MARC POURPE, RECORDMAN DU DÉSERT
Marc Pourpe était l'un des plus admirables et des plus modestes pilotes du temps de paix, il se spécialisa dans les raids aux colonies, en Indo-Chine notamment. Il établit, entre autres, le record du vol à travers le désert du Caire à Khartoum et retour, soit 4.500 kilomètres.
MARC POURPE Engagé volontaire, tombé au champ d'honneur le 2 décembre 1914, deux fois cité à l'ordre de l'armée.
COMMENT JE CONNUS LUFBERY
PAR MARC POURPE
Je viens de traverser une période
lamentable. Geo
Verminck s'est tué. J'ai éprouvé une peine que tu comprendras étant donné les liens
d'amitié qui nous
unissaient.
Mais en même temps que mon ami disparaissait, tout était effrité et je me trouvais en tête à tête avec moi-même. Pour un aviateur c'est peu. Finalement j'avais bien un aéroplane, ce qui est beaucoup, mais pas tout. Plus de mécanicien, pas de rechanges, rien. Comment faire? J'ai insisté, discuté, j'ai recouru à toute ma force de persuasion pour ne pas rester isolé. Peine perdue.
Tu sais que même dans les moments les plus terribles — et j'en ai vécu! — je ne me laisse jamais décourager complètement, car j'ai confiance en ma bonne toile. J'ai donc attendu patiemment que le cours des événements veuille bien tourner à mon avantage. Ce qui me manquait le plus c'était un mécanicien.
J'étais fort ennuyé et inquiet lorsqu'il y a quelques jours sur la place où j'étais en train de travailler à ma Curieuse, du cercle de spectateurs qui m'entourait, je vois se détacher un jeune homme qui vient à moi et me demande quelques instants d'entretien. De ma taille, bien découplé, les yeux francs et loyaux, un perpétuel sourire gouailleur fin, l'air honnête, tel était l'aspect que me produisit le nouveau venu
— Vous cherchez un mécanicien ? me dit-il. — Certes. — Voulez-vous de moi ?
— Vous êtes mécanicien ? — Non ! — Vous ne connaissez pas le moteur d'avion ?
— Non ! — Alors pourquoi vous présenter? Vous vous fichez de moi? J'ai autre chose à faire qu'à amuser les gens. Adieu.
— Permettez-moi d'insister. Vous, le jour où vous avez travaillé sur un moteur pour la première fois étiez-vous compétent? Non. Et pourtant n'êtes-vous pas devenu très habile. Pourquoi n'en serait-il pas ainsi de moi? J'ai la prétention d'être dégourdi et travailleur. Ce que vous m'aurez montré une fois, je le saurai pour toujours. Je suis certain que vous ne regretterez pas de m'avoir accepté.
Le raisonnement était plein de logique, la rencontre était originale. J'acceptai et je t'affirme que jamais je n'ai vu un être plus dévoué plus intelligent et plus habile. Il est déjà aussi au courant du moteur que bien des mécaniciens réputés de Paris. D'autre part, ce garçon a roulé sa bosse dans tous les pays du monde et ce n'est pas un homme, mais une encyclopédie. Il te dira quel temps il fait en telle saison aux Indes, au Japon, en Egypte, en Amérique comme en France. Il observe tout ce qu'il voit et une fois qu'il a observé c'est gravé dans son cerveau. Il m'a affirmé qu'il n'était jamais resté plus de huit jours sans travailler au cours de ses périgrinations. Il a été infirmier au Caire, débardeur à Calcutta, chef de gare aux Indes, soldat en Amérique, que sais-je? Je suis heureux qu'il soit maintenant mécanicien. S'il veut bien je le ramènerai à l'issue
de ma tournée et je le garderai avec moi.
C'est si rare un bon mécanicien. Il s'appelle Raoul Lafberg (1) et a passé son enfance aux environs de Bourges (il est né à Chamalières, Puy-de-Dôme). Si je reviens avec lui tu verras sur quel type sympathique le hasard m'a fait tomber. Comme quoi une fois de plus dans ma vie, tout s'est arrangé.
(1) Dans la crainte que Marc Pourpe ne le prit comme mécanicien et ne le ramenât point en France s'il le savait étranger, Lufbery s'était fait passer pour Français et trouvant son nom trop américain l'avait modifié en "Lafberg". L'as de l'escadrille La Fayette n'a pas le moindre accent.
Voir L'AS AMÉRICAIN : LUFBERY, ...Lufbery désira venger personnellement son meilleur ami et demanda à devenir élève pilote...
Mais en même temps que mon ami disparaissait, tout était effrité et je me trouvais en tête à tête avec moi-même. Pour un aviateur c'est peu. Finalement j'avais bien un aéroplane, ce qui est beaucoup, mais pas tout. Plus de mécanicien, pas de rechanges, rien. Comment faire? J'ai insisté, discuté, j'ai recouru à toute ma force de persuasion pour ne pas rester isolé. Peine perdue.
Tu sais que même dans les moments les plus terribles — et j'en ai vécu! — je ne me laisse jamais décourager complètement, car j'ai confiance en ma bonne toile. J'ai donc attendu patiemment que le cours des événements veuille bien tourner à mon avantage. Ce qui me manquait le plus c'était un mécanicien.
J'étais fort ennuyé et inquiet lorsqu'il y a quelques jours sur la place où j'étais en train de travailler à ma Curieuse, du cercle de spectateurs qui m'entourait, je vois se détacher un jeune homme qui vient à moi et me demande quelques instants d'entretien. De ma taille, bien découplé, les yeux francs et loyaux, un perpétuel sourire gouailleur fin, l'air honnête, tel était l'aspect que me produisit le nouveau venu
— Vous cherchez un mécanicien ? me dit-il. — Certes. — Voulez-vous de moi ?
— Vous êtes mécanicien ? — Non ! — Vous ne connaissez pas le moteur d'avion ?
— Non ! — Alors pourquoi vous présenter? Vous vous fichez de moi? J'ai autre chose à faire qu'à amuser les gens. Adieu.
— Permettez-moi d'insister. Vous, le jour où vous avez travaillé sur un moteur pour la première fois étiez-vous compétent? Non. Et pourtant n'êtes-vous pas devenu très habile. Pourquoi n'en serait-il pas ainsi de moi? J'ai la prétention d'être dégourdi et travailleur. Ce que vous m'aurez montré une fois, je le saurai pour toujours. Je suis certain que vous ne regretterez pas de m'avoir accepté.
Le raisonnement était plein de logique, la rencontre était originale. J'acceptai et je t'affirme que jamais je n'ai vu un être plus dévoué plus intelligent et plus habile. Il est déjà aussi au courant du moteur que bien des mécaniciens réputés de Paris. D'autre part, ce garçon a roulé sa bosse dans tous les pays du monde et ce n'est pas un homme, mais une encyclopédie. Il te dira quel temps il fait en telle saison aux Indes, au Japon, en Egypte, en Amérique comme en France. Il observe tout ce qu'il voit et une fois qu'il a observé c'est gravé dans son cerveau. Il m'a affirmé qu'il n'était jamais resté plus de huit jours sans travailler au cours de ses périgrinations. Il a été infirmier au Caire, débardeur à Calcutta, chef de gare aux Indes, soldat en Amérique, que sais-je? Je suis heureux qu'il soit maintenant mécanicien. S'il veut bien je le ramènerai à l'issue
de ma tournée et je le garderai avec moi.
C'est si rare un bon mécanicien. Il s'appelle Raoul Lafberg (1) et a passé son enfance aux environs de Bourges (il est né à Chamalières, Puy-de-Dôme). Si je reviens avec lui tu verras sur quel type sympathique le hasard m'a fait tomber. Comme quoi une fois de plus dans ma vie, tout s'est arrangé.
(1) Dans la crainte que Marc Pourpe ne le prit comme mécanicien et ne le ramenât point en France s'il le savait étranger, Lufbery s'était fait passer pour Français et trouvant son nom trop américain l'avait modifié en "Lafberg". L'as de l'escadrille La Fayette n'a pas le moindre accent.
Voir L'AS AMÉRICAIN : LUFBERY, ...Lufbery désira venger personnellement son meilleur ami et demanda à devenir élève pilote...
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Janvier
2 aout 1914 Avant de partir pour le centre de St Cyr où je suis affecté comme pilote ja laisse ce mot à mon mécanicien Lufbery sujet américain, et qui désire être versé dans un centre aéronautique. Lufbery est mon mécanicien depuis 3 ans et a fait avec moi tous mes raids en Extrême Orient et dernièrement entre le Caire et Khartoum et retour au Caire. Il veut et peut être d'une grande utilité à notre pays en ce moment et nous sera sincèrement dévoué. Il devrait être versé à Villacoublay chez .illisible. dont il connaît les appareils.... et merci à ceux qui le prendront en considération. Marc Pourpe Sapeur Aviateur affecté au centre de St Cyr. |
