Bulletin de l’association des personnels de la « 5 »

Base aérienne 115 – 84871 ORANGE Cedex






EDITORIAL


L’Actualité nous donne des occasions de réagir


Note sur le rédacteur en chef des bulletins AP5


Libye   Pierre Péron


Général Caubel, le récit d'un de ces aviateurs qui ont vécu DBP


Pierre Caubel, «Martini Émeraude», raconte son évacuation du B26 au-dessus de la cuvette.


PROCES VERBAL DE L'ASSEMBLEE GENERALE 2011




EDITORIAL


L’Amiral Gillier était le patron des commandos marine. Il a quitté le service actif. A cette occasion, il a fait part des ses réflexions sur le commandement et sur les dérives que les armées ont vécus et vivent toujours sur la lancée des directives de l’antépénultième ministre de la défense et sous le CEMA actuel.


Je cite "Il faut ne pas se laisser entraîner par la tendance actuelle des Armées, qui veut sérier les domaines de compétences (verticaux) et les niveaux de responsabilités (horizontaux) conduisant à une organisation matricielle déresponsabilisante, prévient l'amiral. La valeur individuelle est alors sublimée, dans chaque case de la matrice, mais au détriment du sens de l'équipe, et chacun en se concentrant sur des tâches spécifiques d'un niveau précis finit pas manquer de visibilité sur les fins dernières de l'action commune".


Nous sommes en plein dans les dérives que j’ai souvent stigmatisées « un métier ou une mission ». Vous le savez depuis longtemps seule la mission fédère les énergies et seuls les métiers renforcent l’égoïsme. Mais remplir une mission et en rendre compte est plus difficile que de dire : «  il ne manquait aucun bouton de guêtre ».


Pour moi, depuis longtemps, il n’y a pas photo.


Merci Amiral.












L’Actualité nous donne des occasions de réagir.

Il y a quelques années (beaucoup) j’avais entendu personnellement l’Amiral Leenhardt CEMM me dire que si il n’y avait pas eu une base aérienne proche du Liban, les PA n’auraient pas pu être présents.

Aujourd’hui les CEMM et le CEMA sont moins honnêtes. Les Armées ont loué en douce à l’US Navy 2 avions de transport embarqués (les C2 A ) pour permettre au PA de se ravitailler. !!!

Avec une malhonnêteté caractéristique la Marine et le CEMA parlent de l’indépendance des forces navales loin de toute contrainte politique et militaire, chargées à elles seules de faire la guerre. Et pourtant sans une base aérienne à proximité, le PA n’est plus indépendant. Il faut le dire et le faire savoir. Comme pour d’autres situations beaucoup plus dégradantes, il faut être capable de dire « la VÉRITÉ, quitte à être exécuté » comme dît Guy Béart…

Mais ce n’est pas tout, nous avons entendu récemment que la France allait engager des Hélicos de combat, car leurs frappes sont plus précises. Ces machines seront sur un bâtiment de la marine « le Tonnerre » je crois. OK c’est bon pour le moral des biffins et des marins. . Mais en fait rien n’est plus précis qu’un armement guidé par laser ou GPS délivré par un chasseur ? Donc le problème n’est pas dans la précision mais dans l’affichage que l’on souhaite donner. Or qui guide les frappes des avions et des hélicos ? Les commandos de l’air avec leurs équipes de guidages que personne dans les autres armées n’est capable de mettre en œuvre (les artilleurs revendiquent cette capacité mais il ne savent toujours pas faire) Alors mes seigneurs des autres armées n’éliminez pas l’Armée de l’ Air comme le fait le CEMA mais acceptez que les Commandos de l’Air fassent mieux que les Commandos Marine et les artilleurs en Kapisa.


A la suite de la parution du dernier AP 5 un membre de l’association s’est étonné que l’éditorial et certains articles ne soient pas signés et il nous a envoyé son interrogation sans signer son mail !!!

Alors pour sa gouverne :

J’ai créé ce journal il y a 16 ans. Je suis le rédacteur en chef et j’ai rédigé depuis sa création tous les éditoriaux. Je publie des articles en plaçant un commentaire en tête de ceux-ci et quand je les écris comme ceux sur AG Lafitte, J Mitterrand et J Charton je prends, dans les commentaires, la première personne du présent de l’indicatif pour bien montrer qui est l’auteur.

Comme notre ami a été commandant d’escadrille (dont j’ai apprécié les qualités d’homme et de pilote) quand J Charton était sur la BA 115, qu’il a vécu certains épisodes que j’ai raconté, je ne sais quel est l’objectif de sa question.

Maintenant si un lecteur extérieur à notre communauté souhaite savoir qui est le rédacteur de ce journal je suis prêt à lui répondre sous réserve qu’il le demande en s’identifiant.

Amitiés à tous.

JC Lartigau (pour qu’il n’y ait plus d’ambiguïté....)

Le général PERON a été commandant de la FAC. Il a la réputation d’avoir une plume facile, mais rarement souple et sans saveur comme l’ont de nombreux responsables qui ont peur de leur ombre. Dans le dernier Bulletin des Pilotes de Chasse il dit avec beaucoup plus de talent que moi ce que je dis souvent pour recaler notre CEMA et espérer de lui impartialité et justice. Mais je sais que ces mots ne sont pas dans son vocabulaire, tant pis, mais le canard passe toujours deux fois...



Libye 

Telles celles du Seigneur, les voies de la diplomatie sont impénétrables. La Libye, sans en avoir le nom, vivait à son rythme depuis 5000 ans, fait de rencontres et d’oppositions tribales comme partout en Afrique, avec des particularités pour les régions immenses et désertiques où le nomadisme est la règle. Avatar sans relief particulier, la dernière période a vu nombre de ces tribus ralliées au male dominant du moment, le bédouin Kadhafi, ni pire ni meilleur que les Gengis Kahn qui l’ont précédé, appréciation partagée par l’ensemble des Etats européens, dont la Russie, asiatiques, africains et américains (dont le sudiste vénézuélien Hugo Chavez) qui ont traité sans discontinuer avec lui pendant des décennies.

Soudainement, il n’a plus fallu, les caméras ayant filmé l’insoutenable. La crise, décrétée planétaire, a imposé une intervention aérienne en quelques heures, sans délai possible, l’armée du colonel Kadhafi ayant déjà commencé à pénétrer dans Benghazi la rebelle, déclarée ville ouverte au carnage. « It was now or never ».

L’Armée de l’air, trois heures après la décision internationale, inattendue et improbable, d’intervenir, décollait de sept de ses porte-avions, le « Nancy », le « Saint-Dizier », le « Dijon », l’« Istres », le « Solenzara », l’ « Evreux », l’«Avord », avec les armements appropriés, pour un résultat immédiat et décisif. Un seul porte-avions a été dans le zag alors que le zig eût été si précieux, il se nomme « Charles de Gaulle». Son illustre parrain avait l’art d’être là où on ne l’attendait pas, à la minute qu’il fallait. Son gri-gri a décidément du mal à opérer.

Que les marins se consolent. Outre la distance à parcourir, la brièveté du délai d’appareillage n’aurait pas permis à l’ensemble des télévisions de passer en boucle pendant trois jours (norme homologuée de rémanence cérébrale d’une image) les effusions familiales sur le quai d’où le PA va partir, ne va pas tarder à partir. L’intérêt de finalement appareiller se trouvait dès lors un peu entamé.

Les opérations militaires décisives terminées, il a tout de même été décidé de faire appareiller le « Charles de Gaulle »… et son Groupe aéronaval (dont un sous-marin nucléaire d’attaque, excusez du peu). Car il y a des marrons à tirer du feu. Toute « no-fly-zone » suppose de faire des ovales dans l’air et des ronds dans l’eau pendant des mois. Les caméras des journalistes embarqués pourront choisir les jours d’ensoleillement optimal pour offrir en continu pendant des semaines (des fois qu’on oublie…) de magnifiques séquences qui imprimeront dans les mémoires que la Libye, c’étaient les Rafale du « Charles de Gaulle ». La culture, c’est ce qui reste quand on a tout oublié.

On entendra, répété à l’envi et comme une fierté nationale que 2000 hommes l’arment. Personne ne dira que le travail a été fait par quelques poignées d’aviateurs restés pour l’essentiel dans l’hexagone, hormis le temps de vol.

Les aviateurs seront retournés dans une ombre qu’ils n’ont jamais réellement quittée (les journaux et télévisions n’ont jamais cité l’armée de l’air mais « les forces de la coalition auxquelles va se joindre le Charles De Gaulle, (puis s’est joint… en attendant d’apprendre sans doute que le Charles de Gaulle est accessoirement accompagné de la coalition ).


Ils ont repris l’entraînement à la vraie guerre, en avançant d’un pas pour combler le vide de deux de leurs magnifiques camarades, le Capitaine Xavier Cazalbou et le Lieutenant Nicolas Papadacci-Stéphanopoli.

A propos, Monsieur le Capitaine de Vaisseau de service en charge d’ânonner dans les cénacles et sur les ondes que l’Armée de l’air est inutile car l’armée de terre peut très bien faire ce qu’elle fait, notamment avec ses hélicoptères, et que la Marine peut faire tout le reste, car les trois quarts du globe sont maritimes, ne voyez dans la remarque qui suit qu’un clin d’œil ironique : dans le cas qui nous occupe, la Libye, il était interdit de mettre un seul soldat à terre. Quant à Tripoli et Benghazi, que je sache, ils ne sont pas très loin de la mer… cela n’a pas empêché la marine d’être complètement en dehors du coup.

Bah ! Il y avait une population en danger de mort. L’Armée de l’air l’a sauvée.

Pour le reste, Dieu reconnaîtra les siens. Et Neptune ses artistes.

Pierre Péron




Vous ne connaissez pas encore le Général Caubel. Il a eu une carrière brillante dans les Forces Aériennes Stratégiques. Mais avant cela il a été en Indo et en particulier il a vécu le drame de Dien Bien Phu et a été abattu au-dessus de la cuvette. Vous suivrez cette page d’histoire avec respect et amitié.

Cet article vient dans ce journal à la suite des propos infamants et stupides d’un petit officier supérieur de la marine nationale que je vous avais présenté dans un des derniers N° d’AP 5 New’s.

Un de mes anciens, le LT COL Ravasini a été outré par cette infamie et il a rédigé une lettre au petit marin. Cela lui a valu une lettre d’excuse. Merci a l’ami Ravasini, il nous a montré la voie. Nous ne pouvons plus laisser dire des mensonges dégradants sur nos copains qui ont souffert dans leur chair ce que ces gamins de capitaine de frégate n’ont même pas pu subir bien qu’ils en parlent.

Voici donc ce récit de ces aviateurs ont vécu DBP sans compter ceux qui étaient sur place au début de l’offensive comme Castagnos qui a attendu son second grade de la LH pendant 30 ans.

Et là, je ne peux pas ne pas parler de cette section de Crotale et de son environnement de protection, chargée de couvrir la « fameuse division Daguet » contre les attaques aériennes. Se rendant compte de leurs insuffisances, les patrons de la Div Daguet ont demandé à l’Armée de l’Air de leur fournir une section de crotale pour les protéger contre la menace aérienne, (tiens ils s’en sont rendus compte !). L’Armée de l’Air a fourni cette section. Avec un cynisme incroyable, le général Daguet a refusé que les Crotale soient inclus dans le dispositif de la Div Daguet.

Les aviateurs ont du nomadiser autour de la Div Daguet sans soutien matériel et sans protection face aux menaces sol-sol avec cependant la mission de défendre la DIV Daguet contre les agressions aériennes (Je rêve !!! mais il faut que vous sachiez que c’est la vérité et que l’on ne peut pas ne pas demander des comptes).

Nous avons du détacher une section de Commandos de l’air pour nous auto protéger, incroyable mais vrai. Nous sommes allés jusqu'à Al Salman avec la division Daguet, mais ne demandez pas au général Daguet si les aviateurs méritaient eux aussi un témoignage de satisfaction ou un commémorative voire une médaille. Le général n’a aucune mémoire.

C’est pour cela que je pense qu’il faut se faire respecter face aux autres armées et surtout il convient d’ajouter à la devise de l’Armée de l’Air « Faire face » la devise qui me plait beaucoup et que j’ai fait mienne depuis de longues années « Mémento Semper ».



CAUBEL

L'auteur, à l'époque lieutenant pilote de B26 au Groupe 1/25 "Tunisie", a été descendu par la DCA viet le 26 avril 1954 au-dessus de la cuvette de Dien-Bien-Phu. Fait prisonnier, il a fait la longue "marche" jusqu'au camp numéro 1. Il nous fait ici un récit très original sur la logistique viet dont il a pu mesurer l'ampleur tout au long de ses 30 jours de marche vers la captivité. Le général Caubel a terminé sa carrière en mars 1980 au poste de commandant en second des Forces Aériennes Stratégiques.

L'on a beaucoup écrit sur les erreurs de jugement d'un Haut Commandement peu créatif, embourbé depuis des années avec des moyens insuffisants face à une guerre révolutionnaire. L'une de ces erreurs de jugement, reconnue de tous, a été l'excès de confiance que lui a donné la supériorité aérienne totale dont il disposait à l'époque. L'aspect le plus préjudiciable de cet excès de confiance a consisté en un total manque d'imagination et la certitude absolue de l'évidente capacité pour le Viet-minh d'acheminer sur le site de Dien-Bien-Phu un corps de bataille complet avec ses matériels lourds et tout la logistique correspondants.

La seule vois d'accès empruntait en effet la RP 41, l'ancienne "Route Provinciale No 41", l'équivalent d'un chemin vicinal de nos campagnes françaises sur plus de 400 kilomètres!

Cette route traversait le Haut Tonkin , au milieu de puissants massifs montagneux entrecoupés par des profondes vallées du Fleuve Rouge, de la Rivière Noire et de la Song-Ma.

Il était en effet évident aux yeux de ce Haut commandement que le moindre déplacement sur ce chemin vicinal serait immédiatement décelé par nos avions, "traité" comme il se devait par nos  B26 Invaders et autres "Privateers". Les chasseurs "Bearcats" ou "Hellcat", venus du Delta ou déjà déployés sur le site, ne feraient ensuite qu'une bouchée des morceaux restants. De toute façon on s'assurerait du traitement préalable systématique de tous les "points sensibles" de la route, ces zones de virage en lacets abrupts, s'enchaînant sur des kilomètres au-dessus d'à-pics impressionnants . La moindre attaque sur l'un de ces points ne manquerait pas interdire la route pour des semaines, sinon des mois. Et pourtant c'est effectivement un corps de bataille de 50 000 combattants que les Viets ont réussi å acheminer. On cite aussi le chiffre de 50 000 hommes supplémentaires pour assurer leur logistique directe et enfin celui de 100 000 coolies, hommes, femmes et enfants, qui constituaient la fourmilière grouillante chargée des transports de base et des réparations de la route. Le matériel convoyé sur ce mince cordon ombilical : des canons de 105, des mortiers. des armes anti-aériennes jusqu'au 37 mm. et toutes les munitions en abondance... Enfin. pour nourrir ce petit monde, quelques 20 tonnes par jour de riz!

Paradoxalement cet aspect de la bataille n'a que peu intéressé les auteurs si nombreux à écrire sur Dien-Bien-Phu: cet exploit inimaginable (ou plutôt «in imaginé») des Viets

Les circonstances m'ont permis de et comprendre comment ceux-ci avaient réussi cette performance, acheminer tout un corps de bataille, son matériel lourd, faire vivre quelques trois cent mille personnes dans la jungle de la «haute région» pendant plus de trois mois au nez et à la barbe du Corps Expéditionnaire français. 

Ces circonstances?... Un obus de trente-sept dans le moteur droit du B 26 que je pilotais au-dessus de la cuvette, à la tombée de la nuit du 26 avril, pour justement attaquer le site supposé d'une batterie de DCA. Mon avion a été touché juste après le largage de mes bombes... Je peux donc espérer que celles-ci ont atteint les canonniers qui m'ont descendu. Il faut savoir se contenter d'un peu d'espoir.

Après avoir réussi à évacuer l'appareil en parachute, une évacuation réputée «aléatoire» d'après la notice du B 26, je me suis donc retrouvé au sol en pleine brousse dans la nuit. Au petit jour je retrouve mon navigateur, le lieutenant Baujard, et ensemble nous prenons la piste espérant rejoindre la colonne française que nous savions remonter du Laos...

Nous étions dans le dénuement le plus complet, la trousse de suivie restée dans l'avion !... Un peu confiants cependant. les officiers de renseignement nous ayant toujours assurés de la fidélité des paysans rnéos, ceux-ci ne manqueraient pas de nous accueillir et de nous embarquer vers la liberté...

Las ! Les premiers que avons rencontrés nous ont immédiatement saisis et garrottés. Notre captivité commençait. Après avoir partagé une ou deux nuits la vie préhistorique de ces tribus antiques, celles-ci nous ont emmenés après trois jours de marche forcée dans la montagne, les bras liés derrière le dos au niveau des coudes, sur les arrières viets de la bataille dans une zone que nous avons pu identifier par la suite comme étant les environs de Muong-Phan, à quelques vingt kilomètres de l'est de Dien-Bien-Phu.

Ce fut là notre première surpris: sous le couvert de la forêt un caravansérail inimaginable, grouillant d'hommes et  de femmes et même d'enfants! Comment une telle densité de population, si proche du camp retranché, avait-elle pu échapper à toutes nos missions de reconnaissance!... Là, fort heureusement, les «Bo-doïs» (les soldats viets] nous ont  protégés de la foule sinon nous aurions vite été transformés en charpie !... Attachés à un arbre, des gosses venant renifler sous notre nez pour voir à quoi ressemblaient ces «criminels de guerre, suppôts de l'impérialisme, du colonialisme et du Capitalisme». Un souvenir curieux me vint bizarrement à l'esprit celui de Monsieur Fenouillard. Créé par Christophe, l'ancêtre des auteurs de bandes dessinées, Monsieur Fenouillard était prisonnier des Indiens sioux avec sa famille, et lui aussi attaché à un arbre victime de la curiosité et de la dérision de ses geôliers. au milieu d’une foule étrange qui ressemblait tout à fait à celle qui nous entourait!

Comment cette foule compacte avait-elle pu ainsi échapper à nos reconnaissances? Nous avons vite appris toutes les astuces et précautions des Viets dans les moindres détails, en matière de camouflage et de discrétion Un premier exemple: pour faire vivre et nourrir tout ce monde, il fallait bien faire cuire le riz, seul aliment disponible... Les feux indispensables à cette cuisson devaient être alimentés avec du bois sec le jour pour éviter toute fumée capable de traverser la haute futée tropicale qui camouflait aisément la lueur des foyers. Au contraire, la nuit, un bois humide évitait une lueur trop intense et dans l'épaisse obscurité de la nuit et de la mousson aucune fumée ne risquait de dévoiler la présence de tout ce monde ! Mais c'est dans la longue marche vers le camp No 1, à quelques 600 km de Dien-Bien-Phu, sur cette RP 41 que nous connaissions par coeur vue du ciel, que nous sommes allé de surprises en surprises.

Tout le long de la route, sur presque chacun de ces 400 km, c'était encore une foule considérable, fourmilière grouillante, qui se déplaçait dans un va-et-vient permanent toutes les nuits. Hommes et femmes chargés comme des baudets ou poussant les fameux "vélos de charge"  avec quelque 100 kg de riz, n'interrompaient leur marche que pour laisser passer les convois de camions Molotova.

Tout cela dans la nuit? 0ui, mais une nuit éclairée de mille et mille torches de bambou que chacun tenait allumées tout en trottinant avec ce pas typique des coolies avec leurs balanciers. Une véritable féerie nocturne! Par endroits. sur Ie versant de la montagne, c'étaient des kilomètres et des kilomètres de cet interminable serpent lumineux que l'on pouvait embrasser d’un seul coup d'oeil. Les processions de Lourdes se trouvaient reléguées loin derrière malgré leur milliers de cierges !...

Comment nos reconnaissances n'avaient-elles rien vu ? Les Viets, manifestement avaient mis sur pied  un réseau d'alerte efficace tout au long du cordon ombilical. Un réseau téléphonique, relayé par une structure humaine originale parfaitement réglée: ainsi, chaque nuit à un instant ou à un autre, une rumeur montait le long de la route et, venant de l'est s’amplifiait rapidement... «To Baì !...To Baì !» un avion, un avion !...Clameur poussée et répétée à l’unisson. Immédiatement toutes les torches s’éteignent simultanément, les camions s'arrêtent et éteignent leurs phares à demi masqués, plus la moindre cigarette n’est tolérée!... La rumeur se déplace d’est en ouest, plus vite qu'un avion. En effet, quelques minutes plus tard, le lointain ronronnement d'un avion commence à se faire entendre et enfin c'est le vrombissement des moteurs qui arrive au-dessus d’une immensité obscure. C'est nous le savons, le «Privateer» qui fait sa reconnaissance de nuit. Dans deux heures  il sera  rentré à sa base; Cat-Bi. L'équipage rédigera brièvement son compte-rendu: «R.A.S.»

En fin de nuit, tout le monde quitte la route et va rejoindre par des cheminements tortueux un emplacement  défini sous le couvert de la forêt ou dans un village abandonné à environ quatre ou cinq kilomètre à l'écart.
Dans nos missions nous avions souvent eu comme objectifs des coins de bois écartés de la RP 41 ou des villages abandonnés susceptibles de recevoir des dépôts de riz ou de  matériels. En fait, semble-t-il, seuls les hommes étaient réellement éloignés de la route. Le riz et les matériels restaient stockés bien camouflés à proximité immédiate de la route.

J'ai le souvenir précis d'un immense champ de barils d'essence, stockés au bord même de la route, dans une grande courbe juste après le passage de la Rivière Noire à Ta-Koa. Les barils, disposés debout à touche-touche, étaient recouverts d'herbe et de branchages bien verts, manifestement remplacés avec soin tous les deux jours !... Que n'aurais-je pas donné pour pouvoir transmettre ce renseignement à Cat-Bi!

Le bac de TA-KOA, encore un de nos objectifs de prédilection. Nous avons enfin pu le découvrir: plusieurs immenses barges métalliques halées par de solides câbles d'acier  d’une rive à l’autre. A travers le courant rapide de la Rivière Noire. Comment n'avions-nous pas  réussi à les détruire? C’est qu’en fin de nuit ces barges étaient éloignées du site, plusieurs kilomètres an aval et là aussi soigneusement camouflées. Le jour, seul subsistait un sol déjà labouré par nos bombes et vide de tout occupant ! Au passage nous avons pu retrouver tous les fameux points sensibles, ces «coupures de route» sur lesquelles nous avions déversé des tonnes de bombes «Mercure», «Melchior» ou autres «Mephisto».

Là, la fourmilière humaine entrait dans une agitation brownienne, hommes et femmes charriaient pierres et terre pour réparer les dégâts de la veille. .. Pas de bulldozer, non... simplement des milliers de paniers au bout de balanciers, avec chacun des dix ou quinze kilos de caillasse ou de terre! Aux endroits où la nature du sol était moins favorable et où l'on ne disposait pas suffisamment de pierres pour refaire la route celle-ci était «habillée» d'un double chemin de rondins de bois, de la longueur et de la grosseur d’un bras, écartés  l'un de l'autre de l'empattement d'un camion. La pluie de la mousson rendait particulièrement glissants ces rails  frêles et instables. Les camions Molotova s'engageaient pourtant dessus à grand renfort de coups d'accélérateur et de dérapages mal contrôlés.

A l'un ou l'autre de ces points sensibles les Bo-doïs nous faisaient accélérer le pas: «Maoulen Maoulen!». Nous avons eu l'explication de leurs injonctions: des spécialistes en contrebas de la route étaient en train de récupérer et neutraliser une bombe non explosée. Il y avait un risque non négligeable de la voir éclater d'un moment à l'autre. A une ou deux reprises nous avons pu voir en effet des corps de bombes abandonnés au bord de la route vidés de leurs explosifs, des bombes de 500 livres dont les culots avaient été manifestement sciés à la main!... Une manière simple de se débarrasser des fusées «long-retard», piégées, réputées inviolables, dont ces bombes étaient équipées sur leurs culots. Ces fusées «long-retard» devaient en principe exploser au bout de délais définis: 24, 36 ou 48 heures. Les Viets connaissaient sûrement ces délais. Ils savaient ainsi le temps dont ils disposaient pour accomplir leur tâche périlleuse. L'inquiétude de nos Bo-Doïs ne montrait pas moins que plus d`un de ces démineurs avait dû voir son travail brutalement interrompu par une explosion inattendue.

Pendant des nuits et des nuits les  kilomètres se sont ainsi succédés. Comme pour bien respecter le «manuel d'emploi de l'Infanterie», toutes les cinquante minutes une pause de dix minutes était rigoureusement observée. Il n'y avait d'autres arrêts que ceux imposés par le passage d'un convoi de camions. Aux environs de Na-san ou Son-la, l'un de ces convois a attiré particulièrement notre attention. Nous avons pu reconnaître des canons de 37 mm AA tractés par les Molotovas à qui nous devions, Baujard et moi, notre présence sur cette «Route Provinciale No 41 ». Les servants de ces pièces accompagnaient leur matériel à pied, en trottinant. Leur morphologie et la couleur claire de la peau n'étaient pas celles des Vietnamiens... Nous avions été abattus par des soldats chinois !


Général de brigade aérienne Pierre CAUBEL




Pierre Caubel, «Martini Émeraude», raconte son évacuation du B26 au-dessus de la cuvette,


«Martini Émeraude»  était l'indicatif radio  de Pierre Caubel. Le GB "Tunisie" était le 1/25, avec l'indicatif radio "Martini"  il était basé à Catbi (le terrain de Haïphong). L'autre Groupe de B 26, le 1/19, était le "Gascogne"et son indicatif était "Cinzano" ; basé à Tourane, il avait un détachement permanent à Catbi.

Le 26 avril, je faisais une bienheureuse sieste en cette fin d'après-midi. J'avais effectué une mission de plus de trois heures le matin même et, plutôt épuisé, j'espérais bien rester tranquille jusqu'au soir. Las, réveillé en sursaut par le "boy" vers seize heures, celui-ci m'annonçait qu'il me fallait "monter au terrain" immédiatement !... C'était pour repartir sur "D.B.Phu" dans la foulée, avec un flight de trois avions.

Notre flight, "Martini Émeraude", décolle vers dix-sept heures. En cette fin de journée, le trajet est truffé de gros cumulo-nimbus de la "mousson" au mieux de sa forme. Ne pouvant les contourner, j'essaye de passer au-dessus en montant jusqu'à près de 5 000 mètres, altitude vraiment limite sans oxygène... Pourtant je traverse encore par moments quelques têtes de cu-nimb.

Un moment plus tard je croise un autre flight du Groupe qui rentre, mission effectuée. Par radio son leader nous prévient que la D.C.A. semble particulièrement virulente, un B 26 vient d'être abattu... Pourtant le matin même je me trouvais sur le site et n'avais rien remarqué de plus qu'à l'accoutumée. Bien que toujours confiant dans la robustesse de mon avion, je passe machinalement sur les épaules les bretelles de mon parachute et accroche les deux mousquetons sur les cuisses. C'était là une précaution que nous ne prenions jamais. Avec la chaleur dans les cockpits, nous préférions laisser nos parachutes négligemment sous nos fesses sans nous préoccuper d'en passer le harnais.

Arrivé sur la cuvette, je prends l'axe de bombardement au-dessus de ce qui reste du point d'appui "Isabelle", tout au sud du dispositif, à 11 000 pieds (près de 3500 mètres). Notre objectif est une position de D.C.A. viet, camouflée dans la forêt sur la "côte 781", un piton au nord-est du camp retranché.

La course de bombardement pendant lequel se faisait la visée, le "run" dans notre jargon, était toujours une affaire délicate. Baujard, le bombardier, allongé dans le nez vitré de l'avion, l'œil rivé au viseur, me passe ses ordres à l'aide d'un instrument, le "Pilot Direction Indicator" (P.D.I.). Il m'annonce ses corrections sur l'interphone : "P.D.I. à droite", "P.D.I. à gauche"... La correction faite, l'aiguille revient au centre. Je réponds : "P.D.I. zéro". Il me faut piloter avec le maximum de souplesse pour faciliter la visée et permettre aux ailiers de suivre sans trop de difficulté.

C'est au cours de ce "run", alors que le ciel commence à s'obscurcir à l'approche de la nuit, que Baujard m'annonce calmement : "- Tu sais, on se fait "vachement" tirer !" Dans ces dernières secondes de visée il est trop tard pour faire une "évasive" sans compromettre définitivement la visée. "- Continue toujours !..." et je m'applique de mon mieux à mon pilotage. Enfin Baujard annonce le "bombes larguées" libérateur. Je sens l'avion s'alléger de ses deux tonnes de bombes et je referme les portes de la soute. 

Au même instant, nous sommes littéralement encadrés par un véritable feu d'artifice. Les traçantes nous entourent par dizaines. Baujard revient précipitamment du nez de l'avion vers son siège près de moi. J'ai l'impression de voir des traçantes passer entre la carlingue de l'avion et les moteurs. Malgré un essai tardif d'évasive, tout cela ne peut durer bien longtemps. Un grand "flak" m'apprend que nous sommes touchés, puis une grosse lueur sur le côté m'indique que le moteur droit est en feu. Procédure d' "extinction moteur", "passage en drapeau" de l'hélice, rien n'y fait... Le moteur, sans doute touché en arrière de la cloison pare-feu, là où convergent toutes les canalisations d'essence et d'huile, continue à brûler avec rage. Dans quelques secondes l'aile va casser. Il ne reste plus qu'à évacuer l'avion !

J'en donne l'ordre à l'équipage sur l'interphone, en ayant soin d'appuyer simultanément sur le bouton d'émission radio afin que le contrôle à D.-B.-Phu puisse l'entendre. En même temps je largue la verrière.

Le mitrailleur dans la tourelle arrière répond "OK" à l'ordre d'évacuation, puis je vois Baujard s'approcher du bord droit du cockpit, se préparant à sauter. Puis, je le vois reculer et se retourner vers moi... Panique, est-ce qu'il refuserait de partir ? Mais je comprends vite, il ne peut pas sauter de son côté à cause du feu sur le moteur et sur l'aile... Heureusement c'est un garçon de petit gabarit, il réussit à se glisser derrière mon siège pour quitter l'avion de mon côté !  Ouf !...

Maintenant je suis seul dans cet avion. Il ne me reste plus rien à faire et, pendant une fraction de seconde qui me paraît une heure, je sens la fatigue et la flemme tomber sur moi. Je suis assis sur mon siège, confortable presque en dépit du vacarme que fait l'avion, cockpit ouvert. L'effort de me lever et de sauter me semble énorme pour un résultat peu évident. (L’évacuation en vol sur B 26 était alors réputée aléatoire !).


C'est ma fiancée, S...., qui me tire de là. Elle me réveille de cette torpeur, de cet engourdissement qui a failli me prendre. J'ai sur moi, comme d'habitude, un tout petit porte-photos avec deux photos d'elle. Ma main peut le sentir à travers la poche de ma combinaison de vol. Est-ce elle qui me crie angoissée : "Eh ! Dépêche-toi ! Pense à moi !" ?

Je m'accroupis sur mon siège, en maintenant autant que je peux l'avion en ligne de vol. Un souvenir très net et très précis : au moment où je lâche le manche j'ai le temps de voir basculer l'horizon artificiel sur la planche de bord. En un sursaut, je me jette sur le côté par-dessus bord tandis que l'avion dont j'ai limité au maximum la vitesse se met en vrille. Un choc un peu dur sur le genou gauche, sans doute le montant du cockpit, et puis ça y est... l'ascenseur vers le sol est en route !

Je descends en chute libre depuis mes 11 000 pieds, en appréciant déjà le silence qui succède au fracas de l'avion.  Ce n'est qu'après un moment que je pense qu'il me reste encore quelque chose à faire. Oui, ouvrir le parachute. Là, nouvelle émotion, au moment où je tire sur elle, la poignée me reste dans la main !... C'est parfaitement normal, mais je ne le sais pas. A cette époque, aucune instruction sérieuse n'était donnée aux personnels navigants en matière de parachute, considéré comme un instrument dont l'utilisation était à éviter. Personne ne m'avait averti de ce détail, quand on tire sur la poignée elle vous reste dans la main !  Pendant une nouvelle fraction de seconde je pense que tout cela va mal se terminer et, chose curieuse, j'ai le temps de penser à cette histoire belge idiote qui se racontait au lendemain de la guerre : Ce résistant lâché sur la Belgique, de nuit, au-dessus d'un endroit où il devra trouver un vélo pour poursuivre sa mission... Au moment où il s'aperçoit que son parachute ne s'ouvre pas, il se dit : "C'est bien ma veine, en plus je parie que le vélo sera crevé !"

Mais aussitôt, coup de frein brutal, et je peux contempler au-dessus de moi la grande coupole de mon parachute parfaitement déployée. Mes deux coéquipiers ne sont pas très loin, nettement plus hauts que moi. Ils ont dû attendre moins longtemps pour ouvrir leurs voilures. On peut se crier quelques mots : "OK, ça va ?" - "Oui, ça va !"  C'est pour moi une immense satisfaction de les voir tous les deux suspendus à leur parachute, apparemment en bonne forme.

Un bruit sourd, en bas, pas très loin, c'est mon avion qui vient de s'écraser au sol. Là, encore une frayeur, en baissant la tête je m'aperçois que la boucle de poitrine de mon harnais n'est pas fermée ! Tout à l'heure, en vol, j'ai bien passé les bretelles de mon parachute et bouclé les mousquetons sur les cuisses, sans aller plus loin. J'ai sans doute eu beaucoup de chance d'être dans une position favorable au moment où ma voilure s'est ouverte, sinon je serais tout simplement passé à travers le harnais et le parachute se serait ouvert tout seul, me laissant continuer ma route de mon côté !

Mais les meilleures choses ont une fin. Malgré le confort de la descente, le sol maintenant se rapproche à toute vitesse. J'ai la chance de m'affaler sur une légère pente qui amortit sensiblement ma chute. Je suis arrivé, il fait pratiquement nuit. Je suis seul dans cette brousse montagneuse de la Haute Région. Les deux autres ont dû tomber un peu plus loin. Je m'aperçois que j'ai mal au genou, le choc contre l'habitacle en quittant l'avion.

La nuit qui a suivi n'a pas été l'une des plus paisibles de mon existence. J'admire les gens qui, dans des circonstances exceptionnelles, continuent à réfléchir comme il faut. Manifestement ce n'était pas mon cas et j'étais obsédé par deux idées : ne pas me faire manger par les fourmis rouges,... comment me sortir de là le plus vite possible sinon S.... n'aurait plus de nouvelles et se ferait du souci !

J'ai trouvé assez vite une solution à la première angoisse qui provenait de ce que, quelques jours plus tôt, un camarade du groupe de chasse de Cat-Bi, contraint au crash en fin de journée à la suite d'une panne de moteur, nous avait raconté qu'il avait passé la nuit à se battre contre les fourmis avant de se faire récupérer le lendemain... Au milieu d'un ruisseau qui était là il y avait un gros rocher à peu près plat. J'ai pu l'atteindre en clopinant. Là, je ne risquais rien en attendant le jour. J'ai même dû dormir quelques minutes, car je me souviens m'être réveillé en sursaut, effrayé par l'ombre noirâtre d'une vieille souche morte au-dessus de moi. Elle avait tout d'une silhouette de panthère noire ou d'un quelconque animal féroce !...

Pour la deuxième angoisse, on verrait demain. Mais déjà la certitude qu'il fallait s'en sortir pour retrouver S.... (qui deviendra ma femme) s'était installée en moi. Tout au long des mois qui ont suivi je n'ai jamais douté que j'y parviendrais, pour elle. 

Mais c'est là une autre histoire



Sans imaginer que le débat soit clos, quelques lignes que je ne peux pas ne pas souligner.

Suite de notre évocation des 75 ans de l'armée de l'Air, avec les témoignages que j'avais recueillis en 2004, à l'occasion des 50 ans de Dien Bien Phu. Dans ce papier à deux voix que je n'ai pas réécrit figurent volontairement les témoignages de deux aviateurs d'exception, un marin, Bernard Klotz (disparu quelques mois après notre rencontre), et deux aviateurs de l'armée de l'Air, Pierre Caubel et Marc Bertin. A l'époque, on ne se pose pas de questions existentielles, on combat...

Dien Bien Phu n'a pas été planifié par des aviateurs. Topographie, saison, nuages persistants au-dessus de la cuvette), zones de largages insuffisantes et trop exposées au feu ennemi, éloignement des bases de départ... : pour l'aviation, pas un facteur de succès possible.

Les aviateurs que nous avons rencontrés, 50 ans après cet épisode, n'ont pourtant jamais explicitement mis en avant tous ces facteurs défavorables. Jamais tenté de nous dire tout le mal qu'il en pensait. Ils étaient là pour accomplir leur mission : ils l'ont fait du mieux qu'ils pouvaient, avec le matériel -souvent à bout de souffle, très souvent inadapté- qui leur avait été confié. Et là encore, impossible de trouver quelqu'un pour s'en plaindre.

Bernard Klotz n'était qu'un lieutenant de vaisseau (de 28 ans, 78 en 2004) parmi d'autres, en 1954. Troisième campagne en Indo, au sein de la flottille 11F, après avoir découvert Hanoï le 6 mars 1946 (jour où Leclerc débarque), comme simple "bordache", à bord du dragueur D334. Et goûte déjà l'odeur de la poudre. De l'action aussi : il décide de s'en rapprocher, en devenant pilote de l'aéronavale. Son goût de l'aventure ne sera pas déçu.

Klotz survolera une cinquantaine de fois la cuvette, larguant ses bombes, tirant ses roquettes, faisant cracher les mitrailleuses de son Hellcat sur les accès des points d'appui convoités par le Vietminh. Ou, souvent en pure perte, sur la RP41, le poumon qui amène la logistique ennemie. 50 ans après, le toujours jeune pilote n'a guère d'illusions sur les dommages qu'il a pu causer à la RP 41, aussitôt comblés par une armée de coolies. Mais il continué, sans relâche, jusqu'au 23 avril. De Castries veut contre-attaquer, pour reprendre Huguette 1, submergée dans la nuit. Les chasseurs de la Marine doivent soutenir les paras, au sol. Sans leur tirer dessus : comme d'habitude, il faut donc descendre très bas pour effectuer le "straffing". Quelques secondes suffisent aux artilleurs viets pour faire un carton. Ce jour-là, ils sont particulièrement en forme. La flottille 11F en a payé le prix : le second maître Robert -il mourra en captivité- et Edouard Lespina (le 15 mars), un camarade de Navale de Klotz.

L'heure est venue, pour ce dernier. "En bas de ressource, je suis touché par une rafale d'obus, sans doute du 20 mm, alors que je viens de larguer mes bombes. Mon tableau de bord a éclaté, les flammes se sont emparées de mon chasseur Hellcat". La bataille aérienne est finie pour Klotz : blessé, récupéré de justesse par des légionnaires, il viendra renforcer la garnison : sous les ordres du colonel Guérin, il planifiera les opérations aériennes de ses camarades.

Pierre Caubel a tenté, lui aussi, d'inverser le cours des choses, avec son B-26 du GB1/25"Tunisie". Un bimoteur de bombardement à haute altitude. Six bombes de 227 kg à chaque aller, pour desserrer un peu le noeud qui se resserre chaque jour autour du camp retranché. Le jeune lieutenant de l'armée de l'Air suit malheureusement le même chemin que Klotz, le 26 avril. Trois jours auparavant, un B-26 du GB "Gascogne" a été abattu. Trois heures avant Caubel, un B-26 du "Tunisie" a été perdu. A 18h30, un rafale de 37 mm ne laisse guère d'issue au pilote, au Lieutenant Baugeard (navigateur) et au Sergent-chef Texier (mitrailleur arrière). "Au moins mes bombes sont parties détruire cette batterie de DCA" se souvient Caubel, philosophe.

Au total, l'aviation perdra près de 80 avions dans la bataille. Des avions de combat, évidemment, mais aussi les précieux avions-cargo, qui acheminent paras et logistique à "DBP". Qui évacueront, un temps, les blessés, avant que le dernier "Dak" prévu pour le faire, ne soit stoppé‚ par un obus. Les blessés pourront encore profiter de l'"ange", Geneviève de Galard, qui devait, ce jour-là, rapatrier des blessés graves.

Les avions-cargos reçoivent une volée de plomb à chaque passage au-dessus de la cuvette. Ils y retournent à chaque fois.

Le lieutenant Marc Bertin (86 ans en 2004) pilotait les C-119 "Packet", généreusement prêtés par l'US Air Force. Il vient d'arriver en Indo, en mai 1953, et commence sur Dakota, au GT "Béarn", connu comme le "groupe des Boeufs" (NDLR : qui figurent sur l'emblème de l'unité). Le 20 novembre, il largue les parachutistes chargés d'occuper DBP. "Je suis dans une grande corrida de 65 Daks et je suis leader de la 17e section, raconte-t-il, comme s'il était encore dans son cockpit". Dans la carlingue, 24 paras. Mais la météo complique le largage. "Je suis arrivé en semi-piqué sur la DZ. Nous avons fait une noria dans la cuvette, ce qui a modifié l'ordonnancement des largages". L'après-midi, nouveau passage : largage de matériel, pour que les paras puissent durer. Puis, pendant des semaines, des centaines de tonnes de… barbelés. "Quand ils tombaient à terre, ces barbelés étaient de véritables bombes. Des curieux venaient voir en entendant les avions : il y a eu des morts".

Le 7 décembre, changement d'échelle, sur C-119 « Packet ». C'est le moment aussi où le pilote comprend, du ciel, que la bataille qui couve "sera dure à gagner". Ce même mois, sur le tarmac de DBP, un pilote, le capitaine De Fontanges, vétéran de la deuxième guerre mondiale, prophétise. "Un sous-off de la coloniale lui a demandé la permission d'embarquer pour une virée à Hanoï. Mais il n'avait pas d'ordre de mission. Le capitaine lui dit qu'il est obligé de refuser, vu les priorités. Et il lui lance : 'tu sais pas combien cela peut m'emmerder car vous y crèverez tous dans cette cuvette. Tu m'entends : tous !' ".

En janvier, changement d'ambiance : Bertin essuie les premiers tirs de mitrailleuses de 12,7 mm. Les avions successifs de Bertin ont été touchés 11 fois… en moins de 12 mois de combats en Indo. "On voyait très bien les obus de 37 mm monter vers nous par grappes de cinq" se souvient-il encore aujourd’hui.

Le 13 mars, "ça commence réellement à chauffer" note Bertin, dont la mémoire est intacte. Comme Klotz, il parle sans note. Il se souvient avoir survolé la cuvette le matin. L'après-midi, les C-119 sont pilotés par des américains. Certains feront demi-tour en voyant la muraille de feu s'élever devant eux. Bertin ne roule pas des mécaniques. Son C-119 larguait plus haut que les « Daks ». Et largue en une fois, par la trappe arrière. "Pour les "Daks", il fallait 13 à 14 passages pour vider la soute". Par la porte.

C'est l'hécatombe. Le patron de l'armée de l'Air sur place, le Colonel Nicot ordonne des largages en altitude, avec parachute-retard. Directement dans les zones tenues par les viets. Caubel le découvrira, par la suite : un viet lui offrira une cigarette, pendant sa captivité. En lui disant qu'elle provient des largages français. Caubel, gros fumeur, ne goûtera pas celle-là, préférant attendre sa libération.

Le capitaine Soulat, patron du GT Béarn, vétéran de la Libye, de l'Angleterre, trouve la parade : "ils nous a obligés à larguer à basse altitude, mais seulement de nuit" explique Bertin, qui vénérait son chef emblématique. Dans la nuit du 6 au 7 mai, De Castries demande de stopper les parachutages. Bertin, comme les aviateurs, a compris. Il n'effectuera pas son 138e largage. Ne viendra pas chercher Klotz, Caubel, et tous les autres.

"Aujourd'hui, je suis encore à la recherche, vaine mais complexe, du sens à donner à ce dont j'ai pu être témoin : un immense gâchis..." Du 1er octobre 1953 au 30 septembre 1954, le pilote aura volé 1107 heures. Ses successeurs, aujourd'hui, n'en font pas le tiers annuel, même en temps de guerre.

Ou peut-on voir dans ce récit une attaque contre les hommes de l’air qu’ils soient aviateurs de métier ou pilotes de fortune ? ll n’y a que des petits, des sans avenir, des rétrécis qui peuvent écrire dans ICARE leurs lignes médiocres et tendancieuses. Devinez à qui je pense ???


PROCES VERBAL DE L'ASSEMBLEE GENERALE 2011 DE L'ASSOCIATION DES PERSONNELS DE LA 5° ESCADRE DE CHASSE


Le 18 juin 2011 à 20 h 00 au «Campanile» à Sauveterre, le Général LARTIGAU, Président de l'Association ouvre la séance en souhaitant la bienvenue aux 35 adhérents présents.

A ce jour, l'Association compte 523 adhérents dont 290 membres actifs.

FINANCES

Le trésorier donne lecture du bilan dont un exemplaire est joint en annexe.

La cotisation annuelle est maintenue à 10 €.


RENOUVELLEMENT DU BUREAU

Les membres du bureau sont reconduits dans leur fonction.


Le mot du président

Le Général Lartigau évoque les conflits en cours.

A 20 h 30 , le Président clôt l’Assemblée générale.


Le Général d'armée aérienne J.C. LARTIGAU

Président de l'A.P. 5

M. DIEU Jacques

Vice-Président


Signé : J.C Larticgau

Signé : J. Dieu


M. SOUFFLET Michel

Trésorier

Mme FOIX Annie

Secrétaire

Signé : M. Soufflet

Signé : A. Foix


--------------------------------------------

EXERCICE 2010 – 2011


RECETTES

DEPENSES

193 Cotisations

1 930,00

Affranchissements

737,30

4 adhésions

40,00

Fournitures de bureau

858,42

Intérêts

86,35

Participations repas

1 073,40

Vente T.shirt

17,00

Décès (achat de fleurs)

505,00

TOTAL

2 073,35


3174,12


Balance : - 1 100,77 €

AVOIR AU 18 JUIN 2011 : + 5 703,88 €


COMPTE EPARGNE

COMPTE COURANT

CAISSE


5 572,77 €



62,32 €


68,79 €

Bulletin de liaison de l’Association des personnels de la « 5 » Juin 2011– N° 53

L'auteur de cette page

Free counters!
opened October 1, 2011