tout. Et je n'existe que par Lui, et il m'aime, moi particulièrement" Mieux qu'une vision ou que des paroles, c'est une certitude qui envahit tout mon être et une évidence que je ne peux discuter. Après une heure de profond émoi, je m'engage devant lui à lui consacrer toute mon existence.

Mais je réalisais bien que cela ne pouvait se faire du jour au lendemain, et je me donnais un maximum d'un an et demi pour le réaliser, c'est à dire Pâques 1950. Puisque Dieu devenait ma seule raison d'être, il fallait que j'organise ma vie en conséquence. J'allais voir le Père Congar, le théologien qui était au Saulchoir, la maison d'études des Dominicains à Soisy-sur-Seine. Il me donna le conseil de m'installer à "L'eau vive", une maison d'accueil dépendant de leur monastère. Cette propriété avait été celle de la Pompadour, puis celle du Général Gouvion St Cyr. On me donna une chambre dans une petite maison au milieu du parc. Cette chambre était au second alors que le premier était occupé par Jacques Maritain, le philosophe, avec sa femme et sa belle-sœur. Au rez de chaussée il y avait Alain Peyrefitte, le futur ministre qui venait de se marier et de se convertir. A l'Eau vive, je trouvais tout ce qui m'était nécessaire, un milieu religieux et la possibilité de découvrir vers quel institut religieux je pourrais entrer. Car une vocation tardive (j'avais 37 ans) pose pas mal de problèmes.

Je continuais mes vols sur New York et, entre deux voyages j'étudiais la Bible et tout ce qui se rapporte à la religion et même assistait à certains cours donnés aux jeunes Dominicains.

Le 6 février, je décolle de New York pour Gander, l'escale où on fait le plein pour traverser l'Atlantique et l'avion est à son poids maximum. Vers 3 heures du matin, je vais m'aligner sur la piste de départ. Il y a une tempête de neige et le runway est très verglacé. Au moment précis où j'atteins la vitesse de décollage, je vois une forte baisse de pression au moteur No 4. A cette seconde, je peux encore arrêter le décollage. Je réduis tous les moteurs et m'arrête aux balises. Le mécanicien me demande pourquoi j'ai arrêté le décollage, il n'a rien vu d'anormal. Je reviens au bout de piste, et on essaye tous les moteurs qui donnent bien leur puissance. Nouveau décollage, et c'est en passant les balises que les moteurs 3 et 4 baissent fortement leur pression: les hélices sont passées au grand pas.

Dans la neige nous frôlons les cimes des sapins, l'avion est au second régime, à la limite de la sustentation et je m'attends qu'il décroche d'une seconde à l'autre. C'est alors que le cockpit est envahi par une épaisse fumée noire et une odeur de " cramé ". Le feu qu'on n'aime pas du tout à bord d'un avion accentue une certaine panique car normalement la mort n'est pas loin. Je coupe le contact général puisque cela semble bien être un court circuit, mais alors plus de lumières pour éclairer les instruments de bord et surtout plus de radio pour signaler notre état de détresse, et surtout qu'on n'éteigne pas le balisage. Impossible aussi de rentrer le train qui freine l'avion. Je me traîne autour du terrain à la vitesse minimum, virant tout doucement pour ne pas perdre les quelques kilomètres de vitesse qui nous permettent de tenir encore en l'air.

Tous ces ennuis ont duré certainement un quart d'heure, mais dans ce cas cela m'a semblé une éternité. J'arrive à pose l'avion délicatement car, à pleine charge, on devait normalement vidanger l'essence avant de se poser. L'examen de l'avion montre que les "booster pomp" sont à l'origine de ce court circuit. Ces "booster pomp" sont des petites pompes électriques placées dans les réservoirs d'essence et que l'on met en route qu'au moment du décollage en même temps que les manettes des gaz afin d'alimenter en essence les moteurs pendant l'accélération. Pendant l'essai au bout de piste, elles n'étaient pas en route et les moteurs donnaient toute leur puissance au petit pas. Mais le court circuit dans une des pompes atteint dans la liasse des fils électriques, les fils qui commandent les pas des hélices qui sont électriques, et les font passer du petit pas au grand pas perdant ainsi les 3/4 de la puissance.

Décidément l'article Giraud/Eisenbeis sur Marc Biguet a fait remonter à la surface des souvenirs que l'on avait enfouis. Il faut, bien sûr, en retenir l'être exceptionnel et attachant l'homme qui n'a laissé personne indifférent et cela n'est-il pas le plus beau compliment dans une période ou tout le monde évite les " sacs " et ou le principe de précaution favorise les pleutres et l'inaction

Souvenirs... Souvenirs... demeurez éternels !

Le n° 38 de New's AP5 a, bien sûr, remué outre la lie de mes souvenir, mais aussi mes tripes. Comment ne pas se rappeler la forte personnalité et la truculence naturelle du Ltt BIGUET, comment ne pas sourire à l'évocation de son nom et de ses "coups" !

Je l'ai connu à la 20ème E.C., nous étions dans le même escadron 1/20 "AURES NEMENTCHA" sur sky. Il était "leader AFN" et à ce titre, il m'a "entraîné"... en opérations, car pour l'entraînement à la licence SCP on lui préférait des leaders plus "dogmatiques" !

J'étais ce qu'on appelait un VEVC... (Viel Equipier Vachement Confirmé) et à ce titre j'avais la confiance de la Bigouze. En OPE ça déménageait... J'ai ré ouvert mon carnet de vol de l'époque et y ait trouvé un certain nombre de missions d'appui feu, faites ensemble, le long de la frontière tunisienne quand on ne rentrait au terrain que lorsque les soutes étaient vides (800 obus de 20 m/m après avoir largué... le reste).

Comme cette mission avec décollage sur alerte en TY 04641 où seulement après une petite demi-heure nous avions épuisé notre " ferraille " et nous sommes rentrés de nuit en radada !... (Pourtant c'était strictement interdit). C'était le 2 septembre 1961... presque un demi siècle... Il y a prescription.

Et puis je l'ai retrouvé en 1963 à la 5.

Il était un SCP chevronné sur SMB2 et devait débuter son entraînement C.P. En 1964, j'étais au 2/5 un des deux candidats CP... La Bigouze était au 1/5 et subissait les mêmes " affres " de l'entraînement, comme l'évoque le fifre (qui n'était pas un marrant !). Il fallait en c... pour entrer dans la secte, ô combien fermée et condescendante des chefs de patrouille ! Et il est vrai que le métier était difficile. Je me souviens d'un commandant d'Escadron rentrant dans la fillod qui nous servait d'Escadron, jetant son " Gueneau " à travers la salle d'OPS ? Il éructait :

" Ca me fait c... (avec un seul h mais 5 i) que l'Armée de l'Air dépense du fric pour entraîner un c... comme vous ". Fait le débriefing ! Educative la formule ! Vous aurez reconnu le personnage... même sans l'accent !...

Et je me souviens avoir participé au débriefing du BCP de la Bigouze (le 1er je crois) où, en effet cela augurait mal du taux de réussite de la 5ème Escadre à cette difficile épreuve § Malgré la gravité de la situation... les réactions de la Bigouze... au sous-sol de la 5, prêtaient à sourire !

Quand le fifre parle des missions BCP avec " le cap, la VS, la montre, la carte... et le bol ! " Me revient en mémoire une mission BCP à Orange... la mienne !

Décollage de 6 SMB2, assaut basse altitude avec attaque de la minuscule entrée d'un tunnel dans le Massif Centra, bien sûr avec interception avant d'arriver au cabré... rassemblement pour une passe OPS aux Garrigues, re-rassemblement, montée vers Orange avec interception HA pour les 4 clampins qui nous avait déjà em... en BA... puis pour corser l'affaire défilé à 10 avions au retour ! Le tout en 50'.

Dois-je préciser que je n'ai pas amélioré le taux de réussite de la 5ème sur ce coup ?... d'autant que je relevais d'un accident... de " solex ", huit jours avant et j'avais un énorme pansement à la tête... Pas très sérieux pour un candidat chef de patrouille !

Et savez-vous qui est venu me consoler ? Marc Biguet : " t'en fais pas ! Ca arrive même aux fortiches !!! ". Vous me direz, il était bien placé pour comprendre !

Ce sympathique " mercenaire ", ce noble " aventurier ", cette imposante " personnalité " restera dans tous les souvenirs des gens qui l'ont côtoyé.
Un quart de siècle après son dernier vol :
" Adieu BIGOUZE, ou plutôt, à te revoir " au paradis des pilotes perdus "... !
Des souvenirs comme celui-ci doivent demeurer éternels !         
                                                                    Roland AGUILON

 

Assemblée générale meeting aérien      

Plus d'informations sur les hôtels

Hôtels 
HOTEL LE GLACIER - " De notre ami Roland Cunha " 
2 Etoiles à partir de : 59 €
 
46, COURS ARISTIDE BRIAND - 84100 ORANGE 
Service reservation Tél 04 89 619 001 Fax +33 (0)1 72 76 55 05

 

Mot exact - exact word

résultats par page - results by page

 

or 



Site search Web search
Pour chercher sur cette page, Ctrl+F
  



 
0-ap5   ap5-escadre  S'inscrire : ap5-escadre-subscribe  (at)  yahoogroupes.fr