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Projet:
commération le 20 avril 2016 de la naissance de l'USAF,
RDV au Mémorial Lafayette. - Lafayette_Project
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INDEX
vos remarques, vos questions ==> contact lepeps
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![]() L'ESCADRILLE LA FAYETTE
CEUX QUI ONT VOULU MOURIR POUR LA FRANCE en portant la guerre des tranchées dans le ciel «Loin
au-dessus de la misère et de la boue, si haut dans le
firmament à être invisible de la terre, ils se battent
sur les questions éternelles du bien et du mal. Chaque
vol est un roman, chaque victoire une épopée. ils sont
la chevalerie de cette guerre, sans peur et sans
reproche; et ils rappellent les actions légendaires de
chevalerie, non seulement par l'audace de leurs
exploits, mais par la noblesse de leur esprit».
Extrait d'un discours de David Lloyd
George devant la Chambre des communes, Octobre
20 1917.
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![]() Question: pourquoi le svastika ? ![]() Réponse: le svastika
est un des plus anciens symbole de l'humanité. On le retrouve
dans toutes les civilisations primitives. Son origine
n'est pas vraiment établie, on parle de symbole de
pureté. Cette
cocarde
est inspirée de l'insigne personnel d'un aviateur
suédois, le
Comte Eric von Rosen, qui avait peint un svastika bleu
sur son Morane Parasol.
Ça n'a rien à voir avec le nazisme
Lafayette Escadrille Pin This Lafayette Escadrille pin belonged to Charles Heave "Carl" Dolan Jr., who in 1915 was the 31st volunteer of the Lafayette Escadrille (Escadrille N. 124), which was a group of 38 Americans who volunteered to join the French Flying Corps before the United States entered World War I. Dolan, along with the majority of the Lafayette Escadrille members, transferred into the United States Air Service as the 103rd Aero Squadron on Feb. 18, 1918. (U.S. Air Force photo) ![]() Les marques avions avant l'enseigne officielle de la tête de peau rouge. -Liste des pilotes américains et français qui ont appartenu à l'Escadrille La Fayette - Ce qu'ils sont devenus - Liens ![]()
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Captain Georges
Thenault![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() PAUL-AYRES ROCKWELL
![]() ![]() Mon premier vol WALTER LOVELL ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() books online (google, extraits) ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() |
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![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() Quand les membres de l'escadrille Lafayette ont rejoint les unités US en février 1918, les lions ont rejoint le ZOO. source |
LES
CRÉATEURS DE L'ESCADRILLE![]() De gauche
à droite: Norman Prince, Elliot Cowdin, William Thaw qui prirent
L'initiative du beau mouvement des Américains venant
s'engager pour la France.
![]() Le caporal Fred
Prince, dès que son frère Norman Prince se fût
tué, vint s'engager pour pendre sa place.
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1917/02/22 Jacques
Mortane
écrit dans La Guerre aérienne illustrée No15:
Nous publions aujourd'hui cet article que la censure nous avait priés de ne pas insérer dans notre numéro 3. Nous sommes heureux d'avoir obtenu enfin l'autorisation qui nous permet de rendre hommage aux Américains qui n'ont pas hésité à venir prendre les armes à nos côtés. (54 lignes censurées). Le tableau de chasse de l'escadrille américain prouvera mieux que n'importe quelle considération l'origine de l'indignation boche. Adjudant Lufbery................6 avions abattus. Adjudant Norman Prince ...4 Adjudant Hall......................3 Sergent Chapman...............2 Lieutenant Thaw.................2 Sergent Rockwell................3 Maréchal des logis Cowdin 1 Adjudant Didier Masson.....1 Lieutenant Delage de Meu.1 Sous-lieutenant Pavelka.....1 Sergent Johnson.................1 Soit, au 15 février: 25 appareils descendus à l'actif du groupe glorieux. Hélas! ce n'était pas sans perte et tour à tour tombèrent Chapman, Rockwell et Norman Prince, et le sergent Balsley fut blessé grièvement. Peut-on rêver quelque chose de plus beau que
ce geste de jeunes gens, riches pour la plupart, à qui
l'existence sourit, qui appartiennent à un pays neutre!
La guerre éclate. Ils aiment la France, ils y viennent
passer chaque année quelques semaines. «Nous avons goûté
les plaisirs de la France, disent-ils, nous partagerons
ses souffrances». Et ils s'engagent, ils mettent leur
vie à la disposition de la nation, pour rendre,
selon leurs propres paroles, «la politesse qu'ont
faite autrefois à l'Amérique La Fayette et
Rochambeau»
C'est au mois de décembre 1914 que Frazier Curtiss et Norman Prince, de Marblehead (Massachussets), résolurent de venir combattre à nos côtés. Bientôt plusieurs étudiants des Universités se joignaient à eux: James Bach (fait prisonnier au cours d'un combat aérien), Elliot Cowdin, H. G. Gerin, Bert Hall, Didier Masson (Français naturalisé Américain) qui servit, comme aviateur, au moment du soulèvement du Mexique, Andrew Ruel et William Thaw. Au début de 1915, ils arrivaient à Paris et signaient leur engagement. Ils commençaient leur instruction dans deux de nos grandes écoles. Hommes de sport, habitués à tous les exercices physiques, le plus beau leur parut l'aviation afin de «combattre pour la liberté de toutes les nations». Munis du brevet militaire, ils allaient prendre du service au front, soit comme chasseurs, soit dans des groupes de bombardement. Tous faisaient preuve des plus belles qualités, recevaient des récompenses, souvent trop parcimonieusement accordées, et se comportaient de telle façon que le commandement décidait, au cours de l'année 1916, de les réunir tous dans une seule escadrille. Les bombardiers passèrent sur avion de combat et retrouvèrent à l'école de nombreux autres camarades venus d'Amérique afin de s'engager directement dans l'aviation ou réformés de l'infanterie pour blessures. Le chef de l'escadrille, le capitaine T. et son adjoint, le lieutenant de L. de M., seuls, sont Français. William Thaw, de simple soldat est devenu lieutenant et a reçu la Légion d'Honneur. Il est le seul officier américain du groupe dont un membre a vu paraître son nom au communiqué : l'adjudant Lufbery. Le capitaine T. ne peut que se vanter de ses vaillants pilotes, tous disciplinés et dont l'esprit militaire joint aux qualités de sportsmen et d'aviateurs, fait considérer l'escadrille comme l'une de nos plus remarquables, toujours aux places d'honneur: après l'Alsace, elle fut envoyée à Verdun, puis dans la Somme. Nous parlerons d'abord des victimes. Le 23 juin 1916, le sergent Victor Chapman, trouvait la mort aux environs de Douaumont. On prétend qu'il fut abattu par le capitaine Boelke. Trois membres de l'escadrille : le capitaine T., les sergents Prince et Lufbery se battaient contre quatre avions ennemis, lorsque Chapman, apercevant la lutte, se précipitait dans la mêlée et, avec une furia héroïque, abattait un adversaire et obligeait un autre à atterrir. Il se préparait à continuer son oeuvre de vengeance, lorsqu'un Fokker le surprenait par derrière, le perçait de balles et le tuait. Grâce à lui, ses camarades avaient trouvé leur salut. Chapman avait déjà été cité à l'ordre de l'armée. C'était un pilote d'une audace remarquable, s'élançant sur les avions ennemis quel qu'en soit le nombre et quelle que soit l'altitude. Le 24 mai 1916, seul, il avait attaqué trois appareils : au cours du combat, ses vêtements avaient été traversés de plusieurs balles et il avait été blessé au bras. Le 17 juin, il avait réussi à triompher d'un avion près de Béthincourt et reçu une sérieuse blessure à la tête. Malgré cela, il avait demandé à ne pas interrompre son service. Mal lui en prit, six jours plus tard il succombait. L'adjudant Kiffen-Yates Rockwell fut tué le 23 septembre 1916, trois mois jour pour jour après son camarade. Comme Chapman, c'était un véritable gentleman, élève de l'Université de Virginie où il suivait les cours de l'école militaire. Plutôt que de devenir officier américain, il préféra venir s'engager, comme simple soldat, là où on se battait. En août 1914, il arrivait avec son frère Paul, et partait dans l'infanterie. Il était blessé grièvement, le 9 mai 1915, dans une attaque à la baïonnette près d'Arras. C'est alors qu'il passait dans l'aviation. Le 18 mai 1916, le caporal Rockwell abattait un avion qui prenait feu, près de l'Hartmanswillerkopf. Le 24 mai, au cours d'un combat rangé, vers Etain, avec un groupe d'avions ennemis, Rockwell, devenu sergent, et le lieutenant Thaw étaient blessés. Celui-là était gravement atteint à la face. Le 28 juillet, il forçait un avion à atterrir précipitamment dans la région de Verdun. Le 9 septembre, l'adjudant Rockwell attaquait, sur la rive gauche de la Meuse, un avion qui tombait sur les premières lignes allemandes, près de Vauquois. Le 23 enfin, il était tué et tombait près de Rodern, en terre d'Alsace reconquise, non loin de l'endroit où il avait abattu son premier avion. L'adjudant Norman Prince, qui avait eu l'idée initiale de créer l'escadrille américaine, suivait ses camarades dans la tombe en rentrant de notre grande expédition sur les usines Mauser, à Oberndorf, le 12 octobre dernier. ![]() Blessé au cours d'un combat où il avait réussi à abattre son adversaire, il put regagner nos lignes, mais son appareil était gravement endommagé et s'écrasa à l'atterrissage. Prince se brisa les jambes et expira le lendemain après avoir reçu sur son lit de mort la Légion d'Honneur qui s'ajouta à sa Médaille Militaire et à ses cinq palmes. Prince avait vingt-neuf ans. Il avait commencé la guerre comme bombardier et accompli les plus importants exploits. Obus, avions, brume, vent, rien ne l'arrêtait. Il passa ensuite sur un avion-canon avec lequel il abattit un Fokker et un drachen. Puis vint la chasse avec l'escadrille américaine: son rêve était réalisé. Le 9 août 1916, il descendait un L. V. G.; le 25 août il renouvelait son succès. Il fut atteint le 12 octobre, mais en emmenant son vainqueur dans l'au-delà. Il avait frôlé le communiqué: ce joui-là, son ami Lufbery y voyait révéler son nom. L'escadrille américaine saura venger ses victimes. Le jour de la mort de Norman Prince son frère Frederick demandait à occuper la place vacante pour remplacer, son aîné. Un autre membre du groupe souffre depuis de longs mois dans un hôpital de Paris. Le 19 mai 1916, le sergent Balsley, opérant une croisière avec plusieurs de ses camarades, rencontrait une importante force ennemie. Les deux escadrilles livraient le combat et c'était alors un mélange d'appareils parmi lesquels il était impossible de distinguer les belligérants. Les Allemands étaient beaucoup plus nombreux. Soudain Norman Prince et Balsley abandonnaient la lutte et tombaient. Prince parvenait à rétablir sa machine au cours de ce plongeon de la mort et rentrait sans encombre. Balsley n'était pas aussi heureux. Une balle explosive l'avait atteint et il avait perdu connaissance. Il reprit ses sens pendant la chute et put rentrer en France, mais l'appareil s'écrasa et le pilote fut relevé avec une fracture du fémur. Il expliqua que sa mitrailleuse s'était enrayée et, avant d'être transporté à l'hôpital, prononça ces paroles admirables dans la bouche d'un étranger: - Je suis content, j'ai pu ramener mon appareil en France. Ils ne l'ont pas eu! Mais à sa joie se mêlaient des regrets: «Si mon arme avait marché, je tenais mon Boche à bout portant, il ne pouvait m'échapper!» Quant à se plaindre, a aucun moment il n'y songea. La Médaille Militaire récompensa ce héros dont la vie fut très longtemps en danger et qui restera estropié. Tels sont ceux qui sacrifient leur existence pour nous! ![]() Le 24 mai 1916, le groupe prenait son vol vers 8 heures, sous les ordres du capitaine T. Arrivé au-dessus des lignes allemandes, à 15 ou 20 kilomètres de nos tranchées, il se tenait à 4.000 mètres, scrutant l'horizon. Soudain, une bande de Fokkers et d'Aviatiks apparaissaient du côté d'Etain. Vite les Américains fonçaient vers leur proie en formation de combat. Les Allemands encerclés accueillaient les arrivants par un feu nourri. En nombre supérieur, ils consentaient à accepter la rencontre. Pendant quelques instants c'était un torrent de feu qu'échangeaient les belligérants. Chacun des nôtres avait choisi ses adversaires. Ce n'était plus une bataille, mais une série de duels. Bientôt deux des avions allemands piquaient, tournoyaient, s'effondraient. Un autre les suivait. Le reste de la troupe préférait ne pas insister et se retirait en désordre. L'escadrille américaine avait fait place nette sans perdre un seul appareil; seuls le lieutenant Thaw et le sergent Rockwell avaient été blessés. Une autre fois, les Franco-Américains sont entourés par une quarantaine d'ennemis. Au cours de la rencontre, le lieutenant Thaw ![]() Encore une bataille: un groupe allemand est signalé se dirigeant sur Bar-le-Duc qu'il va bombarder. Vite l'escadrille américaine s'élève. Elle aperçoit les adversaires au moment où ils commencent à laisser tomber leurs bombes sur les hangars. Les Boches sont le double de nous. Le capitaine T. et Prince sont forcés de descendre l'un avec son réservoir d'essence troué, l'autre avec son moteur atteint. Puis c'est au tour de Cowdin d'atterrir: sa mitrailleuse est enrayée. Hall et Chapman restent en présence du lot ennemi. A ce moment survient une escadrille qui prête main-forte aux deux amis. Les bombardiers s'enfuient comme une volée de moineaux, mais ne rentrent pas au complet. Aucune perte pour nous. Et nous arrivons enfin à la grande bataille du 12 octobre où l'escadrille américaine escorta pendant une partie du parcours, à l'aller et au retour, le groupe de 40 avions franco-anglais qui alla bombarder les usines Mauser; ce jour-là Lufbery, Prince (tué au retour), Masson triomphèrent chacun d'un ennemi. ![]() L'as
de l'escadrille américaine est l'adjudant Lufbery.
Au moment de la guerre, il était depuis deux ans
mécanicien du glorieux Marc Pourpe dont il avait
fait la connaissance à Saigon. Il continuait ses
précieux offices auprès de son patron et ami, devenu
simple soldat. Tous deux s'étaient engagés en
même temps. En décembre, Pourpe se tuait. Vite,
Lufbery demandait à le remplacer et devenait
pilote. D'abord bombardier, il passait ensuite sur
Nieuport. Le 31 juillet, il atteignait un groupe de
quatre appareils ennemis. Il en abattait un à
l'ouest d'Etain. Le 4 août, avec l'adjudant Sayaret,
il triomphait d'un Allemand qui tombait près
d'Aboucourt. Nouveau succès le 8 août: son
adversaire s'écroulait en flammes près de Douaumont.
Quatrième victoire en septembre et citation au
communiqué à la suite d'une cinquième bataille au
cours du bombardement des usines Mauser d'Oberndorf.
Le 9 novembre un appareil était sérieusement touché
par le brillant champion dans la Somme. De même, le
lendemain un avion tombait désemparé près
d'Ablaincourt. Le 4 décembre, un autre était sans
doute abattu près de Chaulnes. Le 27 décembre, à 9
heures du matin, l'Américain descendait probablement
un Fokker près de Chaulnes encore, et à 3 heures
triomphait de son sixième officiel qui tombait au
nord de Restain.
Lufbery l'échappa belle dans la rencontre qui précéda la révélation de son nom au communiqué. Il avait affaire à un Boche de grande valeur et, après une lutte acharnée, rentrait avec une balle dans un chausson, une dans sa combinaison, trois dans le moteur, le réservoir crevé, le stabilisateur brisé, un montant du fuselage fendu. L'Américain avait juste la possibilité d'atterrir sur le premier terrain qu'il apercevait après le passage des tranchées. Cinq jours plus tard, il prenait sa revanche. ![]() Le
lieutenant Thaw, dès le mois de mai 1915,
obtenait sa première citation comme caporal: «A
toujours fait preuve des plus belles qualités de
bravoure et de sang-froid. A deux reprises, au
cours de voyages d'observation, a eu son avion
violemment canonné et atteint par des éclats
d'obus, causant de gros dommages. A néanmoins
continué à observer les positions ennemies et
n'est rentré qu'après l'accomplissement intégral
de sa mission».
Il montait alors un Caudron, puis passait sur Nieuport. Devenu lieutenant, il recevait la Légion d'Honneur avec le motif suivant: «Pilote remarquable par son adresse, son entrain et son mépris du danger. A livré récemment 18 combats aériens à courte distance. Le 24 mai, au matin, a attaqué et abattu un avion ennemi. Le soir même, a de nouveau attaqué un groupe de trois appareils allemands et les a poursuivis de 4.000 à 1.000 mètres d'altitude. Grièvement blessé au cours du combat a réussi, grâce à son énergie et son audace, à ramener dans nos lignes son avion gravement atteint et à atterrir normalement. Déjà deux fois cité à l'ordre». ![]() L'adjudant Hall commença sa
carrière militaire dans la légion étrangère.
Il quitta l'infanterie pour l'aviation, où
il remplit, sur sa demande, des missions
particulièrement dangereuse en arrière des
lignes ennemies. Le 22 mai 1916, il
attaquait un avion allemand, le poursuivait
de 4.200 à 1.000 mètres d'altitude et
réussissait a l'abattre à quelques centaines
de mètres de nos tranchées. Le 23 juillet,
il triomphait d'un autre appareil près du
fort de Vaux. Le lendemain, il rentrait d'un
combat avec huit balles dans les parties
essentielles de son biplan. Le 6 novembre,
il touchait sérieusement un avion vers Buire
et le 9, abattait un L. V. G. vers
Sailly-Saillisel.
Le 8 janvier 1917, le sergent Johnson abattait un avion entre Brie et Villers-Carbonnel. Le sergent Elliot Cowdin était cité à l'ordre de l'armée, pour la première fois, en juin 1915: «Le 26 juin 1915, rencontrant simultanément deux avions allemands, les a attaqués et les força successivement à descendre. A eu son avion et son moteur gravement endommagés par le tir des avions allemands et a reçu plusieurs éclats dans son casque». Le 4 avril, il apercevait un groupe de douze L. V. G. se dirigeant sur Verdun. Seul, en patrouille, il n'hésitait pas un instant, se précipitait au milieu de la horde teutonne et parvenait à rentrer indemne après avoir abattu un des appareils. Cet exploit lui valait la Médaille Militaire. Citons en outre le lieutenant français de L. de M., vainqueur d'un avion ennemi, le 27 juillet 1916; l'adjudant Didier Masson qui triompha d'un appareil ennemi le jour du bombardement des usines Mauser; le sergent Pavelka, ex-légionnaire blessé à la jambe d'un coup de baïonnette au cours d'une charge en Champagne, -récemment breveté- qui, le 9 novembre 1916, endommageait sérieusement un avion ennemi; le sergent Rumsey, un des plus célèbres joueurs de polo des Etats-Unis; les sergents Hill, fils d'un grand manufacturier américain; Johnson, Mac Connell, les caporaux Soubiran, Havilan, etc. Et à ce bouquet de héros viendra s'ajouter sous peu toute une pléiade de nouveaux engagés volontaires qui achèvent leur entraînement dans nos diverses écoles. Telle aura été, pendant la guerre, une des marques de sympathie de l'Amérique pour la France, sympathie scellée par de la vaillance, par du sang. JACQUES MORTANE. |
De
gauche à droite: le lieutenant de L. de M., seul
aviateur français de l'escadrille avec le chef, le
capitaine T., les sergents Johnson Rumsey, Mac Connell
le lieutenant William Thaw, l'adjudant Lufbery, le
sergent Kiffen Rokwell (tué), les adjudants Didier
Masson, Norman Prince (tué), Hall.
![]() L'adjudant Lufbery, l'as américain qui a six avions à son actif. ![]() Le sergent Rumsey, l'un des meilleurs joueurs de polo, devenu chasseur. ![]() L'adjudant Hall, ancien légionnaire, a abattu 3 avions. ![]() Le sergent Hill, millionnaire américain, combat aussi pour la France. ![]() Le sergent Pavelka, ex-légionnaire, qui vient d'abattre un avion ennemi. ![]() Le lieutenant de L. de M., français, vainqueur d'un avion allemand. ![]() Le sergent Kiffin Rockwell, tué en Alsace, avait abattu trois appareils. ![]() Le sergent Balsley blessé très grièvement au cours d'un combat aérien. ![]() L'as qui a son nom au communiqué était le mécanicien du regretté Marc Pourpe. ![]() VICTOR CHAPMAN Tué, le 23 juin 1916. Blessé à la tête quelques jours avant, il avait refuse d'être évacué. ![]() ![]() ![]() L'Américain
Victor Chapman se pose sur un terrain français
pour se refaire faire son bandeau puis redécolle
pour reprendre le combat aérien
![]() ![]() ![]() ![]() KIFFIN ROCKWELL l'adjudant
Kiffin Rockwell trouva la mort au cours d'un
combat. Il allait passer sous lieutenant. Il
avait la Médaille Mïlitaire et trois palmes.
![]() DENNIS DOWD Légionnaire, après avoir été un héros sur terre, il voulut l'être dans les airs, mais se tua en s'entraînant. ![]() CAPITAINE TH. Chef de l'escadrille, le seul pilote français de l'unité avec le lieutenant de L. de M. ![]() Excellente réalisation ![]() |
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Xtiti |
![]() I. -- DÉBUTS - SUCCÈS - DEUILS
Vers 9
heures du soir le lundi 17 avril 1916, quatre
jeunes gens joyeux, enthousiastes, pleins
d'entrain sous l'uniforme de l'aviation
![]() Ces quatre jeunes gens en costume d'aviateur savaient par expérience personnelle ce qu'était le front. Victor et Kiffin avaient passé de longs mois durs, pénibles et tristes dans les tranchées comme soldats de l'immortelle Légion étrangère; Victor avait quitté cette formation en juillet 1915 pour devenir pilote et Kiffin était passé dans l'aviation en septembre 1915, à sa sortie de convalescence après avoir été blessé d'une balle au cours de l'assaut de La Targette par la Légion, le 9 mai. Norman avait volé pendant des
mois au front, comme pilote, sur avions de
reconnaissance et de bombardement. Jim était un ancien
![]() Il est opportun de donner ici quelques explications sur les débuts de l'escadrille américaine. Le premier aviateur américain confirmé qui offrit ses services à la France fut William Thaw qui volait en Amérique longtemps avant la guerre. Il voulut s'engager dans l'aviation française en août 1914, mais ne fut pas accepté comme pilote et s'enrôla dans la Légion en attendant qu'on fît appel à lui dans son arme préférée. En décembre 1914 Thaw et deux de ses camarades américains de la Légion, James Bach et Bert Hall, furent rappelés des tranchées et envoyés dans une école d'aviation à l'entraînement. Le véritable fondateur de
l'escadrille américaine, cependant, fut Norman Prince.
Ce fut lui qui le premier eut l'idée de former un corps
spécial, dans les rangs français, composé de pilotes
américains volontaires, et il vint en France en janvier
1915 pour tenter de réaliser son projet. Au ministère de
la guerre, à Paris, il ne trouva guère d'encouragements,
si bien qu'il s'engagea le 20 février comme élève pilote
et après quelques mois d'entraînement à l'école de Pau
partit au front dans une escadrille française. Thaw et
Bert Hall à la même époque servaient également comme
pilotes sur le front mais dispersés dans diverses
escadrilles si bien qu'il n'existait pas encore de
formation américaine régulière.
Trois Américains d'origine française, Raoul Lufbery, Didier Masson et H. G. Gerin, se trouvaient également comme pilotes dans les ![]() Les quatre aviateurs prirent le train pour
la Champagne. Aussitôt leur arrivée on les envoya à
Luxeuil où l'escadrille devait se former. Le capitaine
Thenault et le lieutenant de Laage de Meux, les
officiers français qui avaient été choisis pour
commander les Américains, les attendaient. Quelques
jours après Thaw et Bert Hall les rejoignirent.
Les quatre semaines qui suivirent furent tranquilles, les avions étaient lents à venir et les pilotes commençaient à s'impatienter. Puis les aéroplanes arrivèrent et le 17 mai au matin l'escadrille américaine fit son premier vol sur les lignes comme unité combattante. Quittant leur champ d'aviation à la pointe du jour les aviateurs américains patrouillèrent sur les lignes allemandes pendant deux ![]() Le lendemain Kiffin abattit le premier aéroplane allemand au compte de l'escadrille, qui était aussi le premier qu'il eut jamais rencontré dans les airs. Il m'écrivait au sujet de sa victoire la lettre suivante: Jeudi, 18 Mai 1916. MON CHER PAUL, Enfin j'ai quelque chose à te raconter. Ce matin j'étais allé faire un petit tour sur les lignes. J'étais quelque peu de l'autre côté quand mon moteur commença à avoir des ratés. Je fis demi-tour pour gagner un champ d'aviation voisin des lignes de nos tranchées. Juste comme j'allais m'y diriger je vis un appareil boche à 700 mètres environ au-dessous de moi, un peu à l'intérieur de nos lignes. Immédiatement je réduisis mon moteur et plongeai sur lui. Il me vit au même moment et commença à piquer vers ses lignes. C'était un avion biplace muni de deux mitrailleuses à tir rapide, l'une à l'avant, l'autre à l'arrière qui, tournant sur un pivot, pouvait tirer dans toutes les directions. Le mitrailleur ouvrit immédiatement le feu sur moi et mon appareil fut atteint, mais je n'y prêtai aucune attention et continuai à foncer droit sur lui jusqu'à me trouver à 25 ou 30 mètres. Alors, au moment où je redoutais d'entrer en collision avec lui je tirai quatre ou cinq coups et fis un à-droite pour ne pas le heurter. Au même moment je vis le mitrailleur s'abattre à la renverse, tué, sur le pilote, sa mitrailleuse, abandonnée à elle-même, pointer à la verticale et le pilote s'affaler contre le bord de sa carlingue, comme s'il était, lui aussi, anéanti. L'avion s'embarqua d'abord sur une aile, puis piqua à fond jusqu'au sol, avec un sillage de fumée derrière lui. Je tournai au-dessus et trois ou quatre minutes plus tard je vis un incendie s'élever du sol tout près des tranchées allemandes. J'avais eu l'espoir qu'il tomberait chez nous, car il est difficile d'authentifier la chute dans les lignes allemandes. Notre poste d'observation signala le naufrage de l'appareil et la fumée. Le capitaine m'a dit qu'il me proposerait pour la Médaille Militaire, mais j'ignore si je l'aurai ou non. ![]() Hier, Thaw a eu un beau combat à la fin duquel le Boche a piqué jusqu'au sol. Il a été signalé comme abandonnant le combat sérieusement atteint, mais comme capable de rentrer dans ses lignes. J'ai fort à faire actuellement car l'ordre vient de nous arriver de nous rendre à Verdun. Jim t'avait télégraphié le résultat de mon combat. Tout à toi. Kiffin. Le lendemain de ce succès aérien de Kiffin l'escadrille partait pour Verdun. L'équipe était heureuse d'y aller. Verdun était le cratère de la guerre et c'était l'ambition de tout pilote de l'armée française de s'y rendre. L'avion de Jim Mac Connell était brisé et au grand désespoir de Jim il fut contraint de rester quelques jours à Luxeuil après le départ de ses camarades en attendant que l'appareil fût réparé. La première grande bataille aérienne de l'escadrille eut lieu le 24 mai. L'activité de cette journée commença avant l'aube. Alors que Kiffin et Thaw volaient loin à l'intérieur des lignes allemandes ils aperçurent au-dessus d'Etain un Fokker et un Aviatik. Thaw fonça sur le Fokker et l'abattit en flammes pendant que Kiffin livrait combat à 'Aviatik. Après avoir tiré quelques projectiles le Boche prit la fuite tandis que les deux Américains rentraient rendre compte de la victoire de Thaw. Faisant hâtivement le plein de leurs réservoirs ils rejoignirent les autres pilotes de l'escadrille en reconnaissance au-dessus du champ de bataille de Verdun. Des vingtaines d'aéroplanes allemands et français étaient en l'air et les combats qui s'ensuivirent furent innombrables. Les pilotes américains eurent chacun plusieurs rencontres et deux appareils allemands en plus du Fokker de Thaw furent comptés officiellement comme victimes de l'escadrille dans cette journée. Thaw entra en mêlée avec plusieurs Boches et une balle l'atteignit au bras, brisant un petit os près du coude. Il réussit péniblement à atterrir juste derrière les tranchées françaises et fut ramassé en piteux état par quelques poilus. Il fut expédié en hâte a Paris où il resta en traitement pendant plusieurs semaines. Au cours d'un combat contre trois Aviatiks, Victor eut le bras profondément labouré par une balle, mais il n'abandonna pas pour cela la bataille et réussit à mettre |en fuite ses adversaires, en en abattant un et probablement un autre; Kiffins'attaquait à un groupe d'avions allemands. Il en descendit un, puis une balle explosible atteignit son pare-brise et les fragments du projectile teuton interdit lui firent de vilaines entailles tout autour de la bouche et du nez. Il put néanmoins atterrir normalement et se fit panser à un poste de la Croix-Rouge. J'ai conservé un méchant fragment de la balle allemande qu'on lui retira du nez. Le capitaine Thenault voulait le faire entrer à l'hôpital pour y être soigné, mais il refusa. Prenant un congé de vingt-quatre heures il vint à Paris m'assurer qu'il n'était pas sérieusement blessé puis repartit en hâte reprendre l'air. Aucune insistance ne put l'amener à prendre quelques jours de repos. Je n'ai jamais vu chez personne une aussi brûlante anxiété impatiente de retourner dans la fournaise et de livrer bataille aux Allemands. J'ai devant moi les trois citations gagnées par les gars au cours de cette mémorable journée. Elles disent : Chapman (Victor), caporal pilote à l'escadrille 124 : citoyen américain, engagé pour la durée de la guerre. Pilote remarquable par son audace, s'élançant sur les avions ennemis quelqu'en soit le nombre, et quelle que soit l'altitude. Le 24 mai, a attaqué seul trois avions allemands; a livré un combat au cours duquel il a eu ses vêtements traversés de plusieurs balles et a été blessé au bras. La citation pour laquelle Kiffin avait été proposé le 18 mai et celle du 24 mai furent réunies dans le journal Officiel ainsi: La Médaille Militaire a été conférée au militaire dont le nom suit: Rockwell (Kiffin- Yates), mle 34805, caporal à l'escadrille 124. Engagé pour la durée de la guerre a été blessé, une première fois, le 9 mai 1915, au cours d'une charge à la baïonnette. Passé dans l'aviation, s'est montré pilote adroit et courageux. Le 18 mai 1916 a attaqué et descendu un avion allemand ; le 24 mai 1916 n'a pas hésité à livrer à plusieurs appareils ennemis un combat au cours duquel il a été atteint d'une grave blessure à la face. La présente nomination comporte l'attribution de la Croix de Guerre avec palme. Signé : JOFFRE. William Thaw fut fait chevalier de la Légion d'Honneur avec le motif suivant: Thaw (William), mle 5503 ; lieutenant à l'escadrille 124: engagé volontaire pour la durée de la guerre. Pilote remarquable par son adresse, son entrain et son mépris du danger. A livré récemment dix-huit combats aériens à courte distance. Le 24 mai au matin, a attaqué et abattu un avion ennemi. Le soir même, a de nouveau attaqué un groupe de trois appareils allemands et les a poursuivis de 4.000 à 2,000 mètres d'altitude. Grièvement blessé au cours du combat a réussi, grâce à son énergie et son audace, à ramener dans nos lignes son avion gravement atteint et à atterrir normalement. (Déjà deux fois cité à l'ordre). Tandis que les fantassins français et allemands avançaient et reculaient par alternatives se disputant le terrain avec furie pied à pied, les aviateurs continuaient leur tâche au-dessus d'eux. Les meilleures escadrilles allemandes de combat volaient chaque jour sur le secteur de Verdun, mais les pilotes français faisaient mieux que jeu égal avec elles. S'inspirant de l'audace héroïque et de l'esprit de sacrifice de leurs camarades français, les Américains mirent toute leur énergie à bien faire leur part de la tâche commune, expulsant chaque jour les appareils ennemis de la région des nuages et gênant considérablement les teutons dans leurs observations et leur réglage du tir d'artillerie. On peut se faire une idée de leur fougue au combat par cette lettre de Kiffin, écrite le 16 juillet, premier anniversaire de la mort de Kenneth Weeks, Russell Kelly, Earle Fike et d'autres de ses meilleurs amis de la Légion, tombés le 16 juin 1916 au cours de la glorieuse attaque de Givenchy. Samedi. MON CHER PAUL, Les deux derniers jours ont vu une série d'engagements aériens où aucun de nous n'a été très heureux. J'ai été moi-même hier par deux fois pris par surprise alors que j'étais également aux aguets et très attentif à ce que je faisais. La seule raison pour laquelle je n'ai pas été descendu est que les Boches tiraient mal. Constamment j'ai attaqué des avions, mais ils étaient toujours trop nombreux. Chapman a été un peu trop courageux et m'a entraîné dans un combat plus que hasardeux, car je n'est pu me résoudre à le laisser aller seul. Il attaquait sans cesse sans faire grande attention autour de lui. Il a fait de même ce matin et ne voulait pas rentrer quand tous nous rentrions. Résultat: il attaquait un Boche, quand un Fokker qu'il croit être Boelke (les journaux ont annoncé sa mort, mais nous n'y croyons pas) survint en plein derrière Chapman. Il fit de son appareil une écumoire et blessa Victor à la tête. C'est à peine une égratignure, mais c'est un miracle qu'il n'ait pas été tué. Une partie des commandes de l'avion de Chapman étaient sectionnées, mais il put atterrir en les tenant réunies dans sa main. Les Allemands sont venus hier et aujourd'hui au-dessus du champ et nous ont bombardés. Hier je ne les ai pas vus. Aujourd'hui j'ai pris le départ contre eux mais mon moteur ne donnait pas au départ, l'une des bougies était brisée, et je ne pus prendre de hauteur. Il y avait à l'escadrille quatre avions qui ne firent rien, car ils avaient trop travaillé auparavant. Les autres ont eu des combats avec les Allemands, mais n'en ont pas descendu, aussi l'escadrille n'est-elle pas en très haute estime et les articles qui parleraient de nous avec éloges ne seraient pas opportuns. Navarre a été blessé aujourd'hui. J'ai vu aussi un pilote et son passager grillés avec leur appareil, mais c'était la faute du pilote. J'avais pensé par avance essayer hier et aujourd'hui de réaliser mon voeu de descendre un ou deux Boches à la mémoire des camarades tués à cette date il y a un an, mais, comme je te l'ai dit, je n'ai pas eu de chance. Je suis éreinté maintenant. Je suis sorti quatre fois aujourd'hui et tout le temps à monter et à redescendre. Une fois j'ai piqué à fond sur un Boche de 4.050 à 1.800 mètres, mais il s'est enfui. Cela fatigue quelque peu les changements d'altitude et le pilotage. Bien affectueusement. KIFFIN. Le 17 juin Clyde Balsley, qui n'était pas depuis longtemps à l'escadrille, a été estropié pour toute sa vie au cours d'un combat héroïque contre un nombre accablant d'avions ennemis. Kiffin m'a décrit le combat. Lundi. MON CHER PAUL, La journée d'hier a été plutôt néfaste pour nous: tu sais que nous jugions Balsley plutôt jeune et inexpérimenté, mais depuis qu'il est arrivé à l'escadrille j'avais pour lui de plus en plus d'affection à voir qu'il était rempli de bonne volonté à l'ouvrage et qu'il n'avait pas peur. Voici. Hier nous étions tous partis faire un barrage offensif au-dessus des lignes. Nous étions tous censés suivre le capitaine, mais en réalité seuls Prince, Balsley et moi étions derrière lui. Nous étions tous quatre au-dessus des lignes quand nous nous trouvâmes au milieu d'une quarantaine de Boches réunis dans un étroit secteur et qui volaient à diverses hauteurs. A l'altitude où nous étions il y avait douze ou quinze petits Aviatiks de chasse qui allaient exactement aussi vite que nous et, par surcroît portaient un passager. Le pilote tire comme nous le faisons, l'homme qui se trouve derrière lui est armé d'une seconde mitrailleuse qui peut protéger l'arrière et les côtés. Nous n'étions que quatre et sur les lignes allemandes, mais nous restions étroitement groupés et pendant dix ou quinze minutes nous évoluâmes autour des Boches qui tiraient presque constamment, sur nous de quatre ou cinq cents mètres de distance. Finalement nous vîmes une aubaine. L'un de leurs appareils traversa entre nous et les lignes, tandis que tous les autres se trouvaient derrière nous. Nous plongeâmes immédiatement sur ce Boche isolé. Il en résulta une mêlée générale, car les Boches accoururent sur nous de tous côtés et de l'arrière.Je vis quelqu'un, était-ce Prince ou Balsley, qui tombait comme frappé à mort. Je pensai en moi-même qu'il venait d'être tué. Puis je perdis de vue notre autre avion. Nous restions seuls, le capitaine et moi. Il me le signala, et alors nous partîmes et finalement rentrâmes au champ convaincus que les deux autres avaient été descendus. Prince rentra peu après. Il avait dû piquer comme un sourd, un Boche ayant pris le dessus sur lui et lui ayant traversé son casque d'une balle. Notre pauvre Balsley paraît avoir foncé sur un Boche et, parvenu tout près, lorsqu'il se mit à faire parler sa mitrailleuse, elle enraya après la première ![]() A l'heure actuelle on ne peut se prononcer sur sa blessure. Il peut se faire qu'elle n'ait que peu de suites, mais plusieurs pilotes sont morts de blessures semblables après empoisonnement du sang. On ignore encore si des fragments de la balle ont pénétré dans le ventre. Il a été proposé pour la Médaille Militaire pour sa bravoure. Chapman va bien. Il n'a qu'une écorchure. Il recommencera demain à voler. On vient de lui livrer un avion neuf plus rapide. Je crois qu'il aura, lui aussi ![]() Officieusement Thaw a la Croix et moi la Médaille Militaire, mais la note officielle n'est pas encore arrivée. Thaw est venu nous voir et repart pour Paris aujourd'hui ou demain. Affectueusement. KIFFIN. Six jours plus tard la mort, toujours à l'affût des aviateurs, appesantit pour la première fois sa main semeuse de deuils sur l'escadrille américaine et choisit comme victime, le vaillant, l'admirable, l'inoubliable Victor Chapman. Voici le récit que me fit mon frère de la mort de Chapman : Vendredi. MON CHER PAUL, Je broie du noir cette nuit. Victor a été tué cet après-midi. J'étais de garde au champ aujourd'hui, aussi n'ai-je pas pu aller sur les lignes. Le capitaine, Victor, Prince et Lufbery sortirent l'après-midi. A l'intérieur des lignes allemandes ils s'attaquèrent à cinq avions boches. Le capitaine, Prince et Lufbery s'en tirèrent indemnes et rentrèrent au champ, mais Victor n'était pas avec eux. Nous commencions à être inquiets lorsqu'un pilote de Maurice Farman nous téléphona qu'il était près et avait vu le combat. Il vit, dit-il, l'un des Nieuport piquer soudain à fond vers le sol, puis l'appareil se brisa en l'air. J'imagine que Victor avait probablement été atteint par une balle et que ses commandes avaient été sectionnées par les projectiles. lorsqu'il fut blessé il tomba vraisemblablement en avant sur son «manche à balai» ce qui mit l'avion en descente. Alors, si les haubans étaient endommagés par le tir ennemi, la catastrophe était inévitable. Il tomba à l'intérieur des lignes allemandes. Nous nous occupons d'apprendre la nouvelle à ses parents en Amérique. Je voudrais que tous les journaux du monde rendent hommage à Victor. Il n'y a aucun doute qu'il avait à lui seul plus de cran que nous tous réunis. Nous avions tous peur qu'il ne se tue et moi qui faisais chambre commune avec lui je le priais chaque jour d'être plus prudent. Il prétendait livrer combat à tout Boche à sa portée sans se soucier de l'endroit ou des risques et je suis sûr qu'il en a blessé sinon tué plusieurs. Je l'ai vu deux fois dominer un avion allemand, en l'accablant d'un feu d'enfer, mais c'était toujours dans leurs lignes où l'on livre tant de combats qu'il est souvent impossible de savoir si l'on a descendu l'appareil ennemi. La blessure à la tête de Victor n'était pas cicatrisée qu'il insistait déjà pour voler en toute occasion et se refusait à prendre aucun repos. La première fois qu'il monta en aéroplane il partit comme passager pour Dillingen et lança une bombe sur la gare. Depuis la guerre il n'avait jamais eu de décorations, puis en un mois, ici, il était proposé pour deux citations à l'ordre de l'armée et pour la Médaille Militaire. Comme je te l'ai dit nous habitions la même chambre, lui et moi, et nous volions très souvent ensemble aussi suis-je d'autant plus affecté que j'en étais arrivé à avoir pour lui une très grande affection. Je crains qu'il ne pleuve demain, mais s'il ne pleut pas Prince et moi nous volerons dix heures s'il le faut et ferons l'impossible pour tuer un ou deux Boches afin de venger Victor. Tout à toi. KIFFIN. Voici la dernière citation de Victor: Chapman (Victor). Sergent pilote à l'escadrille 124; pilote de chasse qui était un modèle d'audace, d'énergie et d'entrain et faisait l'admiration de ses camarades d'escadrille. Sérieusement blessé à la tête le 17 juin a demandé à ne pas interrompre son service. Quelques jours Plus tard s'étant lancé à l'attaque de plusieurs avions ennemis, a trouvé une mort glorieuse au cours de la lutte. L'escadrille américaine était cruellement frappée par la perte de Victor,mais quand la guerre continue, peu importe qui meurt et un désir de vengeance excitait les pilotes à se montrer de plus en plus actifs. Une cérémonie mortuaire grandiose eut lieu à Paris le 4 juillet en mémoire du jeune disparu. L'histoire du sacrifice de sa vie que Victor avait fait avec enthousiasme contribua certainement à transformer beaucoup d'Américains strictement neutres auparavant en partisans fervents de la cause des alliés. J'allai rendre visite à l'escadrille dans son camp à l'arrière de Verdun le 5 juillet. Pendant les quelques jours que j'y passai j'eus l'occasion d'avoir une connaissance plus complète de l'existence journalière et des risques des combattants du ciel. Je couchais dans la chambre de mon frère, dans le petit lit de fer que Victor avait quitté quelques jours auparavant pour faire sa dernière sortie. Il y avait alors à l'escadrille le capitaine Thenault, le lieutenant de Laage, Kiffin, Norman, Jim, Lufbery, Bert Hall, Didier Masson, Chouteau Johnson, Dudley Hill et Lawrence Rumsey. Avant mon départ pour Paris, Thaw revint prendre sa place de combat bien que sa, blessure au bras ne fut pas encore guérie. Chaque jour il y avait deux sorties régulières de l'escadrille entière, la garde du champ exceptée, et en outre des vols facultatifs des hommes les plus actifs. Souvent les pilotes voulaient repartir alors que leurs appareils portaient les traces de glorieuses rencontres. Un jour Kiffin revint avec une balle et des trous d'éclats d'obus dans nos avions. Une balle avait fait dans sa combinaison une grande déchirure à la poitrine, près de son brave cœur. Le nombre de combats que livrèrent les pilotes de l'escadrille américaine en juillet et août au-dessus de Verdun, je l'ignore, Kiffin, pour sa part, eut en juillet quarante engagements officiellement constatés et trente-quatre en août, la plupart trop loin en territoire allemand pour que les résultats en fussent constatés. Le lieutenant de Laage était son camarade de combat habituel et ils ont dû ensemble mettre à leur compte bon nombre d'appareils boches. Tout à la fin d'août Kiffin fut cité à l'ordre de l'armée en ces termes: Rockwell (Kiffin Yates), sergent pilote à l'escadrille 124, engagé pour la durée de la guerre. Entre dans l'aviation de chasse, s'y est classé immédiatement comme pilote de tout premier ordre, d'une audace et d'une bravoure admirables. N'hésite jamais à attaquer l'ennemi quel que soit le nombre des adversaires qu'il rencontre, l'obligeant le plus souvent, par sa maîtrise, son mordant, à abandonner la lutte. A abattu deux avions ennemis. A rendu les plus grands services à l'aviation de chasse de l'armée en se dépensant pendant quatre mois sans compter devant Verdun. Prince, Lufbery et Hall eurent aussi de nombreux combats heureux au cours de ces mois, détruisant chacun un ou plusieurs avions allemands. Le 4 août, Lufbery et Mac Connell criblèrent de projectiles un appareil boche; sa chute fut officiellement contrôlée et la moitié du bénéfice de la victoire fut accordé à Jim. Au cours du mois d'août, Jim fut sérieusement contusionné par suite d'un capotage dangereux. Il était parti en reconnaissance avec Kiffin et Norman tandis que se disputait une bataille acharnée autour de Fleury et Thiaumont.Ils devaient empêcher les avions allemands de reconnaissance d'accomplir leur mission. Les Boches se tenaient aux aguets tout à l'intérieur de leurs lignes et sous la protection de leurs batteries spéciales, attendant le retour des appareils français chez eux. Mais les aéroplanes, avant de rentrer en France, restèrent à leur poste jusqu'à ce que l'obscurité commençât à tomber, et qu'il fût trop tard pour les observations aeriennes. Alors ils se décidèrent à rentrer au camp au crépuscule. Kiffin et Norman y atterrirent sans incident, mais en cours de route le moteur de Jim se mit à bafouiller. Il mit à la descente, cherchant à trouver un terrain d'atterrissage favorable dans cet étrange pays. Il volait très bas à cause de l'obscurité et entra en contact avec des fils télégraphiques. Son appareil capota et s'écrasa dans un fossé profond, au bord d'une route. Des poilus accoururent d'un camp voisin, qui s'attendaient à ramasser un cadavre, mais Jim paraissait indemne, à part quelques contusions insignifiantes. Il avait un froissement des reins dont il soufrait très fort le lendemain, bien qu'il tînt à voler. Vers la fin du mois Kiffin et lui vinrent à Paris en permission de sept jours. Jim souffrait de plus en plus des reins et souvent la nuit, malade, il restait sur son séant, incapable de dormir par suite de la douleur. Un matin Kiffin et moi nous dûmes l'aider à s'habiller; il ne pouvait marcher qu'à l'aide d'une solide canne. Cependant à la fin de ses sept jours il persista à rentrer à l'escadrille, mais une fois arrivé il ne pouvait plus marcher du tout et le capitaine l'envoya enfin à l'hôpital. Kiffin fêta son retour de permission en descendant un autre avion boche qui tomba dans les tranchées de première ligne près de Vauquois. Il me mentionnait le fait en quelques lignes: Samedi, 9 septembre. MON CHER PAUL, Juste quelques lignes. Nous ne sommes pas encore partis mais j'espère être à Paris dans deux jours. Ce matin j'ai attaqué un Boche à 3.000 mètres et j'ai tué l'observateur de ma première balle. Ma mitrailleuse s'est ensuite enrayée. Tout en remédiant à l'enrayage je poursuivis l'avion dans sa descente, le suivant jusqu'à 1.800 mètres en le criblant de projectiles. A cette hauteur je fus attaqué de très près par deux autres appareils allemands. J'ai réussi à rentrer. Mon premier adversaire est tombé au milieu des tranchées allemandes et l'artillerie l'a pris comme cible. A toi. KIFFIN. A la suite de cette victoire et de son excellent travail précédent Kiffin fut proposé pour les galons de sous-lieutenant. Le 11 septembre toute l'escadrille arriva à Paris. Elle avait reçu l'ordre de quitter le secteur de Verdun et de retourner à Luxeuil. Le lendemain de leur arrivée à Paris, Kiffin, Thaw, Hill, Johnson et Hall achetèrent comme mascotte un lionceau de quatre mois qu'ils baptisèrent du nom de «Whiskey». Ils restèrent à Paris ![]() Le dimanche 17 septembre, au début de la matinée, j'accompagnais à nouveau à la gare de l'Est une équipe d'aviateurs en partance pour le front. Il y avait cette fois Kiffin, Lufbery, Masson, Paul Pavelka et Robert Rockwell, ces deux derniers récemment arrivés à l'escadrille. En me serrant la main pour me dire adieu avant de monter dans le train, Kiffin me dit: «Sois joyeux, je vais bientôt revenir en permission.» Six jours plus tard il était tué en combat aérien, au-dessus de Rodern, en Alsace reconquise. A l'heure même de sa mort je recevais la dernière lettre qu'il m'avait adressée, écrite le mercredi 20 septembre, son vingt-quatrième anniversaire. Mercredi. MON CHER PAUL, J'ai reçu ta lettre ce matin. Le temps est resté froid et triste depuis notre arrivée ici. J'ai reçu mon appareil qui est le meilleur que j'aie eu; je l'ai armé de deux mitrailleuses. Mais je ne m'attends pas à travailler beaucoup ici car je crains que le temps ne soit mauvais le plus souvent. J'ai retrouvé nombre de gens heureux de me voir de retour et je crois que nous serons très bien si nous sommes obligés de passer l'hiver ici. Pour le moment je suis à l'hôtel, mais je suis à la recherche d'une petite maison agréable et tranquille pour y habiter, à moins que le capitaine Happe ne nous oblige à demeurer sur le champ, ce qui serait ennuyeux. Rien de neuf au sujet de ma proposition qui devrait 'arriver maintenant dans quelques jours. A toi. KIFFIN. Voici sa dernière citation à l'ordre de l'armée: Rockwell (Kiffin- Yates). Pilote américain qui n'a cessé de faire l'admiration de ses camarades par son sang-froid, son courage et son audace. A été tué au cours d'un combat aérien le 23 septembre 1916. Je me rendis à Luxeuil pour les obsèques de mon frère. A mon retour a Paris je trouvai Jim en permission de convalescence, il avait quelques jours à passer avec moi. Il était toujours impatient de retourner à l'escadrille, mais il se montra plus pressé encore de rentrer lorsque Norman fut blessé mortellement en atterrissant de nuit le 12 octobre au retour d'une mission de protection des avions français de bombardement qui avaient causé d'immenses dégâts dans leur fameux raid au-dessus des usines de munitions Mauser à Oberndorf. La mort courageuse de Prince a déjà été racontée. C'était lui qui avait fondé 'escadrille américaine et je souhaiterais pouvoir insister plus longuement sur ses nombreuses et exceptionnelles qualités. Voici deux de ses citations qui sont malheureusement les seules que je possède: Norman Prince, sergent pilote à l'escadrille V. B. 108, citoyen américain, engagé volontaire pour la durée de la guerre. Excellent pilote militaire qui a toujours fait preuve de la plus grande audace et de présence d'esprit; toujours impatient à partir, a pris part à de nombreuses expéditions de bombardement, particulièrement heureuses dans une région où l'artillerie ennemie, par laquelle son avion fut maintes fois atteint, rendait la tâche difficile. Prince (Norman), mle 939. Adjudant pilote à l'escadrille N. 124, en escadrille depuis dix-neuf mois, s'est signalé par une bravoure et un dévouement hors de pair dans l'exécution de nombreuses expéditions de bombardement et de chasse. A été très grièvement blessé le 12 octobre 1916 après avoir abattu un avion allemand. Déjà médaillé militaire. Jim retourna à l'escadrille vers la mi-novembre, rejoignant ses camarades dans la Somme. Le nom du groupe avait été changé; l'escadrille américaine était devenue l'escadrille La Fayette. Le temps froid et humide était trop malsain pour lui. Un rhumatisme douloureux se localisa dans ses reins meurtris et après quelques semaines au front il fut contraint à nouveau d'entrer à l'hôpital. Il y resta jusqu'au début de mars. Il apprit que les forces françaises allaient bientôt faire une grande offensive, il obtint du médecin qui le soignait son ordre de sortir de l'hôpital,passa à Paris rendre quelques visites et retourna au front le 12 mars. Il trouva une mort glorieuse huit jours plus tard, au cours d'un combat contre trois avions boches au-dessus de Ham. Son appareil tomba dans un petit ![]() Comme conducteur dans une ambulance Jim avait gagné la Croix de Guerre avec une citation élogieuse. La voici ainsi que sa dernière citation: Mac Connell (James) de la S. S. A. A. 2. Conducteur engagé de la première heure, animé d'un excellent esprit, a toujours fait preuve d'un courage et d'une hardiesse dignes des plus grands éloges (5 oct. 1915). Mac Connell (James-Rogers). Sergent pilote à l'escadrille N. 124: citoyen américain engagé au service de la France. Pilote modeste autant que courageux, disait souvent à ses camarades: «Tant mieux si je dois être tué, puisque c'est pour la France.» A trouvé une mort glorieuse le 19 mars 1917 au cours d'un combat contre des avions ennemis. J'ai parcouru le journal intime que Jim écrivait scrupuleusement chaque jour. Il avait eu trente ans le 14 mars. La dernière pensée qu'il nota dans son journal, à l'issue de ses vingt-neuf ans, fut celle-ci: «Cette guerre peut-être ma mort, mais malgré tout je lui dois une profonde reconnaissance». Quelques jours après la mort de Jim Mac Connell, les Etats-Unis déclarèrent la guerre à l'Allemagne. Depuis lors plusieurs autres aviateurs américains au service de la France sont tombés au champ d'honneur. Je pourrais aussi parler d'eux, mais cet article a été écrit en mémoire des quatre amis que je quittais le soir d'avril où ils partaient pour la première fois au front comme pilotes d'avions de chasse. Ils ont été les quatre seuls aviateurs américains morts au combat pour la France avant que leur patrie ne sanctionnât la présence de tout Américain sous les plis du drapeau tricolore. Si au royaume des ombres l'âme de mon frère lit ses lignes, j'espère qu'elle n'aura ni mécontentement ni colère de ce que j'ai parlé plus souvent de lui que de ses chers camarades. Kiffin détestait que l'on parlât de ce qu'il faisait et il avait coutume d'insister constamment auprès de moi pour que j'empêche son nom de paraître dans les journaux. Il déclarait souvent que ses camarades français faisaient chaque jour, sans un mot d'éloge, beaucoup plus qu'il ne faisait, et qu'il n'était pas juste que l'on donne une telle importance aux exploits des aviateurs américains. Il ne voulait pas considérer qu'il était un volontaire, dans cette guerre. Il estimait, comme la plupart de ses compagnons de l'escadrille américaine et de la Légion étrangère qu'il accomplissait simplement son devoir en combattant pour la France et sa seule ambition était de bien faire sa tâche et d'être traité comme un soldat français. Il ne redoutait pas de mourir pour la France si cela était nécessaire. La seule fois où il parla de la mort ce fut dans une lettre à sa mère, écrite au moment où il allait partir au front comme aviateur. Il disait: «Si je meurs je veux que vous sachiez que je suis mort comme tout homme devrait mourir, en combattant pour ce qui est juste. Je n'estime pas que je combats pour la France seule, mais pour la cause de l'humanité entière, la plus noble de toutes les causes». Et ayant une âme qui pouvait s'élever au-dessus des horreurs épouvantables et de la triste misère de la guerre pour en voir toute la gloire et tout le prodige, il était logique qu'il mourut dans la mêlée. Il eut trouvée trop fade, trop morne, trop vulgaire la monotonie quotidienne de la vie civile en temps de paix, après ce qu'il avait vu et ressenti comme combattant. J'ai parlé plus complètement de mon frère parce que je le connaissais mieux et qu'il était naturellement le plus près de mon coeur. Je comprends à merveille la grandeur du sacrifice que chacun de ses compagnons a fait. Il n'aura pas été vain. La mort de ces quatre aviateurs a eu un grand effet moral en Amérique et je crois fermement qu'elle a fait plus que toute autre chose pour gagner les Etats-Unis à la cause de la France et de ses alliés. Le plus grand hommage que je puisse rendre à Victor, à Kiffin, à Norman et à Jim, je le rends en disant que chacun d'eux était digne des autres. PAUL AYRES ROCKWELL. |
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![]() II. - LES AMÉRICAINS A LA LÉGION
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La
plupart des pilotes qui comptent parmi les plus habiles et
les plus ardents de l'escadrille américaine ont fait leurs
premières armes à la Légion étrangère avant de passer dans
l'aviation et il est hors de doute que l'expérience qu'ils
avaient acquise comme soldats de la Légion n'ait été pour
eux d'un prix inestimable dans la cinquième arme. Ayant
pris l'habitude d'entendre passer les balles et les obus
allemands dans la guerre de tranchées, ayant exécuté des
charges à la baïonnette, les anciens légionnaires se
trouvèrent beaucoup plus à leur aise que les pilotes qui
voyaient le feu pour la première fois en avion. Sur les huit aviateurs américains qui sont morts jusqu'ici pour la France quatre avaient commencé la guerre comme soldats de la Légion Etrangère. Le ![]() Dennis Dowd, si brillant de jeunesse, qui se tua le 11 août 1916 à l'entraînement à l'école de Buc, était venu en France au début des hostilités le 24 août 1914 au deuxième régiment étranger où se trouvaient Kiffin Rockwell, James J. Bach, Edgar J. Bouligny, William Thaw, Frederick Zinn, Bert Hall, Lincoln Chatkoff, Charles Trinkard et Robert Soubiran, qui devinrent également pilotes. Dowd avait été blessé au cours de l'offensive de Champagne, en octobre 1915 et était entré après guérison dans l'aviation. Il était considéré par ses camarades de la Légion comme l'un des plus braves et des plus joyeux parmi les volontaires. Le sous-lieutenant Kiffin Rockwell, qui fut tué le 23 septembre 1916 en Alsace offrit ses services à la France auprès du Consul général de la Nouvelle-Orléans, en Louisiane, le 3 août 1914. Il partit pour la France quelques jours plus tard et s'engagea dans la Légion à Paris le 27 août. Après quatre semaines de classes il partit au front. L'automne et l'hiver de 1914-15, il les passa dans les tranchées, près de Craonne, avec le deuxième régiment étranger. Il entra par mutation au second régiment de marche du premier étranger en mars 1915 et vécut plusieurs semaines dans les tranchées du front de la montagne de Reims. Puis le régiment fut désigné pour le nord de l'Artois. A l'assaut de La Targette, le 9 mai, Kiffin reçut une balle dans la cuisse alors qu'il avait pénétré avec son régiment à cinq kilomètres à l'intérieur du territoire ennemi. Il séjourna trois mois à l'hôpital à Rennes et passa ensuite un mois avec la Légion à La Valbonne avant d'entrer à l'école d'aviation d'Avord en septembre 1915. Le premier pilote de l'escadrille américaine tué depuis que les Etats-Unis se sont mis du côté des alliés, le sergent Edmond Charles Clinton Genet, s'engagea dans la Légion en janvier 1915 et fut envoyé quelques semaines plus tard sur le front dans le régiment de Chapman. Il prit part en septembre-octobre 1915 à l'offensive de Champagne et quand son bataillon attaqua les Allemands dans le Bois Sabot, le 28 septembre, il fut étourdi et projeté dans un trou de marmite par l'explosion d'un obus. Reprenant ses sens plus tard, le petit Genet repartit à l'assaut, dans les rangs d'un régiment de zouaves qui avançait en soutien de la Légion. Il fut trois jours avant de pouvoir rejoindre ses camarades et on l'avait annoncé comme tué aux Etats-Unis. Genet resta au front avec la Légion jusqu'en juin 1916, puis il passa dans l'aviation. Le sergent H. Lincoln Chatkoff, un autre ancien légionnaire devenu pilote, qui s'était engagé en août 1914 est maintenant à l'hôpital, grièvement blessé dans un accident d'aéroplane sur le terrain de l'escadrille La Fayette le 15 juin. Chatkoff avait emmené le conducteur d'une ambulance de la Croix-Rouge faire un tour sur son Caudron. A cinquante mètres il ne fut plus maître de son appareil qui piqua à la verticale jusqu'au sol. Le conducteur de la Croix-Rouge fut tué sur le coup et Chatkoff eut une fracture du crâne, une cuisse et un bras brisés et des lésions internes. A la Légion Chatkoff était un caractère. Il n'était pas seulement réputé pour son courage mais aussi pour ses qualités extraordinaires de comédien. Quand on demanda en septembre 1914 parmi les volontaires quels étaient ceux qui avaient déjà vu le feu pour les envoyer au front, Chatkoff se présenta. Interrogé au sujet de l'armée dans laquelle il avait déjà servi il répondit qu'il avait passé cinq ans comme soldat à l'Armée du Salut. Le sergent légionnaire qui interrogeait Chatkoff ne savait pas ce qu'était l'Armée du Salut et l'envoya au front. Chatkoff, une autre fois, refusa de se faire couper les cheveux, déclarant qu'il était Indien Peau-Rouge et Américain et que sa religion exigeait qu'il portât les cheveux longs afin de permettre à son vainqueur de le scalper au cas où il serait tué. Chatkoff passa dans l'aviation en juin 1916 en même temps que notre pauvre Genet. Le sergent James J. Bach, qui quitta la Légion en décembre 1914 pour devenir aviateur est le seul pilote américain que l'on sache prisonnier en Allemagne. Bach fut capturé par les Boches au cours de l'été 1915 dans les circonstances les plus dramatiques. Un aviateur français et lui, chacun sur un biplace. étaient chargés d'une mission très particulière et périlleuse loin à l'intérieur des lignes allemandes. Les deux pilotes quittèrent leur champ d'aviation ensemble, mais au bout d'un instant ils se perdirent de vue dans les nuages. Chacun volait seul et Bach pouvait tort bien traverser les lignes et accomplir avec succès sa mission sauf incident malencontreux. En revenant dans nos lignes, alors qu'il se trouvait encore assez loin en territoire allemand, il remarqua que quelque chose brûlait sur le sol. Pour une raison ou une autre ce feu qui flambait attirra son attention et il descendit plus bas pour savoir exactement de quoi il retournait. En arrivant à trois cents mètres d'altitude il découvrit que c'était un avion en flammes. A côté de l'appareil, un pilote en uniforme français et à quelque distance, s'avançant rapidement, une patrouille de soldats allemands. Que devait-il faire? Voler tranquillement jusqu'au camp et abandonner son camarade d'aviation à son sort, ou bien descendre, essayer de le cueillir et de repartir avec lui sain et sauf dans les lignes françaises? Bach n'hésita pas longtemps. Il atterrit, mais, hélas, avant qu'il put décoller avec son camarade à bord les Allemands étaient déjà sur eux et les faisaient tous deux prisonniers. Bach accusé d'être un espion et un franc-tireur américain passa deux fois en conseil de de guerre, mais grâce au concours d'un habile avocat appelé de Berlin il fut acquitté. Le pilote français que Bach avait tenté de sauver raconta l'histoire dans une lettre adressée en France et je me suis laissé dire qu'à la fin de la guerre l'Américain recevrait la Médaille Militaire, si toutefois il peut survivre à l'enfer d'un camp de prisonniers chez les Huns. Le lieutenant William Thaw, l'un des pilotes les plus connus actuellement de l'escadrille américaine, s'engagea à la Légion en août 1914 et sait bien ce qu'est la vie de tranchées. Il quitta la Légion en décembre 1914 en compagnie de Bert Hall qui, après être resté comme pilote un certain temps à l'escadrille La Fayette, est rentré aux Etats-Unis. Les sergents Robert Soubiran et William E. Dugan, qui sont maintenant à l'escadrille La Fayette au front, ont servi tous deux pendant plus d'un an à la Légion. Soubiran fut blessé à la bataille de Champagne, en octobre 1915, et Dugan fut blessé à son tour en mai 1916 en combattant à Verdun comme fantassin. Dugan gagna la Croix de Guerre à l'affaire du Bois de Caillette. Marius Rocle, qui fit son apprentissage de pilote, mais fut envoyé au front comme observateur-mitrailleur, était le plus jeune des volontaires américains dans le régiment de la Légion de Chapman. Il reçut la Croix de Guerre en 1915 en Champagne. Il passa dans l'aviation après avoir été blessé. Le sergent Paul Pavelka, de l'escadrille N. 391, le seul aviateur américain à l'heure actuelle qui soit allé dans les rangs français à l'armée d'Orient, est l'un des deux survivants de la fameuse section américaine du second régiment de marche du Ier étranger. Il vint en France en octobre 1914 avec l'«Armée de Counani», obtint sa libération de ce corps et entra dans la Légion. Quand la Légion monta à l'assaut au nord d'Arras, le 9 mai 1915, ce fut Pavelka qui pansa la blessure à la cuisse de Kiffin Rockwell. Cinq semaines plus tard, le 16 juin, quand la Légion marcha contre les ouvrages allemands qui entouraient Givenchy, Pavelka fut atteint à la jambe d'un coup de baïonnette porté par un Bavarois. Le Boche jeta ensuite son fusil en criant: «Kamarade! Kamarade!» Pavelka, dont le sang coulait à flots, répondit: «Pas de Kamarades aujourd'hui» et lui fit sauter la cervelle. La blessure de Pavelka se guérit à temps pour lui permettre de retourner à la Légion participer à toute l'offensive de Champagne, de septembre-octobre 1915. Il vint me voir en permission peu après la bataille, avec un uniforme littéralement criblé de trous de balles. Nous enlevâmes bon nombre de parcelles de shrapnells et d'éclats d'obus du drap de sa capote. Il partit dans l'aviation en décembre 1915 et après un entraînement à Pau et à Cazeaux rejoignit l'escadrille La Fayette au front de Verdun en juillet 1916. Peu après son arrivée, son avion prit feu alors qu'il volait au-dessus de Verdun, et il s'en fallut de peu qu'il ne soit brûlé vif. Par bonheur il put atterrir dans un marais près de la ville mais il assure qu'il n'oubliera jamais les impressions qu'il éprouva dans son appareil en flammes. En décembre Pavelka demanda à faire partie des escadrilles de l'armée d'Orient, et la dernière lettre que j'ai reçue de lui m'informait qu'il volait au-dessus de la Serbie. Quatre anciens légionnaires américains se trouvent à l'heure actuelle dans les écoles d'aviation et chacun d'eux mérite d'être cité. Le sergent Edgar J. Bouligny, qui est à l'école d'Etampes, est venu de la Nouvelle-Orléans et entra à la Légion en août 1914. Il est Français d'origine. L'un de ses grands-oncles, Dominique Bouligny, commandait un régiment français en Louisiane, et, quand Napoléon céda ce territoire aux Etats-Unis, il devint citoyen américain et plus tard sénateur au congrès [national. Edgar Bouligny gagna la Croix de Guerre et les galons de sergent comme légionnaire. Il fut blessé quatre fois, la première fois par l'explosion d'un obus, puis par un coup de couteau au cours d'une rencontre avec une patrouille des Huns. En Champagne, en 1915, il fut blessé à l'aine par une balle de mitrailleuse et en janvier dernier il faillit perdre la jambe à la suite d'une blessure dûe à l'éclatement d'une grenade boche. Il est dans une école d'aviation depuis quelques semaines seulement. A Avord se trouvent John Charton, Charles Trinkard et Laurence Scanlan, qui tous ont passé de longs mois à la Légion où ils ont été blessés. Charton faillit être tué par une mitrailleuse à Belloy-en-Santerre le 4 juillet 1916 et resta pendant plusieurs mois à l'hôpital. Quand il fut rétabli il retourna au front dans un régiment de zouaves qu'il vient de quitter pour apprendre à piloter à Avord. Trinkard endossa l'uniforme français en août 1914. Il fut grièvement blessé à l'assaut du Bois Sabot, le 28 septembre 1915 et après sa guérison combattit pendant longtemps dans la Somme. Il vient d'être breveté à Avord. Scanlan est l'un des héros les plus modestes de cette guerre. Il m'en voudra de parler de lui en ces termes, mais je tiens à dire ce que je pense de lui. A la fin de 1914 il vint en France avec son ami intime, Russell Kelly. Ils s'engagèrent ensemble à la Légion et furent versés au Ier régiment. A leur arrivée au front ils furent incorporés dans la section américaine de ce régiment et passèrent un certain temps dans les tranchées de Champagne. Les deux camarades sortirent indemnes de l'attaque au nord d'Arras, le 9 mai, mais le 16 juin à Givenchy, Kelly fut tué. Scanlan fut blessé à la cuisse par une balle allemande et eut l'os terriblement fracassé. Il resta étendu sur le champ de bataille sans pouvoir faire un mouvement, sans nourriture ni boisson pendant cinquante-six heures avant d'être recueilli par les brancardiers transporté à l'arrière et envoyé dans un hôpital. Scanlan resta à l'hôpital près de dix-neuf mois. On dut l'opérer nombre de fois et il souffrit comme un damné. Enfin il se rétablit mais sa jambe droite avait raccourci de près de cinq centimètres et il ne marchait qu'avec beaucoup de difficultés et non sans douleur. Le 26 janvier 1917 Scanlan fut réformé n° I, avec pension, au dépôt de la Légion à Lyon. Le lendemain matin vers dix heures il était chez moi, à Paris. «Je ne puis plus servir à la Légion désormais, me dit-il; je vais m'engager dans l'aviation. Je n'aime pas les Allemands». Le sergent Mac Connell, mort depuis, se trouvait à Paris pour quelques jours. L'après-midi même nous allâmes avec Scanlan voir le docteur Edmond Gros, l'examinateur au point de vue médical des candidats américains demandant à entrer dans l'aviation. Le docteur Gros examina Scanlan et trouva qu'à part l'usage de sa jambe le jeune physiques. Le gaillard était solide comme l'acier et son désir de devenir aviateur était tellement indéniable qu'il fut accepté. Je l'ai vu à Avord il y a quelques jours ; ses progrès sont rapides. J'ai remarqué aussi qu'il ne portait pas la Croix de Guerre qu'il a gagnée et nombre des camarades d'école avec lesquels il s'entraînait depuis des semaines furent surpris lorsque je leur dis que Scanlan avait combattu pendant de longs mois à la Légion et y avait été grièvement blessé. |
![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() De la Légion Etrangère au Flying Corps Lafayette, Edgar BOULIGNY, un américain au service de la France. |
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PAR LE SERGENT MAC CONNELL Extrait
de Soldats de l'air pour la France
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Sous les
toiles d'un vaste hangar des mécaniciens sont au travail
sur un moteur d'aéroplane. Au dehors, au bord du champ
d'aviation d'autres flânent en attendant que leur colis
aérien rentre des nues. Près du hangar une tente gréée en
hutte, devant laquelle plusieurs biplans à ailes courtes
sont en ligne. A l'intérieur trois ou quatre jeunes gens
se prélassent dans des fauteuils d'osier. Ils portent l'uniforme des aviateurs français. Ces uniformes et les mitrailleuses menaçantes fixées sur le plan supérieur du petit aéroplane sont les ![]() Soudain on entend dans le lointain le bourdonnement d'un moteur. L'un des pilotes apparaît hors de la tente et regarde fixement, dans le ciel bleu. Il désigne, et chacun aperçoit un point noir parmi le bleu, très haut au-dessus des têtes. Le bruit du moteur cesse et le point se fait plus gros. Il approche de la terre en descentes à pic et en spirales et lorsqu'il est plus près il prend la forme d'un aéroplane. Maintenant chacun peut discerner les cercles rouges, blancs et bleus des cocardes sous les ailes qui distinguent les avions de guerre français, et aussi les emblèmes personnels du pilote sur les flancs du fuselage. - Ton patron arrive! crie un mécanicien à un camarade. L'appareil plonge à pic jusqu'au-dessus des hangars puis se redresse en arrivant au sol à une vitesse vertigineuse, file à quelques pieds au-dessus de terre, et enfin perdant son élan en un délai étonnamment court, touche l'herbe de la queue et des roues. Il glisse pendant assez longtemps, puis, son moteur ronronne a nouveau, il roule, vire, se dirige vers son hangar et s'arrête enfin. Une forme humaine, gainée d'une sorte de carapace qui a tout l'aspect d'un équipement de scaphandrier, le chef revêtu de lunettes et d'un casque de cuir se dresse sans hâte dans la carlingue, enjambe maladroitement par-dessus bord et se laisse glisser maladroitement encore jusqu'à la terre ferme. Un groupe de fantassins, au repos pour quelques jours à l'arrière des tranchées dans un cantonnement près du champ s'éparpillent de l'avant et se groupent timidement autour de l'aéroplane, attendant bouche bée ce que le pilote va raconter. -Zut! maugrée celui-ci, tandis qu'il se met en devoir de quitter sa tenue de vol. -Quelque chose n'a pas marché? lui demande l'un de ses camarades de tente. -Tout, ou bien je perds mon nom, lui répond une voix indignée, tandis qu'une jambe essaie de se dégager d'une fourrure d'ours. Quoi! Je vide ce matin mon chargeur sur un Boche, en pleine mouche, à moins de quinze mètres. Sa mitrailleuse cesse de tirer, son hélice ne tourne plus, et malgré cela le bougre d'animal reste là-haut comme s'il était coincé dans les nuages. Je te dis: j'étais si sûr de l'avoir que je me suis retenu pour ne pas aller sur lui lui crier: «Eh bien, tombe! Quoi! Qu'est-ce que tu attends!» Les yeux des poilus s'écarquillaient de surprise. De tout ce dialogue, débité dans le plus pur américain, il n'y avait pas un mot qu'ils pussent comprendre. Eh quoi, se demandèrent-ils, voilà des aviateurs, sous l'uniforme francs, qui s'expriment en langue étrangère! Finalement l'un d'eux, un petit gars dont l'uniforme bleu-horizon était depuis longtemps déteint par la boue de la ligne de feu s'enquit à voix basse auprès d'un mécanicien de l'identité de ces oiseaux étrangers. - Mais ce sont les Américains, mon vieux, lui répondit l'autre avec une condescendance visible. S'étonnant de plus belle les fantassins demandent de plus amples détails. Ils apprennent qu'ils viennent d'assister à la rentrée de l'escadrille américaine -composée d'Américains qui se sont engagés comme aviateurs dans l'armée française pour la durée de la guerre- à son champ d'aviation auprès de Bar-le-Duc, à quarante kilomètres au sud de Verdun et qu'elle revient de survoler la bataille sur les rives de la Meuse. Ils ont à peine eu le temps de se faire à cette révélation que d'autres points apparaissent dans le ciel qui, un à un, se transforment en aéroplanes à mesure qu'ils descendent des nues. Finalement les six appareils qui sont partis sont de retour et l'escadrille américaine a à son actif une expédition de plus au-dessus des lignes allemandes. ![]() Le personnel
de l'escadrille.
Comme toutes les institutions qui se
respectent l'escadrille américaine, dont j'ai l'honneur
d'être l'un des membres, a grandi peu à peu. Au début de
la guerre il est douteux qu'il y ait eu quelqu'un pour
envisager la possibilité pour un Américain d'entrer
dans l'aviation française. Et cependant, vers la fin de
1915, un peu plus d'un an après, il y avait six
Américains, vaillants pilotes, en escadrille, et
maintenant au cours de l'été 1916, notre goupe comprend
plus de quinze me mbres, tandis qu'un nombre d'élèves deux
fois plus élevé s'entraîne dans les écoles militaires
d'aviation. ![]() Le précurseur, parmi tous, fut William Thaw, de Pittsburg, qui est à l'heure actuelle le seul Américain ayant sa commission d'officier dans l'aviation française. Le lieutenant Thaw, aviateur de grande réputation en Amérique avant la guerre, s'était engagé dans la Légion Etrangère en août 1914. Avec de vives difficultés il réussit à passer dans l'aviation au début de 1915, et à l'automne de la même année il pilotait un biplan Caudron sur le front et faisait un excellent travail de reconnaissances. A la même époque les sergents Norman Prince, de Boston, et Elliot Cowlin, de New-York, qui furent les premiers à entrer dans l'aviation dès leur arrivée des Etats-Unis, se trouvaient aux armées comme pilotes de Voisin-canon. Le sergent Bert Hall, qui avait réussi à quitter la Légion pour l'aviation peu après Thaw, était sur avion de chasse Nieuport et un peu plus tard faisait ![]() Parmi les autres membres de l'escadrille américaine Raoul Lufbery, citoyen et soldat américain, mais globe-trotter également, fut l'un des premiers à porter les ailes d'aviateur français. Des exhibitions en Extrême-Orient avec le pilote Marc Pourpe l'avaient préparé admirablement à lancer patiemment des bombes sur les cantonnements allemands en pilotant son premier appareil, un Voisin peu rapide. Aussitôt après Lufbery arrivèrent deux nouveaux gradés de la Légion Etrangère -Kiffin Rockwell, de Ascheville, Caroline du Nord, qui avait été blessé à Carency et Victor Chapman, de New-York, qui après guérison de ses blessures était devenu bombardier en avion et avait pris ainsi la vocation de devenir pilote. Vers cette époque Paul Pavelka, né à Madison, dans le Connecticut, et qui depuis l'âge de quinze ans avait navigué sur les sept mers, se débrouillait pour quitter la Légion Etrangère et rejoindre à l'école d'aviation de P... les autres Américains. Il semble y avoir dans l'aviation une sorte de fascination, et spécialement quand il s'y joint l'attrait du combat. Peut-être cela vient-il de ce que le jeu est nouveau, mais plus vraisemblablement de ce qu'en somme personne ne sait rien de l'aviation. Quel qu'en soit le motif, les jeunes Américains épris d'aventures furent de plus en plus nombreux à être attirés par le métier d'oiseau. Un grand nombre, toutefois, ne subirent jamais la fascination au delà de l'intention, manifestée en paroles, de se joindre à leurs camarades. Parmi les amis en service aux ambulances américaines de campagne l'engouement fut général, mais il y eut peu d'appelés à l'aviation jusqu'au jour, au milieu de l'été 1915, où le ministre de la guerre, estimant que les premiers pilotes américains avaient fait d'excellente besogne, se montra plus enclin à donner suite aux demandes nouvelles. Chouteau Johnson, de New-York, Lawrence Rumsey, de Buffalo, Dudley Hill, de Peekskill, état de New-York, et Clyde Balsley, de San Antonio, dans le ![]() Un service spécial avait été créé pour l'examen des demandes des Américains, la mienne fut accueillie favorablement en l'espace de quelques jours. Il m'en fallut quatre autres pour passer dans les différents bureaux, apposer ma signature sur une centaine de pièces et passer l'examen physique. Puis je fus envoyé au dépôt de D... et revêtu d'un uniforme et de mon équipement. Ma destination suivante fut l'école de P... où l'on m'apprit à voler. Mon allégresse en y arrivant n'était inférieure qu'à mon contentement d'être un soldat français. C'était un avancement énorme, pensais-je, sur l'ambulance américaine. Les entretiens sur l'intention de former une unité d'aviation américaine prirent corps pendant que j'étais à Pau. On se disait qu'avec les pilotes déjà brevetés et les élèves qui se trouvaient dans les écoles d'aviation il y avait largement le nombre de nos compatriotes nécessaire pour piloter la douzaine d'aéroplanes que compte une escadrille. Chaque jour il y avait quelqu'un pour affirmer «de toute certitude» que nous allions être appelés à former une unité sur le front et chaque jour aussi il était dit que le fait était controuvé. Mais finalement, au mois de février, notre rêve devint une réalité. Nous apprîmes qu'un capitaine avait été désigné pour commander une escadrille américaine et que les pilotes américains qui se trouvaient au front allaient être rappelés et placés sous ses ordres. Peu après, nous eûmes un nouveau tressaillement de joie. Thaw, Prince, Coudin et les autres vétérans allaient s'entraîner sur Nieuport! Cela voulait dire que l'escadrille américaine serait sur Nieuport -le meilleur type d'avion de chasse- et par conséquent qu'elle serait une escadrille de combat. Il est nécessaire d'expliquer ici par parenthèse que l'aviation militaire française, dans l'ensemble, est divisée en trois groupes, les avions de chasse ou aéroplanes de poursuite qui ont pour objet de descendre l'ennemi; les avions de bombardement monstres, volumineux et pesants utilisés pour jeter des bombes au cours des raids; les avions de réglage, oiseaux peu maniables destinés à régler le tir, à prendre des photos et à faire des reconnaissances. ![]() ![]() Avant que l'escadrille américaine fut constituée, Thaw et Cowdin, qui pilotaient le Nieuport, se débrouillèrent pour être envoyés sur le front de Verdun. Pendant leur séjour, Cowdin y descendit, officiellement, un avion allemand et fut proposé pour la Médaille Militaire. Lorsqu'il a terminé son entraînement passé son brevet de pilote militaire et fait un stage à l'école de perfectionnement du type d'appareil qu'il doit monter sur le front, l'aviateur est dirigé sur la Réserve Générale, près de Paris pour y attendre son affectation. Kiffin Rockwell et Victor Chapman y étaient restés pendant des mois; j'y arrivais à peine que, le 16 avril, des ordres vinrent d'envoyer les Américains rejoindre leur escadrille à Luxeuil, dans les Vosges. Notre note fut fébrile! Jamais les équipements de vol, les combinaisons fourrées ne sortirent du magasin, les valises ne furent bouclées, les services de l'administration avec tous leurs bureaux mis en branle avec une telle précipitation, une telle impétuosité. En quelques heures nous arrivions à monter dans le train, essoufflés mais heureux. Notre équipe se composait du sergent Prince, de Rockwell, Chapman et moi qui étions seulement caporaux à cette époque. Nous fûmes rejoints à L..... par le lieutenant Thaw et les sergents Hall et Cowdin. Pour les vétérans notre arrivée au front était dénuée d'imprévu, mais pour les trois néophytes, Rockwell, Chapman et moi, c'était le commencement d'une nouvelle existence, l'entrée dans un monde inconnu. Cependant Rockwell et Chapman avaient vu bien des choses de la guerre à terre, mais la guerre aérienne était une nouveauté pour eux comme pour moi. Pour nous tous elle offrait des occasions sans nombre d'initiative et de résultats au bénéfice de la France, et pour nous tous, aussi, elle constituait la résurrection de notre personnalité., disparue pendant les mois dans la tranchée avec la Légion Etrangère. Rockwell résuma tout cela de façon caractéristique: — Parfait, nous avons pris le départ, nous sommes en course, remarqua-t-il. ![]() La vie de pilote
au front.
Il y a un changement considérable dans la vie du pilote dès qu'il arrive au front. Pendant la période d'entraînement il est soumis à des règlements et à une discipline aussi stricts qu'à la caserne, mais une fois appelé à faire son devoir sur la ligne de feu on le traite sur le même pied qu'un officier, quel que soit son grade. Sauf quand il est de garde son temps est à lui. Il n'y a ni appels, ni contraintes militaires diverses et au lieu de la paillasse sur laquelle il dormait étant élève-pilote, il a un vrai lit, dans une chambre qui lui est personnelle, et les services d'un ordonnance. De même, les hommes du grade le plus élevé qui se trouvent en relations avec l'escadrille le traitent avec respect. Ses deux mécaniciens sont sous ses ordres. En notre qualité de volontaires, nous, Américains, sommes entourés par le gouvernement français, toujours généreux, d'une plus grande considération et il veille à ce que nous soyons en toutes choses traités du mieux possible. A notre arrivée à L..... nous trouvâmes à notre rencontre le capitaine Thénault, l'officier français qui commande l'escadrille américaine - officiellement désignée sous le numéro..... — et fûmes emmenés au champ d'aviation dans l'une des voitures légères qui nous étaient affectées. Je goûtai fort ce mode de locomotion. Adossé aux cuirs capitonnés de la voiture je me rappelais le jours de mon apprentissage à Pau, alors qu'il me fallait faire six kilomètres à pied pour aller chez la blanchisseuse. L'équipement qui nous attendait au champ était encore plus impressionnant que notre automobile. Tout était flambant neuf, depuis les quinze tracteurs Fiat jusqu'au magasin, aux bureaux, aux baraquements. Et les hommes affectés à l'escadrille! A première vue on eut dit l'armée du Nicaragua — mécaniciens chauffeurs, armuriers, motocyclistes, téléphonistes, opérateurs de télégraphie sans fil, brancardiers, secrétaires! Plus tard j'appris qu'ils étaient environ soixante-dix et tous très contents de faire partie de l'escadrille américaine. Dans leurs hangars se trouvaient nos coquets petits Nieuport. Je contemplai le mien avec une conscience nouvelle de mon importance et je donnai des ordres à mes mécaniciens pour la simple satisfaction de me confirmer que je pouvais le faire. Se trouver être l'unique propriétaire d'un avion de combat est un vrai plaisir, je vous l'assure. On s'y accoutume par la suite, quand on en a usé deux ou trois — aux frais du gouvernement français. Des chambres nous étaient assignées dans une villa voisine des fameux bains d'eaux chaudes de L..... où les cohortes de César aimaient prendre leur repos. Nous faisions popote avec nos officiers, le capitaine Thenault et le lieutenant de Laage de Meux au meilleur hôtel de la ville. Une automobile y était à demeure pour nous transporter au champ. Je commençais à me demander si je n'étais pas en villégiature d'été plutôt que soldat. Parmi les pilotes qui nous avaient reçus à bras ouverts se trouvait le fameux capitaine Happe, commandant du groupe de bombardement de L.... Le vaillant bombardier, dont la tête a été mise à prix par les Allemands, était à son poste de commandement. Quand, nous fûmes introduits il nous désigna huit petites boîtes rangées sur sa table. — Voici les croix de guerre destinées aux familles des hommes que j'ai perdus dans ma dernière expédition, expliqua-t-il, et il ajouta: «C'est une bonne chose que vous soyiez ici pour nous protéger. Il y a des tas de Boches dans ce secteur.» Je pensai au luxe dont nous jouissons; le confort de nos lits, les bains, les automobiles et je me rappelai l'ancienne coutume d'accorder à l'homme choisi pour le sacrifice tout le bonheur possible avant le jour fixé pour l'immolation. Pour nous familiariser avec les quelques endroits où il était possible d'atterrir sans risques, on nous fit parcourir en auto les Vosges et l'Alsace. ![]() Ce fut une occasion délicieuse de visiter ce glorieux pays et nous l'appréciâmes d'autant plus que nous savions que tout son charme serait perdu quand nous le survolerions de là-haut. Du ciel la surface terrestre perd tout son pittoresque. La beauté ravissante du val d'Ajol, avec sa montagne escarpée hérissée d'une masse dense de pins géants, les milliers de cascades descendant les pentes par de féériques avenues de verdure, le mugissement du torrent dans la vallée, toute cette splendeur vue d'un aéroplane à 4.000 mètres n'apparaît plus que comme une surface unie, toute verte, avec de minuscules rubans d'argent. L'escadrille américaine avait été envoyée en premier lieu à L.... pour acquérir l'homogénéité nécessaire à une unité aérienne. De plus il fallait aussi que les jeunes pilotes s'accoutument aux batteries anti-aériennes et se familiarisent avec le rôle de l'aviation au-dessus du champ de bataille. Ils tiraient bien, les canons spéciaux, dans ce secteur. L'appareil de Thaw fut touché à l'altitude de 4.600 mètres. Le souvenir de la première sortie d'ensemble que fit l'escadrille restera toujours vivant dans mon esprit car ce fut en même temps ma première excursion au-dessus des lignes. ![]() ![]() Au sud je vis surgir les Alpes. Leurs pics étincelants émergeant de la mer de nuages m'apparaissaient comme de majestueux icebergs. Aucun appareil en vue, nulle part, et je devenais très incertain sur ma position. Mon splendide isolement était devenu accablant lorsque, un par un, les autres commencèrent à surgir de la plaine de nuages et je me trouvai à nouveau dans le groupe. Nous arrivions au-dessus de Belfort et mettions le cap sur les tranchées. Les bancs de nuages laissés en arrière, nous vîmes en dessous de nous la riante plaine d'Alsace s'étendant à l'est jusqu'au Rhin. Il était singulièrement agréable de survoler ce pays conquis. En poursuivant ma course le long du canal qui se dirige vers le Rhin, d'une hauteur de plus de quatre mille mètres, au-dessus de Dannemarie, j'aperçus sur le sol des séries de traces brunes, comme celles des vers de bois: c'étaient les tranchées. ![]() Nous tournâmes au Nord après avoir traversé les lignes. Mulhouse semblait juste en dessous de nous et je remarquai avec une vive satisfaction notre avance très sensible en territoire allemand. Le Rhin, aussi, semblait délicieusement accessible. Tandis que nous avancions vers le Nord je distinguai les deux lacs de Gérardmer brillant dans leur écrin d'émeraude. A l'endroit où les, lignes traversaient l'Hartmannswillerkopf il y avait de petites éruptions de fumée brune, les éclatements des obus dans les tranchées. On pouvait, non sans difficulté. reconnaître la veille ville de Thann au milieu des nombreux villages environnants, tellement l'entrée de la vallée semblait exigue. Je n'avais jamais volé à plus de 2.500 mètres jusqu'ici et je n'avais pas l'habitude d'étudier une région d'une aussi grande altitude. Il faisait en outre un froid terrible et malgré ma combinaison doublée de fourrure je grelottais. Je remarquai aussi qu'il me fallait faire des aspirations longues et profondes pour respirer dans cet air raféfié. En regardant au, dessous de moi sous un certain angle je vis ce que tout d'abord je pris pour un étang tout rond, faiblement éclairé. C'était simplement l'effet du lever du soleil sur le brouillard gelé. Nous n'avions cessé d'avoir l'oeil aux avions allemands depuis que nous avions passé les lignes, mais ils ne se montrèrent pas. Il n'y avait rien d'étonnant à cela, car nous étions trop nombreux. Quatre jours plus tard, cependant, Rockwell descendit le premier avion abattu par l'escadrille. C'était son premier combat. Il volait seul, au-dessus de Thann, quand il tomba sur un appareil allemand de reconnaissance. Il plongea; l'appareil fit demi-tour vers ses lignes, ouvrant le feu à grande distance. Rockwell alla droit sur lui. Arrivé tout près, à trente mètres, il pressa sur la gachette de sa mitrailleuse et vit le mitrailleur allemand tomber à la renverse tandis que le pilote s'effondrait de côté sur son siège. Le biplan s'abattit et s'écrasa au sol juste derrière les tranchées boches. Le suivant presque jusqu'à terre Rockwell vit les débris prendre feu dans une grande flamme. Il avait gagné la partie en tirant juste quatre coups, et une seule balle allemande avait atteint son Nieuport. Un poste d'observation nous téléphona la nouvelle avant le retour de Rockwell auquel nous fîmes une ovation. Tout Luxeuil lui faisait fête, et surtout les jeunes filles, mais il n'eut pas le temps de jouir de sa popularité; l'escadrille reçut l'ordre de partir pour le secteur de Verdun. Tandis que, dans un sens, nous étions ennuyés de quitter Luxeuil, d'autre part nous n'avions pas regret d'avoir à jouer notre rôle dans les opérations aériennes de la plus formidable bataille du monde. La nuit qui précéda notre départ quelques appareils allemands détruisirent quatre de nos tracteurs et nous tuèrent six hommes avec leurs bombes, mais cela nous causa moins d'émotion que le fait d'aller à Verdun. Nous nous vengerons sur les Boches là-bas, pensions-nous, d'autant qu'il n'est pas possible de faire la chasse aux aéroplanes de nuit, ce qui avait permis à nos visiteurs de repartir sans être inquiétés. Aussitôt que les pilotes furent partis en appareil, les camions et tracteurs partirent en convoi, transportant les hommes et l'équipement. Les Nieuport nous transportèrent à notre nouveau poste de combat en un peu moins d'une heure. Nous les abritâmes dans les hangars et allâmes jeter un coup d'œil sur nos cantonnements. Une villa confortable, à mi-chemin entre la ville de Bar-le-Duc et le champ d'aviation nous avait été réservée et notre bien-être était aussi grand qu'à Luxeuil. Notre travail vraiment sérieux était commencé, cependant, et nous le savions. Même à la distance où Bar-le-Duc se trouve de la bataille on avait l'impression d'être à proximité d'une vaste opération militaire. Les convois sans fin de camions automobiles, les torrents de troupes se succèdant en hâte et le nombre inquiétant des ambulances imposaient la notion de la proximité d'une bataille gigantesque. Dans un rayon de quarante kilomètres du front de Verdun les camps d'aviation étaient nombreux. Notre escadrille était enrôlée dans le plan d'action ![]() Lufbery nous rejoignit quelques jours après notre arrivée. Il fut bientôt suivi de Johnson et Balsley qui faisaient auparavant partie du service de garde sur Paris. Hill et Rumsey vinrent ensuite, et après eux Masson et Pavelka. Des Nieuport leurs furent livrés par le parc le plus proche et dès qu'ils eurent essayé leur appareil et fait le réglage de leur mitrailleuse ils participèrent à la tâche commune. Quinze Américains ont passé ou sont encore en service à l'escadrille américaine qui n'a toutefois jamais eu un effectif disponible atteignant ce chiffre. Avant que nous fussions complètement installés à Bar-le-Duc, Hall descendit un avion de reconnaissance allemand et Thaw un Fokker. Des combats se présentaient presque à chaque sortie. Les Allemands pénétraient rarement à l'intérieur de nos lignes, sauf pour venir bombarder, ce qui fait qu'en réalité tous les actes de guerre se passaient sur leur territoire. Thaw descendit son Fokker un matin, et dans l'après-midi du même jour il y eut un combat important fort au delà des tranchées allemandes. Thaw y fut blessé au bras et une balle explosible, frappant le pare-brise de Rockwell, lui fit maintes entailles à la face. Malgré le sang qui l'aveuglait Rockwell parvint à regagner un champ d'aviation et à atterrir. Thaw, dont le sang coulait abondamment, atterrit en piteuse condition dans nos lignes. Il était trop faible pour faire un pas et les soldats français durent le porter au poste de secours le plus voisin d'où on l'envoya en traitement à Paris. Les blessures de Rockwell étaient moins sérieuses et il insista pour Reprendre l'air dans le plus bref délai. ![]() L'escadrille eut un autre engagement sérieux avec l'ennemi quelques jours plus tard. Rockwell, Balsley, Prince et le capitaine Thenault furent encerclés par un grand nombre d'avions allemands qui, tournant autour d'eux, ouvrirent le feu à longue portée. Constatant leur infériorité numérique, les Américains et leur chef cherchèrent leur salut en attaquant les avions ennemis les plus proches des lignes françaises. Rockwell, Prince et le capitaine réussirent à forcer le cercle mais Balsley se trouva enfermé. Il attaqua l'avion allemand le plus voisin juste pour recevoir une balle explosive dans la cuisse. En essayant d'échapper par une descente à la verticale, son avion se mit en vrille, puis sur le dos. Ses bandes de rechange pour sa mitrailleuse, échappées de leur casier, lui tombèrent sur les bras. Il dégringolait droit sur les tranchées lorsque d'un suprême effort il reprit connaissance, rétablit son appareil et atterrit sans encombre dans une prairie juste derrière la ligne de feu. Des soldats le transportèrent dans l'abri d'un fort voisin et plus tard on l'emmena dans un hôpital ce campagne où il resta pendant de longs jours entre la vie et la mort. On dut lui extraire de la poitrine une dizaine d'éclats de la balle explosive. Il supporta tout avec courage et devint le favori des officiers blessés au milieu desquels il était soigné. Quand nous allions en avion pour le voir ils nous disaient: «C'est un brave petit gars. l'aviateur américain». Sur une étagère près de son lit, enveloppés dans un mouchoir, il conservait les fragments de la balle qui l'avait blessé, et aussi quelques feuilles de papier où il essayait d'écrire à sa mère, là-bas, à El-Paso (Texas). Balsley reçut la Médaille Militaire et la Croix de Guerre, mais les honneurs l'effrayaient. Il avait tant vu d'officiers être décorés à l'hôpital, lorsqu'ils allaient mourir. ![]() Le dernier
combat de Chapman.
Il y eut un combat aérien contre l'ennemi, loin à l'intérieur des lignes allemandes, et Chapman pour écarter leur feu de ses camarades s'attaqua à plusieurs appareils à la fois. Il en envoya un s'écraser au sol et avait forcé les autres à s'enfuir lorsque deux nouveaux venus piquèrent sur lui. De tels combats sont l'affaire de quelques secondes et personne ne peut voir clairement ce qui se passe. Lufbery et Prince, que Chapman avait défendu avec tant de vaillance, regagnèrent les lignes françaises. Ils nous parlèrent du combat et nous attendîmes sur le champ le retour de Chapman. Il rentrait toujours le dernier, aussi n'étions-nous pas inquiets lorsqu'un pilote d'une autre escadrille de combat téléphona qu'il avait assisté à la chute d'un Nieuport. Un peu plus tard l'observateur d'un avion de reconnaissance nous appela à l'appareil et nous dit comment il avait été témoin de la mort de Chapman. Les ailes de l'avion s'étaient repliées et il était tombé comme une pierre. Après cela nous parlions à voix basse et l'on pouvait voir dans nos yeux à tous notre douleur. Si seulement il pouvait s'agir de quelque autre, pensions-nous tous. La mort de Chapman n'était pas une perte irréparable seulement pour nous, mais aussi pour la France et pour le monde. Et je me le représentais étendu parmi les épaves de son appareil et les oranges qu'il emportait à Balsley. Comme je quittais le champ je vis le mécanicien de Victor appuyé contre les montants de notre hangar. Il regardait au Nord, dans le ciel, où son patron avait disparu à notre vue, et sa face disait son désespoir. ![]() Promotions et
décorations.
A cette époque Prince et Hall furent
nommés adjudants. Pour nous, qui étions caporaux, on nous
fit sergents. J'avoue franchement que je ressentis une
satisfaction marquée en recevant ce grade dans la plus
belle armée du monde. J'étais un personnage beaucoup plus
important, à mon propre avis, que si j'avais été
lieutenant en second dans la milice L'événement mémorable
qui suivit fut une remise de décorations. Nous avions assisté à une semblable cérémonie pour Cowdin à Luxeuil, mais cette fois-ci on décorait à la fois trois de nos camarades en récompense des Boches qu'ils avaient descendus. Rockwell et Hall recevaient la Médaille Militaire et la Croix de Guerre et Thaw, comme lieutenant, la Légion d'Honneur et une nouvelle palme au ruban de la Croix de Guerre qu'il avait déjà. Thaw qui vint spécialement de Paris pour la remise des décorations avait encore le bras en écharpe. Il y avait aussi des décorations pour Chapman, mais notre pauvre Victor, qui avait été cité si souvent à l'ordre du jour, n'était plus là pour les recevoir. La sortie du
matin.
Notre routine quotidienne continue avec
peu de variantes. Chaque fois que le temps le permet —
c'est-à-dire quand il ne pleut pas ou que les nuages ne
sont pas trop bas — nous volons au-dessus du champ de
bataille de Verdun aux heures prescrites par le Grand
Quartier Général. En règle générale les sorties les plus
heureuses sont celles du début de la matinée. On nous réveille alors qu'il fait encore noir. A demi endormi j'essaye de réconcilier l'appel de mon ordonnance trançais: «C'est l'heure, Monsieur», qui me fait sortir du lit, avec les paroles et la musique si nettement américaines de: ![]() En route.
Les plaisanteries sont étouffées par le
bruit assourdissant des moteurs que l'on essaie. Le
silence reprend bientôt, que rompt bientôt la série des
détonations saccadées de l'essai de nos mitrailleuses. A
haute voix l'on demande à quelle altitude nous nous
grouperons au-dessus du champ pour l'expédition. — A quinze cents mètres, en route pour les lignes, répond un rugissement. — Essence et gaz ! demandez-vous au mécanicien en actionnant les robinets d'adduction tandis qu'il saisit l'hélice. — Contact ! crie-t-il. Et vous répondez : « Contact ! » Vous mettez le contact, il met l'hélice en marche et le moteur part. Vous roulez droit devant vous, vous mettez le moteur à plein régime, courez sur le champ et quittez le sol. La terre fuit comme en pente lorsque vous prenez de la hauteur, et semble se dérouler de moins en moins vite à mesure que vous montez. A grande altitude vous avez à peine l'impression d'avancer. Un coup d'œil à la montre pour voir depuis combien de temps vous êtes parti, un autre au niveau d'essence, puis à l'altimètre: trois cents mètres ! Vous virez pour repasser au-dessus du champ où vous assistez aux autres départs. En trois minutes vous voici à 1.500 mètres, après avoir décrit de larges cercles pour attendre les autres avions. Vous mettez en ligne de vol pour permettre à vos compagnons d'atteindre votre altitude et bientôt l'escadrille groupée s'en va vers les lignes. Vous prenez à nouveau de la hauteur, humant l'air à grandes aspirations pour éviter d'avoir les oreilles incommodées par le changement de pression. En examinant les autres avions vous reconnaissez chaque pilote aux insignes peints sur son fuselage ou à sa façon de voler. Les emblèmes distinctifs des Nieuport sont variés et parfois amusants. Bert Hall, par exemple, a le mot Bert peint sur le côté gauche de son fuselage et les mêmes lettres, à l'envers, sur le côté droit de façon qu'un pilote qui passe à côté de lui à grande vitesse peut lire son nom sans difficulté — assure-t-il. Au-dessous de nous le pays s'est transformé en une surface plane aux couleurs variées. Les forêts sont des taches irrégulières vert sombre, tels des pâtés d'encre sur une table ; les champs sont autant de dessins géométriques dans tous les tons du brun et du vert, et forme comme une peinture cubiste ultra-compliquée ; les routes sont de minces lignes blanches avec chacune leur orientation et leurs embranchements — qui vous permettent de les identifier. Plus haut vous vous trouvez et plus facile en est la lecture. En dix minutes environ vous apercevez la Meuse, étincelante dans la clarté du matin, et des deux côtés la longue ligne des drachens d'observation en forme de saucisses au-dessous de vous, très bas. Les toits rouges de Verdun apparaissent à votre vue non loin d'eux. Par endroits vous ne voyez plus de rouge, et vous savez alors ce qui est arrivé là. Dans les paturages verts qui entourent la ville, des taches brunes, toutes rondes, vous signalent les trous d'obus. Vous traversez la Meuse. Verdun vue d'en haut. Immédiatement à l'est et au nord de Verdun s'étend une large bande de terrain brune. Elle s'en va vers l'ouest de la plaine de Wœvre jusqu'à l'S de la Meuse et, sur la rive gauche de cette rivière désormais célèbre, se continue jusqu'à la forêt de l'Argonne. Des champs paisibles, des fermes et des villages égayaient ce paysage il y a quelques mois, alors qu'il n'y avait pas encore de bataille de Verdun. |
Extraits:
Chasseurs au groupe "La Fayette": du Nieuport au
Thunderbolt 1916-1945 By Jean Gisclon; e-book sans grande valeur historique, apporte quelques précisions,lepeps. L'ESCADRILLE LA FAYETTE AU DÉPART L'escadrille
La
Fayette
vient d'être l'objet de la citation suivante:
«Escadrille composée de volontaires américains venus se
battre pour la France avec le plus pur esprit de
sacrifice. A mené sans cesse, sous le commandement du
capitaine Thenault qui l'a formée, une lutte ardente
contre nos ennemis. Dans des combats très durs et au
prix de pertes graves qui, loin d'affaiblir, exaltaient
son moral, a abattu 28 avions adverses. A excité
l'admiration profonde des chefs qui l'ont eue sous leurs
ordres et des escadrilles françaises qui, combattant à
ses côtés, ont voulu rivaliser de valeur avec elle».
Deux braves au service de la
France: le sergent Mac Connell, auteur du récit
ci-contre, tué, et Paul-Ayres Rockwell, légionnaire,
notre collaborateur blessé au champ d'honneur.
LES DEUX
LIONCEAUX: WISKEY AND
Les porte-bonheur de
l'escadrille sont, on le sait, deux lionceaux qui,
apprivoisés, n'ont encore jamais fait montre de leur
caractère sauvage. Wiskey a été victime d'un accident
qui lui a coûté un oeil. Le pauvre animal n'a pas
perdu de sa gaîté et se fait consoler par sa compagne,
Soda.
De gauche à droite, les
pilotes Huffer (4 avions officiels), Balsley
(grièvement blessé), Johnson (1 avion), Hill, Pavelka
(1 avion, actuellement à Salonique) et Rumsey. L'as de
l'escadrille, le sous-lieutenant Lufbery a abattu son
11e avion officiel le 4 septembre et en a très
probablement détruit un le 5 et un autre le 6
septembre.
La popote de l'escadrille La
Fayette est très confortablement installée. A
l'entrée, nous voyons, prenant leur café, les sergents
Lovell et Johnson, vainqueurs d'un Boche chacun.
![]() Avec
les Américains comme avec les Anglais le sport ne
perd jamais ses droits. A l'escadrille La Fayette,
c'est, bien entendu, le base-ball, jeu national,
qui intéresse particulièrement le personnel. Les
pilotes s'y livrent avec passion les jours de
mauvais temps. Sur notre cliché, on reconnaît le
sous-lieutenant Lufbery.
![]() Le
lieutenant Thaw, l'un des fondateurs et des
meilleurs pilotes de l'escadrille La Fayette, a été
choisi comme porte-drapeau de la fameuse unité.
Le capitaine Thénault le choisit comme leader de l'Escadrille Lafayette
In mid-January 1918,
William Thaw who had been commissioned a Major assumed
command of the 103rd Pursuit Squadron. Escadrille
veterans served as the nucleus of the squadrons, and
they were joined by airmen who had served in other
French air units as part of the Lafayette Flying Corps
and by the newly arrived pilots from America.
In July, Major Thaw took command of the Third Pursuit Group which included the 28th, 93rd, 103rd and 213th Pursuit Squadrons. This group flew together through to end the War and accounted for 87 downed airplanes and two balloons. The group lost 29 pilots. ![]() ![]() Lufbery
a abattu son 11e avion le 4 septembre et son 12e le
22. Le 24, le sergent Mac Monagle était tué en
combat.
L'escadrille américaine
a toujours eu la réputation d'être l'une de celles
où les avions sont le mieux vérifiés, où les moteurs
sont le plus au point, D'ailleurs les mécaniciens,
si facilement oubliés dans le tribut de louanges
adressé aux as, ne sont-ils pas les artisans de la
victoire?
Le sergent Haviland qui a abattu un
boche officiellement est l'un des plus audacieux
pilotes de l'escadrille La Fayette.
Cette photographie a
été prise il y a plus d'un an Aussi y retrouve-t-on
des héros morts au champ d'honneur, tels le
lieutenant de Laage de Meux, le sous-lieutenant
Rockwell, Norman Prince, Chacman, Mac Connell,
auteur de ce récit. Le capitaine Happe (maintenant
commandant), as bombardier, était venu rendre visite
aux pilotes américains.
On a prétendu à tort que la tête de
Peau Rouge était l'insigne de l'escadrille La Fayette.
Cette désignation avait été choisie par un pilote de
l'unité pour son avion.
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Voir aussi |
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Le
sous-lieutenant Gervais Raoul Lufbery, l'«as» de
l'escadrille américaine, a flâné sur tous les points du
globe plus qu'aucun homme de son âge. Depuis son
adolescence la carrière de Lufbery a été continuellement
variée et aventureuse et son histoire est l'une des plus
intéressantes que l'on puisse rencontrer parmi les
Américains enrôlés dans l'armée alliée. Il y a quinze ans Lufbery, alors âgé de dix-sept ans, quitta le domicile paternel à Wallingford, dans le Connecticut, et s'en fut visiter le monde. Il vint d'abord en France, le pays de ses ancêtres, et visita Paris, Bourges, Marseille et autres cités. A Marseille il s'embarqua pour l'Afrique du Nord et passa un certain temps en Algérie, en Tunisie et en Egypte, puis il se rendit à Constantinople où il servit pendant plusieurs semaines dans un restaurant. Le plan de Lufbery était d'arriver dans une ville et, s'il la trouvait digne d'intérêt, d'y trouver un emploi et d'y séjourner le temps nécessaire pour satisfaire sa curiosité. En quittant la Turquie Lufbery se rendit par les Etats Balkaniques en Allemagne, d'où il s'embarqua, à Hambourg, pour l'Amérique du Sud. Là il décida de retourner voir la maison paternelle et en 1906 il revenait à Wallingford. Le père de Lufbery, Edward Lufbery, avait été pendant de longues années un collectionneur fanatique de timbres-poste et avait fait la chasse lui-même, dans le monde entier aux timbres rares qui lui manquaient. La veille même du retour de Raoul il était parti pour l'un de ces voyages prolongés, et bien que le jeune Lufbery soit resté à Wallingford Une année entière auprès de son frère aîné il ne vit pas son père. En 1907 Raoul Lufbery, las de la vie tranquille du Connecticut, se rendit à la Nouvelle Orléans et s'enrôla dans l'armée régulière américaine. On l'envoya aux îles Philippines où il séjourna plus de deux ans. A la fin de son service il partit pour le Japon, qu'il visita, puis pour la Chine qu'il parcourut très sérieusement. Ensuite il se rendit aux Indes. A Bombay il remplit les fonctions de contrôleur sur les chemins de fer de l'Etat. Un jour, tandis qu'il effectuait son service, un grand et solennel hindou se présenta à son guichet. - Un billet? demanda Lufbery. - Vous devez m'appeler «Monsieur», répondit l'Indien. Lufbery est vif de tempérament. Il fit pivoter l'Indien et l'expulsa de la gare. Quelques minutes plus tard Lufbery était convoqué au bureau du chef de gare où on lui rendait son tablier. Il avait malmené le plus riche et le puissant des Mahométans de Bombay. Lufbery s'arrêta ensuite en Indo-Chine française. A Saïgon, en Cochinchine, il fit connaissance de Marc Pourpe, le jeune aviateur français qui venait faire des exhibitions en Asie. Pourpe avait besoin d'un mécanicien; Lufbery n'avait jamais vu de près un aéroplane, il postula néanmoins pour l'emploi et fut agréé. Ce fut le début d'une solide amitié entre les deux hommes. L'aviateur français et son collaborateur américain donnèrent des exhibitions d'aviation avec grand succès dans toutes les provinces de l'Indo-Chine française. Le roi du Cambodge fut si enchanté qu'il décora Pourpe et Lufbery d'un ordre qui leur donnait droit à une garde d'honneur en quelque endroit qu'ils fissent leur apparition dans les rues de toutes les villes du Cambodge. Dans une ville les indigènes qui n'avaient jamais vu de machine volante auparavant décidèrent d'en construire une eux-mêmes. D'habiles ouvriers asiatiques édifièrent avec du bambou et des tissus de papier un appareil qui semblait beaucoup plus joli que l'aéroplane de Pourpe. Pour remplacer le moteur les indigènes enfermèrent dans leur avion un essaim d'abeilles. La fureur des bestioles fit un tel vacarme qu'on eut cru au bourdonnement d'un vrai moteur, mais à la surprise de la plupart des assistants l'engin se refusa à monter dans les airs et même à bouger. Puis ce fut le fameux raid de Pourpe du Caire à Khartoum et retour. Au cours de l'été 1914, les deux camarades vinrent en France pour prendre livraison d'un nouvel aéroplane. C'est alors que la guerre fut déclarée et Pourpe s'engagea aussitôt dans l'aviation. Il était libéré de toutes obligations militaires mais il brûlait du désir de faire son devoir. Lufbery voulut s'engager avec lui mais lorsqu'il se présenta au bureau de recrutement on lui déclara que n'étant pas citoyen français, il lui fallait entrer dans la Légion Etrangère, s'il voulait combattre pour la France. Lufbery désirait cependant rester avec son ami. Finalement il fut convenu qu'il s'engagerait dans la Légion, mais qu'il serait immédiatement versé dans l'aviation. C'est ainsi que l'Américain put rejoindre son camarade français à son dépôt d'aviation et l'accompagna au front comme mécanicien. Mais leur association ne dura pas longtemps.Après avoir accompli d'admirables actions d'éclat le brave Pourpe était tué le 2 décembre 1914. Lufbery désira venger personnellement son meilleur ami et demanda à devenir élève pilote. Sa demande fut accordée et il entra dans une école d'aviation où il passa promptement son brevet. Après avoir servi quelques mois dans une escadrille de bombardement il fit son entraînement comme pilote d'avion de combat et au début de l'été de 1916 il partit au front dans l'escadrille américaine. Le 30 juillet, en compagnie de James R. Me Connell qui a été tué le 19 mars dernier, il attaqua à bout portant un avion allemand et l'abattit a l'ouest d'Etain, dans le secteur de Verdun. Le lendemain Lufbery descendait un autre appareil ennemi, et continuait en remportant le 4 août une autre victoire, sa victime venant tomber à Abancourt, près de Verdun. Lufbery fut peu après décoré de la Médaille Militaire et de la Croix de Guerre avec la citation suivante: Lufbery (Raoul). Sergent à l'escadrille N. 124. Modèle d'adresse, de sang-froid et de courage. S'est distingué dans de nombreux bombardements à longue distance et par les combats quotidiens qu'il livre aux appareils ennemis. Le 31 juillet a attaqué de très près un groupe de quatre aéroplanes allemands et a descendu l'un d'eux près des lignes. Le 4 août 1916 a réussi à en abattre un second. Lufbery continua son excellent travail. Le 8 août il abattit un Aviatik qui tomba en flammes près du fort de Douaumont. Presque chaque jour, pendant tout l'été, il livra un ou plusieurs combats, rentrant souvent au champ d'aviation avec son avion criblé de balles, et plus d'une fois avec ses vêtements traversés par les projectiles allemands. Au cours du bombardement historique des usines Mauser, le 12 octobre dernier, Lufbery descendit un Aviatik triplace qui lui valait sa cinquième ![]() Le 27 décembre, enfin, il abattit un Aviatik dans nos lignes ce qui lui valut une nouvelle mention au communiqué comme ayant descendu son sixième avion allemand. Au cours de ce combat Lufbery échappa de peu à la mort, quatre des balles de son adversaire ayant passé tout près de son corps. En récompense de sa sixième victoire le pilote américain fut proposé pour la Croix de la Légion d'Honneur qui lui fut décernée en mars. Au début de janvier Lufbery fut atteint de rhumatismes des plus douloureux qui ne l'empêchèrent pas de voler pendant quelque temps. Lorsqu'il descendit son septième aéroplane boche officiel il était presque courbé en deux par les douleurs et on dut l'aider à monter et à descendre de son avion. Ce fut seulement lorsqu'il eut abattu son septième appareil allemand qu'il consentit à entrer à l'hôpital, mais après un court séjour il repartait en mars pour son escadrille. Pendant et après la grande retraite allemande en mars dernier Lufbery fut très actif. La citation suivante à l'ordre de l'armée témoigne de ses exploits: Lufbery (Raoul). Adjudant à l'escadrille N. I24, pilote à l'escadrille La Fayette; adroit et intrépide; véritable modèle pour tous ses camarades. Le 8 avril a obligé un avion ennemi à atterrir. A abattu le 13 avril 1917 son huitième appareil ennemi et le 24 son neuvième. Ces victoires n'eurent pour résultat que de rendre Lufbery plus infatigable encore que les autres et chaque jour où le temps le permettait il rôdait dans les airs en quête 'une nouvelle victime. Le 12 juin au matin il détruisit son dixième adversaire. Volant seul à 5.000 mètres environ Lufbery aperçut un groupe de sept aéroplanes allemands; deux biplaces pour le réglage du tir d'artillerie, escortés par cinq avions de chasse. Lufbery tourna autour de l'escadrille ennemie attendant l'occasion d'attaquer. Finalement elle se présenta. L'un des avions de réglage boches vint à s'éloigner un peu de ses camarades. Lufbery fonça sur lui et l'envvoya au sol. L'Américain n'avait tiré que vingt-cinq balles quand sa mitrailleuse s'enraya, mais l'Allemand était déjà démoli. Il alla s'écraser dans les tranchées après avoir eu ses ailes arrachées dans la chute. Lufbery atterrit pour réparer sa mitrailleuse et repartit à la recherche d'une autre proie. Le même jour Lufbery fut décoré de la Médaille Militaire anglaise. Il était le premier américain engagé dans l'armée française à recevoir cette récompense si enviée. Vers la fin de juin il était nommé sous-lieutenant, promotion qu'il avait méritée depuis longtemps. Pendant dix ans presque Lufbery avait été sans nouvelles de sa famille lorsqu'à la fin d'octobre il reçut une lettre de son père qui vit encore à Wallingford ( Etats-Unis). Il disait qu'il avait vu le portrait de Raoul dans un journal et qu'il aimerait avoir des nouvelles de son fils dont il est séparé depuis si longtemps. Cette photographie était l'une de celles que j'avais prises l'été dernier quand j'allai visiter l'escadrille sur le front de Verdun. Quelques jours après que Lufbery eut été cité au communiqué officiel il recevait une lettre de son frère Charles qui lui annonçait que lui aussi il allait venir en France pour s'engager. Charles Lufbery est actuellement sergent à l'état-major d'une brigade française et Raoul va souvent le voir lorsqu'il est en permission. Le sous-lieutenant Lufbery est un homme excessivement calme, de caractère égal, peu loquace. Il a sa méthode personnelle pour combattre les avions boches. Il est froid, prudent et brave et en outre possède un coup de fusil exceptionnel. Alors qu'il appartenait à l'armée américaine il gagna l'épinglette de son régiment. Il est l'un des pilotes les plus populaires de l'escadrille américaine où chacun admire l'«as» et lui accorde sans compter la haute estime dont il est digne. |
![]() Lufbery est calme,
simple, taciturne. Il réfléchit sans cesse et ne
s'accorde de loisirs que pour jouer ave son préféré, le
lionceau Wiskey. Le sous-lieutenant Lufbery qui a
remporté dix victoires officielles est l'as de
l'escadrille La Fayette. Il a la Médaille Militaire, la
Légion d'Honneur et six palmes. Il est devenu Pilote
pour venger son ami Marc Pourpe, mort au champ
d'honneur.
Sur ce cliché nous
reconnaissons de gauche à droite Bigelow, Johnson,
Hill, Dugan et le sous-lieutenant Lutbery, le grand as
de l'escadrille La Fayette. Ces pilotes attendent
leurs camarades mobilisés qui vont bientôt les
rejoindre. A ce moment, la glorieuse unité sera sans
doute supprimée et tous ceux qui luttent
volontairement pour les alliés depuis longtemps
abandonneront l'uniforme français pour adopter le
costume national.
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IV. - LES PREMIERS DEUILS DE L'AMÉRIQUE EN GUERRE ![]() |
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Il est pénible de parler de ses amis quand ils
sont morts. Si je tenais compte de mes préférences je
raconterais plutôt comment Jean Huffer, le prochain «as»
américain, après avoir descendu quatre avions boches sur
le front français, a été envoyé en Italie avec une
escadrille d'élite de pilotes français, ou bien je
décrirais les innombrables combats de William Thaw, de
Willis Haviland, de Walter Lovell et de leurs
compagnons. Mais la plupart de ceux qui connaissaient
les héros disparus de l'escadrille La Fayette sont à
l'heure actuelle trop occupés à combattre et à chercher
à venger leurs amis disparus pour parler d'eux, aussi
est-ce ma modeste tâche de chercher à honorer la mémoire
des morts en disant ce qu'ils ont accompli pendant la
guerre. Ce sera l'histoire d'Edmond Genet, de Ronald
Hoskier, du lieutenant de Laage de Meux et de Jean
Dressy, les quatre membres de l'escadrille la Fayette
qui ont été tués depuis que les Etats-Unis ont déclaré
la guerre à l'Allemagne.
![]() La première fois que j'ai entendu parler d'Edmond
Charles Clinton Genet, ce fut peu après la grande
bataille de la Légion étrangère en Champagne, du 24 au
28 septembre 1915. Un célèbre chirurgien américain, le
docteur David Wheeler, avait été témoin de telles
horreurs tandis qu'il soignait les blessés français près
du front qu'il s'était engagé comme simple soldat à la
Légion afin de consacrer
![]() «Avez-vous des nouvelles de Genet?» Je demandai qui était Genet et Wheeler. Il me dit que c'était un jeune légionnaire américain âgé de dix-huit ans, le descendant du «citoyen» Genet, qui représenta autrefois la France aux Etats-Unis, et qu'il était l'un des plus braves et des plus agréables garçons qu'il eut jamais connus. Quelque temps après je rencontrai Genet
lorsqu'il vint du front en permission et je trouvai
qu'il était bien tel que Wheeler me l'avait dépeint,
simple, modeste, d'un beau caractère et d'une bravoure
indomptable. Nous devînmes grands
amis et je fus enchanté lorsqu'en juin 1916 le petit
Edmond entra dans l'aviation comme élève pilote à Buc.
Très musicien et artiste il fut le bienvenu dans le
groupe des jeunes aviateurs et fut aimé de tous ses
camarades. Je me souviens d'avoir vu lors d'une visite
aux baraquements de Bue d'excellentes esquisses
qu'Edmond avait faites et épinglées aux murs pour égayer
la laideur des cloisons de planches de sa chambre.
Au début de janvier dernier Genet rejoignit l'escadrille La Fayette sur le front de la Somme. Le temps était mauvais et l'on volait peu, mais chaque fois que cela lui était possible, Edmond faisait une sortie. Il eut de nombreux combats avec des avions ennemis mais sans résultats officiels. Puis vint ce lundi maudit du 19 mars où le pauvre Jim Mac Connell fut abattu par les Huns. Genet se trouvait avec Mac pour cette sortie néfaste et la lettre où il racontait le combat a déjà été publiée. Genet avait été lui-même sérieusement blessé à la joue par un éclat de balle explosible mais il s'était refusé à prendre aucun repos, déclarant qu'il était résolu à venger la mort de Mac Connell. Le 19 mars au soir le capitaine Thenault citait Genet à l'ordre de l'armée en ces termes: Genet (Edmond), caporal à l'escadrille
124; citoyen américain engagé au service de la
France.
16 Avril. A fait preuve des plus belles qualités d'ardeur et de dévouement, livrant des combats aériens dès son arrivée à l'escadrille, effectuant des reconnaissances à basse altitude, et se dépensant sans compter. Le 19 mars 1917 a été blessé au cours d'un combat contre deux avions ennemis et a refusé d'interrompre son service. Exactement quatre semaines plus tard, le 16 avril, ce vaillant soldat de France était tué. Mon ami, le sergent Walter Lovell, m'en informait par la lettre suivante où il me racontait la mort de son camarade: MON CHER PAUL, Il semble que je sois destiné à
vous annoncer toujours de mauvaises nouvelles. Cette
fois c'est ce pauvre petit Genet qui est mort. Il a
été tué cet après-midi. Il volait en compagnie de
Lufbery. A cause des nuages ils volaient bas. Les
batteries spéciales allemandes tiraient sur eux sans
discontinuer. Soudain Lufbery remarque que Genet
faisait demi-tour pour rentrer. Il se mit en devoir
de la suivre mais le perdit de vue dans les nuages.
Il décida de rester sur les lignes. Il ne pensait
pas qu'il ait pu arriver rien de fâcheux à Genet car
il n'avait pas vu éclater d'obus dangereusement près
de l'appareil de son camarade. Il fut très surpris à
son retour au champ de voir qu'Edmond n'était pas
rentré. Peu d'instants après nous recevions par
téléphone la nouvelle que Genet était tombé à cinq
kilomètres à l'intérieur de nos lignes. le
lieutenant
de Laage, Lufbery, Havilaud et moi nous prîmes la
voiture légère de l'escadrille et accourûmes au
poste de secours. Nous y trouvâmes le cadavre de
Genet; il avait été tué sur le coup. J'ai vu
l'appareil un peu plus tard. Je n'ai jamais vu
destruction d'appareil aussi complète, et pourtant
j'en ai vu. Il était tombé plein moteur au beau
milieu d'une route ce qui prouve que l'obus allemand
l'avait tué ou lui avait fait perdre conscience.
WALTER. J'avais volé avec lui le matin, très tôt, et l'après-midi nous devions repartir ensemble mais comme il semblait fatigué je lui conseillai de ne pas voler et je fis ma sortie avec Thaw. Quand je rentrai je sus que Genet était parti avec Lufbery. Haviland, dont l'avion est hors d'usage, chercha à décider Genet à lui prêter son appareil pour partir à sa place, mais Edmond refusa. Genet assura qu'il se sentait mieux et insista pour partir... à la mort! Pour moi j'ai perdu un ami très cher et un camarade de combat courageux et l'escadrille perd un des pilotes les plus consciencieux qu'elle ait jamais eu et qu'elle aura jamais. Edmond est tombé à quelques centaines de mètres à peine du point où Mac était tombé il y a quatre semaines. On l'enterre à Ham demain matin. Je suis content au moins d'une chose, c'est qu'il ait appris hier soir que sa citation était maintenant officielle et aussi que l'avion allemand avec lequel il s'était mesuré quand Mac Connell fut tué avait été contraint d'atterrir en territoire français et que son équipage avait été fait risonnier. Sincèrement. Les obsèques du petit
Genet eurent lieu au milieu d'une tempête de neige; la
cérémonie fut très simple mais très impressionnante.
Au moment même où l'aumônier militaire qui lisait
l'office venait de dire Amen, le soleil perça un
instant à travers les nuages et vint illuminer le
cercueil «comme une bénédiction du ciel», ainsi que le
disait plus tard l'un des pilotes. Genet avait demandé
dans ses dernières volontés à être enveloppé dans un
drapeau français s'il venait à être tué dans nos
lignes et que deux drapeaux, le drapeau français et le
drapeau américain, soient placés sur sa tombe. Cela
fut fait.
La dernière citation de Genet dit: Genet (Edmond-Charles-Clinton), caporal à l'escadrille Lafayette N. 124: pilote courageux et dévoué, a trouvé le 16 avril 1917 une mort glorieuse. A terminé l'énoncé de ses dernières volontés en disant: «Vive la France toujours». ![]() Un nouveau deuil frappa ensuite l'escadrille
à la mort de Ronald
Wood Hoskier. Je le connaissais moins. Je
l'avais rencontré, m'étais
![]() 23. Avril. MON CHER PAUL, C'est à Ronald Hoskier, cette fois, que
la mort à fait appel. C'était le plus viril
compagnon que j'aie jamais connu, un être accompli à
tous points de vue. Trois de nos meilleurs hommes
disparus en un mois ; un vent de désastre souffle
sur l'escadrille.
Hoskier montait un Morane Parasol et avait Jean Dressy, l'ancien mitrailleur du lieutenant de Laage, un excellent garçon lui aussi, comme observateur. Hoskier était parti aujourd'hui en reconnaissance, convoyé par Thaw, Haviland et Willis. Il y avait de gros nuages à 2.000 mètres et ils volaient juste en-dessous. Tout à coup ils arrivèrent sur un groupe d'avions boches comprenant quatre ou cinq appareils. Une mélée générale s'ensuivit, mais sans casse, ni d'un côté ni de l'autre. Les Boches retournèrent chez eux et disparurent dans les nuages. Vers le même instant notre groupe entra dans un nuage et tous les avions se trouvèrent dispersés. Aucun d'eux ne jevit plus Hoskier. Les observateurs en drachen, toutefois, assistèrent à son dernier combat. Hoskier qui venait d'entrer dans les nuages avait certainement vu un Boche en-dessous de lui, et vraisemblablement isolé. Il fonça dessus.Au même instant plusieurs autres appareils ennemis surgirent des nuages; ils encerclèrent Hoskier et ouvrirent le feu. Il n'a ![]() Les corps du pilote et du mitrailleur furent transportes à l'arrière à Ham et enterrés avec tous les honneurs militaires auprès du petit ![]() Hoskier (Ronald-Wood), sergent à l'escadrille N. 124. Citoyen américain engagé au service de la France. Véritable âme d'élite pour sa bravoure et son esprit de sacrifice. Est tombé le 23 avril 1917 après une héroïque défense dans un combat contre trois appareils ennemis. Dressy (Jean), mitrailleur à l'escadrille N. 124. En septembre 1914, pendant une marche en retraite, s'est dévoué pour relever son officier blessé et l'installer sur sa monture. Passé mitrailleur dans l'aviation s'est montré courageux et toujours prêt au combat. Est tombé le 23 avril 1917. dans une lutte contre trois avions ennemis. ![]() La carrière tout entière de Dressy est liée
à celle du lieutenant de Laage que je vais raconter.
Le vicomte Alfred de Laage de Meux (PLUS) commença la guerre comme officier dans un régiment de cavalerie. Il avait comme ordonnance Jean Dressy. Ils avaient fait leur service militaire dans le même régiment et quand de Laage devint officier il prit Dressy comme ordonnance. Aux premiers jours de la guerre, un après-midi, au cours d'une rencontre avec les uhlans le lieutenant de Laage eut son cheval tué sous lui.Il allait être fait prisonnier lorsque Dressy le prit en croupe sur son cheval. Plus tard, au cours de la bataille de la Marne, les deux hommes restèrent cachés pendant trois jours dans Laage légèrement blessé avait été transporté par son fidèle serviteur. Voici sa première citation à l'ordre de l'armée: De Laage de Meux, sous-lieutenant de réserve au 14e régiment de dragons, a exécuté le 31 août 1914 une reconnaissance fructueuse dans les conditions difficiles, a repris trois fois et pendant plusieurs heures le contact d'une importante colonne ennemie (deux régiments de cavalerie, accompagnés d'infanterie et des mitrailleuses); atteint d'une balle à la cuisse et ayant eu ses vêtements traversés par d'autres balles n'en a pas moins continé sa reconnaissancer apportant lui-même les derniers renseignements, a ensuite continué son service à son escadron malgré sa blessure. Remis de sa blessure, de Laage entra dans l'aviation d'abord comme observateur et bientôt comme pilote après avoir appris à voler pendant qu'il était au front.De Laage n'a jamais eu un jour d'entraînement en école. Pendant plusieurs mois il vola sur un avion de reconnaissance et souvent il revint à son escadrille avec son appareil criblé de balles et d'éclats d'obus. Deux fois il ramena son ![]() Plus tard de Laage passa sur un avion de
chasse et ses notes étaient telles comme pilote de
combat que lorsqu'on forma l'escadrille américaine il
fut choisi pour la commander en second. Les aviateurs
américains qui l'ont connu à Luxeuil en avril 1916 et
depuis ne parlent de lui qu'avec enthousiasme et avec
une admiration sincère.
Mon frère avait pour le lieutenant de Laage un véritable culte. Je citerai seulement sur de Laage l'une des anecdotes que Kiffin me raconta souvent: «Nous étions sortis ensemble un matin de très bonne heure, le lieutenant de Laage et moi. Au-dessus d'Etain je vis en-dessous de moi un Boche; immédiatement je piquai dessus. Pendant que j'étais en train de l'assaisonner deux autres avions ennemis qui étaient au-dessus de moi sans que je les aie vus foncèrent sur moi et se plaçant à l'arrière se mirent à cribler mon appareil de projectiles. Je crus ma dernière heure venue, inévitable. Le lieutenant de Laage avait déjà eu un combat et sa mitrailleuse était enrayée. Mais bien qu'il fut dans l'impossibilité de tirer même une balle, il piqua sur les deux Boches qui cherchaient à me descendre et ceux-ci prirent la fuite. Je suis certain qu'à ce moment il m'a sauvé la vie comme il l'a fait bien d'autres fois». Faut-il
s'étonner qu'un tel chef ait été adoré de ses
hommes?
Le lieutenant de Laage
et Kiffin formaient toujours équipe pendant leur
séjour à Verdun. Ils étaient les meilleurs amis du
monde. La plupart des combats qu'ils livrèrent se
passèrent trop loin dans les lignes boches pour que
tous les résultats en fussent officiellement connus,
mais tous les Américains étaient convaincus' que leur
lieutenant avait descendu de nombreux avions, la
malchance seule voulait que de Laage abattît le plus
souvent ses adversaires loin de nos lignes.
Voici la première citation que le lieutenant de Laage gagna dans le secteur de Verdun: De Laage de Meux (Alfred) lieutenant, pilote à l'escadrille N. 124 : pilote d'élite qui est un véritable modèle de bravoure. Faisant partie d'un groupe de chasse depuis le début de la bataille de Verdun, a livré de nombreux combats, allant chercher ses adversaires loin dans leurs lignes et les attaquant quel qu'en soit le nombre. Le 27 juillet a abattu un avion allemand à proximité du front. De Laage descendit un autre appareil allemand le 12 octobre, lorsque l'escadrille La Fayette escorta les aéroplanes qui bombardèrent Obemdorf, mais cela ne fut pas constaté officiellement. Il fut cependant cité à l'ordre de l'armée en ces termes: «Lieutenant de Laage de Meux, de
l'escadrille N. 124. Officier pilote très courageux.
A pris part le 12 octobre 1916 à l'opération de
bombardement d'Oberndorf et dégagé plusieurs fois
les appareils qu'il était chargé de protéger en
attaquant de très près les appareils ennemis qui
s'approchaient».
L'un
des pilotes m'écrivait, au sujet des deux Boches
descendus par de Laage le même jour, ce qui est le
record des pilotes de l'escadrille La Fayette:Quand l'escadrille fut envoyée dans le secteur, de la Somme il prit une part active à toutes les sorties, se proposa avec le sergent Paul Pavelka comme volontaire pour voler la nuit sur avion de chasse et avec le sergent James Mac Connell, mort depuis, pour faire partie des équipes de destructeurs de drachens. S'il y avait une mission dangereuse et pénible à remplir, cet officier infatigable insistait toujours pour en être chargé. Il ne se contentait pas d'être à la tête de ses pilotes dans leurs expéditions mais à son retour au camp il s'occupait de tout, surveillant l'ordinaire et le travail de l'escadrille dans ses moindres détails. Le 21 avril dernier le lieutenant de Laage fut fait chevalier de la Légion d'Honneur avec la citation suivante: «De Laage de Meux (Alfred), lieutenant pilote (active) à l'escadrille N. 124 ; pilote de chasse de premier ordre. Après s'être très brillamment conduit à Verdun et sur la Somme, s'est à nouveau distingué de la manière la plus remarquable au cours des récentes opérations, exécutant de nombreux vols à faible altitude pour obliger l'ennemi à se découvrir et rapportant au commandement de précieux renseignements. Le 8 avril 1917 a livré successivement trois durs combats et abattu deux appareils ennemis, dégageant ainsi un avion et un ballon français violemment attaqués.Déjà quatre fois cité à l'ordre». «De Laage a eu trois combats le 8 avril et a abattu deux avions, officiellement. L'escadrille entière est dans la joie car c'est un des viateurs les plus acharnés au travail que l'on puisse voir. Il avait eu quantité de combats heureux mais les résultats n'étaient pas officiels bien que l'on doive avoir en lui la plus grande confiance du monde». Quand de Laage était entré dans l'aviation Dressy l'avait accompagné, en premier lieu comme ordonnance, mais souvent, à l'époque où le lieutenant de Laage pilotait un biplace, il l'emmenait avec lui comme mitrailleur. Lorsque Hoskier commença à voler en Morane biplace Dressy se proposa comme mitrailleur. Sa mort causa un profond chagrin au lieutenant de Laage qui, hélas! ne devait pas longtemps survivre à son ami. Le 23 mai, cet officier d'élite se tuait dans un lamentable accident. Et voici sa dernière citation: «Pilote de chasse d'une bravoure et d'une adresse remarquables, se dépensant sans compter, avec un joyeux courage. N'a cessé d'être pour ses camarades un magnifique exemple d'entrain et d'esprit de sacrifice. Mortellement blessé dans une chute d'avion le 23 mai 1917». De Laage venait de recevoir un nouveau Spad qu'il était impatient d'essayer. ![]() Vers la fin de l'après-midi, du 23 mai, il prit le départ pour un vol d'essai. Il était parti «en chandelle» et venait juste de quitter le champ quand son moteur le.plaqua. Il n'était pas encore en ligne de vol; l'avion eut une perte de vitesse et tomba en vrille jusqu'au sol. De Laage lutta avec énergie pour se rendre maître de l'appareil, mais sans résultat. L'aéroplane piqua la tête la première, s'écrasa américains fut tué sur le coup. Voici ce que m'écrivait sur lui un de ses pilotes: «Connaissant de Laage, vous imaginez quelle effrayante perte personnelle est sa mort pour chacun de nous. C'était sa personnalité, son courage et le respect qu'il inspirait qui guidaient l'escadrille mieux que toute autre chose. C'était un parfait chevalier et nous l'aimions infiniment». Quant à moi le lieutenant de Laage m'apparaissait aussi comme une vivante incarnation des chevaliers et des preux français de l'ancien temps dont je lisais les aventures et dont je rêvais quand j'étais au collège. C'était le type le plus accompli et le plus brave de l'officier français, et il n'y a pas d'armée au monde qui puisse se vanter d'avoir un type d'officier supérieur à celui de France. C'est un admirable privilège que d'avoir connu un tel homme et j'envie ceux qui servaient sous ses ordres. Les regrets que l'on me manifesta, de l'escadrille La Fayette, furent innombrables et émouvants et je n'ai jamais entendu parler de lui autrement qu'avec louanges, respect et admiration. Il se montrait toujours l'ami et le compagnon de ses hommes en même temps que leur chef, deux, choses bien difficile à concilier. Quelques jours après la mort mon frère le lieutenant de Laage me disait: «Je suis né pour être tué à la guerre comme l'ont été avant moi beaucoup de mes ancêtres dans chacune des guerres où s'est battue notre France bien aimée depuis un millier d'années». De Laage avait le droit de mourir en plein ciel, le cœur transpercé par une balle ennemie, et sa mort due à un accident stupide me prouve une fois de plus la suprême et aveugle injustice avec laquelle la main invisible du Destin organise les destinées humaines. PAUL AYRES ROCKWELL. |
![]() Tous
ceux qui figurent sur ce cliché ont été tués: de
gauche à droite, Chapman, Mac Connell, Rockwell, le
lieutenant de Laage de Meux. Dans l'automobile, se
trouvait Norman Prince, mort également.
Le sergent Hoskier fut tué
en combat aérien avec son meilleur mitrailleur, le
soldat Dressy, le 17 avril dernier. A l'enterrement
le père et la mère du malheureux Américain.
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![]() |
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L'un
des plus adroits, des plus expérimentés et des plus
actifs parmi les pilotes aujourd'hui au front à
l'escadrille La Fayette est le sergent Walter
Lovell, de Boston (Massachusetts), qui entra au
service de la France dès les premiers jours de la
guerre. Il fut chargé en janvier 1915, avec Mac
Connell de conduire une ambulance de la Croix-Rouge au
front. Le sergent Lovell fit partie pendant tout l'été et l'automne 1915 de la formation de la Croix-Rouge de Pont-à-Mousson, qui a fourni à l'escadrille La Fayette les Pilotes Willis Haviland, Dudley Hill, Kenneth Marr, Harold Willis et Mac Connell. Le sous-lieutenant Jean Huffer, qui a été versé dans une escadrille de chasse française et qui a abattu quatre avions faisait également partie de la section de Pont-à-Mousson avec Lovell, de même que Lief Norman Barclay qui vient d'être descendu au cours d'une croisière. Après de longs mois à Pont-à-Mousson, Lovell fut envoyé à Bar-le-Duc comme chef d'une section d'ambulance. Lorsque Bar-le-Duc fut bombardé il se distingua, dirigeant les secours à la tête de ses hommes au milieu du bombardement; il reçut pour ce fait la Croix de Guerre. Peu après, désirant servir la France comme combattant il alla comme élève pilote à Buc. Il rejoignit l'escadrille américaine en mars dernier et m'adressa alors la lettre suivante. - P. A. R. ![]() J'ai fait mon premier vol au-dessus des lignes l'autre matin. J'étais parti avec Johnson et Willis, le premier étant notre chef de groupe. Mais peu après notre départ Johnson fit demi-tour, sa mitrailleuse étant enrayée. Quant à Willis, je ne le vis nulle part. Il paraît qu un piston de son moteur se brisa lorsqu'il avait quitté le champ et qu'il eut bien du mal à revenir y atterrir. Dès lors je décidai de continuer tout seul. Je montai à 4.000 mètres pour être autant que possible en sûreté. Il faisait merveilleusement clair et je pouvais voir à des dizaines de kilomètres dans toutes les directions. Les tranchées me fascinèrent au point que j'oubliai complètement la guerre. Elles semblaient sur le sol comme des traits de crayon. Autour des points disputés avec acharnement la terre semblait marquée de la petite vérole. Soudain mon avion embarqua sur l'aile à la suite d'un terrible déplacement d'air. Je revins puissamment vite à la notion qu'il y avait encore la guerre et que je me trouvais au-dessus de la meilleure batterie anti-aérienne allemande du secteur. Immédiatement je changeai d'altitude et de direction. Je m'aperçus alors que d'autres batteries n'avaient cessé de tirer sur moi depuis que j'avais passe les lignes. Je pouvais voir les obus éclater assez loin au-dessous de moi et une longue ligne de flocons de fumée qui faisait sillage derrière mon avion montrant que leurs batteries avaient tiré en vain sur moi.Mais chaque fois que j'allais dans le voisinage de la batterie des «as» c'était une autre histoire. Ils me tenaient de près malgré mes détours. Je grimpai à 5.000 mètres, mais même là ils repérèrent mon altitude exacte. L'autre jour cette même batterie a descendu un Spad à son premier coup de canon. A un moment je pensai voir un appareil allemand très loin au-dessous de moi, mais après avoir tourné attentivement au-dessus je m'aperçus que c'était seulement une saucisse allemande. Je flânais ainsi depuis une heure quand je vis deux autres Nieuport et pensant que c'étaient Johnson et Willis qui revenaient à la vie je les rejoignis. Nous partîmes tous dans une autre direction. Nos avions n'emportent que deux cents litres d'essence, j'étais arrivé presque à la limite et je ne pouvais comprendre pourquoi notre chef de groupe ne faisait pas demi-tour pour rentrer. Je regardai encore ma montre; elle était arrêtée et marquait cependant déjà deux heures de vol. Mon coeur ne fit qu'un bond, je partis sur le champ pour rentrer. Je n'avais su au juste jusqu'à ce moment combien j'aimais la France. Avec difficulté je jetai un coup d'oeil sur la jauge de mon réservoir d'essence et je vis qu'il était presque vide. Vous pouvez imaginer mes impressions d'autant que j'avais à lutter, contre le vent debout. Heureusement j'étais très haut ce qui devait me permettre un vol plané prolongé après arrêt du moteur. Je tenais les yeux rivés aux tranchées et il me semblait qu'il s'écoulait des années avant qu'elles me parussent plus près. Chaque seconde je croyais entendre mon moteur s'arrêter. Enfin j'arrivai au-dessus de nos lignes, si belles, si sympathiques, si hospitalières. Quel soulagement! J'étais rajeuni de dix ans! Soudain je me sentis pris d'une affection réelle pour les tranchées. A ce moment mon moteur se mit à bafouiller, bientôt il s'arrêta. Mais que m'importait! Je n'étais pas pour les Boches ce jour-là! Je piquai immédiatement pour atterrir au champ d'aviation le plus proche, et pour tout arranger, il y en avait un devant moi. Je réussis difficilement à en atteindre le bout. Il se trouvait que mon hélice était largement ébréchée. Je me félicitai de ne pas l'avoir su lorsque j'étais en l'air. Je fus traité avec la plus grande hospitalité et tandis que les mécaniciens faisaient le plein d'essence et remplaçaient mon hélice, les officiers m'invitaient à déjeuner. Peu de temps après que j'eus atterri les deux Nieuport que j'avais suivis revinrent eux aussi au sol. Au lieu de Johnson et Willis je constatai que c'étaient deux pilotes appartenant a l'escadrille qui me traitait avec une telle amabilité! J'essayai d'avoir mon escadrille au téléphone pour l'informer de mes pérégrinations, mais cela demanda une bonne demi-heure. On croyait, étant donné mon manque d'expérience, que j'avais été une proie facile pour quelque avion allemand. ![]() Au cours de la même matinée Hoskier fut obligé d'atterrir sur un champ de fortune pour le même motif que moi. Et Lufbery fut juste à même de rentrer dans nos lignes sur son Spad par suite d'ennuis avec son réservoir d'essence. Et voilà, ça marche! WALTER LOVELL Sergent pilote. |
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SEUL CONTRE SEPT![]() James HALL, aventurier, soldat, pilote de chasse, écrivain, romancier et poète, "l'Américain le plus aimé qui soit jamais venu dans les Tropiques" |
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La Médaille Militaire a été conférée au caporal
pilote Hall, James (active), de l'escadrille N.124: «Citoyen américain; réformé,
après avoir été mitraileur dans l'armée britannique,
est venu se rengager comme pilote à l'escadrille La
Fayette. Dès son arrivée a montré un courage splendide
et le plus pur esprit de sacrifice. Le 26 juin 1917 a
foncé seul sur sept avions ennemis, étonnant
d'admiration les troupes à terre qui suivaient le
combat. Blessé grièvement dans la lutte, a réussi à
ramener son appareil dans nos lignes. A perdu
connaissance en disant: «Je regrette seulement de
n'avoir pas été plus expérimenté, j'aurais pu en
descendre plusieurs».
«La présente nomination comporte l'attribution de la Croix de Guerre avec palme». Cette citation à l'ordre de l'armée a été décernée au caporal James Norman Hall à la suite du plus remarquable fait d'armes dont s'enorgueillisse l'histoire de l'escadrille La Fayette, et que je crois unique dans les annales de l'aviation française. Le caporal Hall, qui n'était que depuis quelques jours sur le front avec l'escadrille américaine recevait l'ordre le 26 juin, à la fin de l'après-midi, de faire une dernière sortie en compagnie du lieutenant Thaw, du Lufbery et d'autres pilotes expérimentés. Hall fut le dernier à quitter le champ et en arrivant au-dessus des tranchées il se trouva seul. Il patrouilla quelques minutes au long des lignes à la recherche de ses camarades ou d'un avion ennemi, tout en prenant plaisir à la nouveauté du spectacle. Au-dessous de lui, à plus de 4.000 mètres, un bombardement intense faisait rage, en prélude à une attaque de nuit. De petits flocons blancs éclataient sans discontinuer autour de lui, indiquant qu'il avait attiré l'attention des batteries spéciales allemandes, mais Hall prêtait peu d'attention à cela: il était à la recherche d'un avion ennemi. Il s'était tout à fait engagé au-dessus du territoire ennemi lorsqu'il aperçut, à environ 500 mètres au-dessus de lui, un aéroplane de reconnaissance aux croix noires, et au même moment il vit, à sa hauteur de vol, un groupe de six avions de chasse. Hall délibéra à peu près trois secondes sur ce qu'il avait à faire, puis plongea tout droit à, l'attaque du biplace. Immédiatement les six appareils de combat s'élancèrent à la poursuite de l'audacieux Américain et au moment même où il ouvrait le feu sur l'avion de reconnaissance ils commencèrent à l'encercler et à tirer sur lui. Hall constata qu'il se trouvait dans un dangereux guepier et se mit à manoeuvrer pour faire de vive force sa trouée. Une balle l'atteignit au front, puis, tandis qu'il faisait un renversement une autre lui passa entre les jambes lui effleurant la cuisse. Un autre projectile le toucha sous l'omoplate, à l'épaule gauche, et traversa la poitrine tout près du coeur. Hall perdit connaissance et ce fut la chute. Le combat s'était déroulé à deux kilomètres environ à l'intérieur des lignes allemandes et les milliers de poilus français qui avaient suivi anxieusement de leurs tranchées les péripéties de ce duel inégal éprouvaient la certitude que le Nieuport allait s'écraser en territoire ennemi. Mais bien qu'il fût évanoui, Hall d'instinct avait gardé les mains crispées aux commandes de son avion qui se redressa et continua sa route en vol plané vers les tranchées françaises. L'appareil se trouvait à 400 mètres environ derrière la première ligne, chez nous, lorsque Hall reprit connaissance quelques instants, ne sachant où il était il coupa l'allumage, manœuvra, et à la stupéfaction navrée des Français qui le suivaient du regard, il reprit la direction des lignes ennemies. Puis Hall s'évanouit pour la seconde fois. Cette incompréhensible manoeuvre, l'aviateur américain ne la connut que par le récit des poilus qui étaient allés le dégager des débris de son appareil. Son avion avait touché terre à 150 mètres à peine des premières tranchées boches. Le fuselage, par un hasard providentiel, s'était encastré dans un boyau de communication tandis que les ailes amortissaient la chute, en se faisant appui sur la tranchée, avec un tel bonheur que Hall n'avait pas même une écorchure. Par une étrange coïncidence le premier soldat français qui vint à son secours se nommait Rochambeau. C'était un descendant du grand Rochambeau qui mit son épée au service des treize premiers états confédérés lors de la guerre de l'Indépendance. L'aviateur blessé fut vite transporté au poste de secours de première ligne, à quelques kilomètres. Trois jours plus tard le capitaine Thenault vint à l'hôpital épingler sur la poitrine de Hall la Médaille Militaire et la Croix de Guerre. Le pilote reçut ses décorations avec une modestie caractéristique en disant: «Je vous remercie, mon capitaine, pour le grand honneur qui m'est fait, mais je n'ai rien accompli pour le mériter». Quelques jours plus tard Hall était transféré à l'ambulance américaine à Neuilly et moins de trois semaines après le jour où il avait été blessé il était debout, dans Paris, ne donnant pas l'impression d'un homme qui venait, tout récemment. d'échapper à la mort. ![]() Quand il fut blessé, des récits câblés en Amérique mentionnèrent qu'il avait été tué, et maintenant Hall se divertit fort à lire les articles mortuaires que ses amis des Etats-Unis lui faisaient parvenir. Le caporal James Norman Hall était en Angleterre, en voyage d'agrément au 1 mois d'août 1914. Il s'engagea aussitôt dans un régiment anglais et suivit ses classes comme canonnier. Il passa quinze mois dans les tranchées, dans le nord de la France, lorsqu'il fut déclaré inapte au service et retourna aux Etats-Unis. Il écrivit un livre intéressant et vivant sous le titre: «Ceux de Kitchener», où il racontait ses souvenirs au milieu de l'armée anglaise. Le volume eut un grand succès en Amérique et Hall fut chargé par un éditeur de se rendre en France et d'écrire une série d'articles sur l'escadrille La Fayette. Hall arriva à Paris au mois d'août 1916 et fit la rencontre de bon nombre des aviateurs américains volontaires, y compris le sergent James Rogers Mac Connell, mort depuis. Après avoir eu plusieurs entretiens avec Mac Connell, Hall décida: «Je ne vais pas écrire sur les aviateurs américains, je vais m'engager à l'escadrille La Fayette et voler avec eux». En octobre il entrait à l'école d'aviation d'Avord et à la mi-juin dernier il rejoignait l'escadrille La Fayette sur le front de l'Aisne. A son premier vol sur les lignes il attaquait un avion allemand et emporté par l'ardeur du combat il entrait presque en contact avec son adversaire. Le pilote boche en éprouvait une telle frayeur qu'il ne cherchait pas à tirer sur Hall, mais au contraire mettait son appareil à la verticale et piquait droit jusqu'au sol. Ce fut à sa seconde sortie que Hall fut blessé. A cette chronique des aventures extraordinaires des aviateurs, américains au service de la France il me faut ajouter deux nouvelles anecdotes. Les camarades du sergent pilote Andrev Courtney Campbell, de l'escadrille La Fayette, le considèrent comme l'homme le plus ![]() Campbell maintint l'appareil et coupa l'allumage. L'aile brisée restait encore attachée à l'avion par deux câbles et battait tout autour d'une façon des plus alarmants. 'aéroplane était en danger immédiat de se briser en pièces. Campbell le sentit et aussitôt piqua très fort, comptant que la pression serait suffisante pour détacher complètement le plan brisé. Ce fut ce qui arriva. En manoeuvrant son gauchissement toujours du même côté il put conserver l'équilibre tandis que l'aile brisée, entièrement libérée, flottait en l'air. S'il avait amorcé le plus petit virage l'avion se serait mis instantanément en vrille et se serait écrasé au sol. Les camarades de Campbell le fixaient tous avec des yeux épouvantés, s'attendant à tout moment à l'inévitable catastrophe. Mais par suite de sa rare présence d'esprit, de son sang-froid de pilote et aussi d'une fameuse veine Campbell réussit à revenir au sol sain et sauf et fit un superbe atterrissage dans un champ voisin. il fut cité à l'ordre du groupe et décoré de la Croix de Guerre avec étoile pour cet exploit peu banal. L'élève pilote Laurence Scanlan, lui aussi, est l'un des volontaires américains qui semblent préservés de la mort par un sort. J'ai déjà raconté comment il se battit à la Légion étrangère, fut très grièvement blessé à Givenchy le 16 juin 1915, et comment, après avoir été réformé n° 1 avec sa jambe droite plus courte que l'autre de quinze centimètres, il reprit du service à l'escadrille La Fayette. ![]() Sa modestie à son arrivée à l'école d'aviation était telle, on s'en souvient,qu'il avait soigneusement tenu à laisser ignorer ses actions d'éclat à la Légion, qui l'avaient fait célèbre dans ce régiment de héros. J'eus l'occasion et le plaisir, lors d'une visite que je lui fis, de remédier à cette modestie exagérée en disant à ses camarades ce qu'était Scanlan. En juillet Scanlan prenait son vol à Avord (sur Nieuport pour un vol d'entraînement en vue de passer son brevet). Il était monté à environ 100 mètres lorsqu'il perdit le contrôle de son appareil. Celui-ci piqua à la verticale et s'écrasa sur le toit de la boulangerie du camp. Les soldats qui y travaillaient se précipitèrent au dehors, fort alarmés par la soudaine apparition parmi eux d'un aéroplane. Les moniteurs accoururent de la «piste» s'attendant à ramasser un cadavre au milieu des débris. Scanlan était indemne, cependant, et s'était vite dégagé du bâtiment endommagé et s'ébrouait au dehors. L'un des chefs pilotes de l'école qui ne connaissait pas l'Américain lui donna ordre de se mettre au travail pour porter secours au pilote en le retirant de l'avion brisé. Scanlan répondit que le pilote n'avait que faire de secours et qu'il s'était déjà secouru lui-même. Le chef pilote demanda alors qui était tombé. - C'était moi, mon capitaine, répondit Scanlan. Le lendemain Scanlan partit sur un autre appareil. Arrivé à 500 mètres son avion se mit en vrille et Scanlan ne réussit à le rétablir qu'à l'arrivée au sol, et trop tard pour éviter un second naufrage. Il était plutôt ébranlé mais non découragé et s'entraîne actuellement pour son brevet sur un autre type d'appareil. PAUL AYRES ROCKWELL |
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Les "Lafayette de l'Air" par le Président Roosevelt son fils le Lieutenant Quentin Roosevelt sera tué en combat aérien |
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Combats dans le Ciel Nous sommes
particulièrement heureux de publier cette page du
Président Roosevelt, toute vibrante de patriotisme,
sur les jeunes Américains qui se dévouent pour la
France et qu'il a si joliment appelés les "Lafayette
de l'air", de la revue ‘Je Sais Tout’
de 15 décembre 1916
![]() Récemment, j'ai eu la bonne fortune de lire une lettre — privée — adressée à son père par l'un des jeunes aviateurs qui font campagne pour la France. Naturellement, cette lettre n'était pas destinée à être publiée, mais la personne à laquelle elle était envoyée est un vieil ami des miens — et j'avais le plus vif désir de faire savoir aux jeunes combattants américains de France, que, chez nous, l'on est fier d'eux — aussi ai-je pris la liberté de reproduire une partie de la lettre: CHER PÈRE, Vous apprendrez avec plaisir que, depuis la constitution de notre escadrille américaine j'ai «descendu» une autre machine allemande. Cela s'est passé le 24 mai, quand notre camarade Thaw, après avoir aballu un fokker, a effectué une sortie avec nous. En fait, c'était la première sortie d'ensemble de l’escadrille et les jeunes pilotes verts, qui sont « piquants comme de la moutarde », se mirent en route avec une belle crânerie. Nous avons bientôt rencontré un groupe d'aviatiks allemands — et la petite fête a commencé! Les appareils ennemis étant moins rapides que les notres, ce que nous avions de mieux à faire c'était de « plonger » à 1.000 mètres environ, au- dessous d'eux. Ah! le curieux spectacle! Thaw, malheureusement, fut entouré par trois gros appareils allemands, d'où, avant qu'il ne pût s'échapper, on lui décocha une balle — qu'il recul dans le bras gauche (rien de grave). Son moteur et son réservoir furent perforés, ce qui ne laissa pas de gêner quelque peu sa retraite. Il toucha terre derrière nos tranchées de troisième ligne. Mais, le plaisant de l'aventure, c'est que Thaw n'avait pas conscience d'avoir si bien manœuvré: il se croyait au pouvoir des ennemis — à telle enseigne que les soldais français qui le recueillirent et le ramenèrent à la vie ne purent le convaincre qu'il n'était pas tombé dans les lignes allemandes! Quant à Victor Chapmann, son appareil fut criblé de Irous, une balle traversa même la manche de noire camarade, rasant le bras. Dieu sait comment il put revenir parmi nous! Moi, j'ai touché deux aviatiks allemands, cependant qu'ils effectuaient leur réglage, fait chavirer l'un d'eux que j ai été assez heureux pour « descendre », durant que ses amis, de l'autre machine, s'éventuaient contre moi. Après l'attaque, j'avais eu un mauvais moment à passer: mon moteur, que j'avais coupé, se refusait à fonctionner de sorte que j'avais déjà de vagues visions de pain KK!... Mais au bout de quelques secondes — des heures, à ce qu'il me sembla! — je pus reprendre la marche. En somme, gros succès, et vous pensez bien que notre réputation s'en ressentit tout de suite, les camarades français nous appelaient les « terribles Américains! » J’ai survolé Verdun pendant une centaine d'heures. Je n'ai pas été bien portant le mois dernier, par suite de troubles du cœur résultant des altitudes élevées où j'évoluais, etc., etc. ![]()
Le 30 juin, a été célébré en l'église de la Trinité, à New-York, un service religieux à la mémoire de ce brave Victor Chapmann, caporal de l'escadrille américaine d'aviation, mort dans un combat aérien au-dessus des tranchées. Chapmann faisait partie de la troupe de jeunes aviateurs américains qui comprenait: Elliot Cowdin, Norman Prince, Larry Rumsey, Clyde Baisley, William-K. Thaw, Kiffen Rockwell, Bert Hall — je crois les citer tous, sans en oublier un! La presse a signalé qu'à l'exception de deux, tous les membres de ce corps américain d'aviation ont reçu des décorations et des grades. Entre tous ces vaillants jeunes gens, Victor Chapmann était l'un des plus distingués. Chapmann avait été élevé dans une école, puis dans un lycée d'Amérique. Quoique jeune, il s'était occupé activement et brillamment de questions sociales et avait consacré la meilleure partie de son temps à l'étude de l'amélioration du régime des prisons. Son noble coeur avait bondi d'indignation lors de l'invasion de la malheureuse Belgique, et Chapmann avait considéré comme un devoir sacré de combattre à côté des alliés, car il joignait à un courage intrépide cet esprit de dévouement à l'idéalisme qui fait les citoyens vraiment dignes de ce nom. Il affirma ses qualités d'aviateur émérite en détruisant quatre aéroplanes ennemis. Les Français, relatant sa mort glorieuse, ont annoncé que des services religieux seraient célébrés en l'honneur de ce fils de la libre Amérique qui avait donné sa vie pour la cause des alliés. Le peuple américain a eu peu de motifs de légitime fierté, au cours de ces deux dernières années — alors que les raisons de honte amère et d'humiliation ont été nombreuses pour lui! Nous devons donc beaucoup à ces jeunes gens de cœur généreux, qui ont prouvé, non seulement qu'ils n'étaient pas « trop fiers pour se battre », mais encore qu'ils avaient le courage de mourir pour leurs convictions! Dans la
mesure de leurs moyens, ils ont épargné à notre pays le
double reproche de matérialisme grossier et de niais
sentimentalisme. Dans la mesure de leurs moyens, ils
nous ont sauvés de l'accusation d'être un peuple faible,
avide et poltron.
Au moment même de la mort de Chapmann, un de nos grands partis politiques tenait congrès à Saint-Louis. Il y eut, à ce congrès, des débordements d'enthousiasme, mais ce qui les provoqua, ce ne fut ni l'héroïsme, ni la justice, ni l'honneur national, ni le courage, ni l'esprit de sacrifice... De ces choses, le congrès n'avait cure; à en parler, on n'eût pas conquis un applaudissement! Pour se faire acclamer frénétiquement, les orateurs qui donnaient le ton n'avaient qu'à célébrer les bienfaits de la paix, honteuse et lâche, cette paix que l'on s'assure en refusant secours aux faibles, en restant impassible devant le meurtre de nos femmes et de nos enfants, sur mer et au Mexique. Un de ces orateurs signala qu'il n'y avait pas en Amérique une seule veuve, un seul orphelin de guerre — et les membres du congrès trouvèrent cela si admirable que, dans un délirant enthousiasme, ils clamèrent: « Répétez ces paroles! » Et l'orateur recommença. Le fait était inexact, naturellement, car les petites guerres sans gloire que nous avons faites au Mexique ont créé des veuves et des orphelins. Et, les bras croisés, les hommes qui peuvent se battre n'ont-ils pas vu des veuves, des orphelins, perdre la vie, eux aussi, du fait des sous-marins allemands et des bandits mexicains! La foule a sympathisé bruyamment avec les couards qui n'avaient pas eu le courage de prendre les armes et n'a pas eu un mot de regret, de commisération, pour les victimes, pour les femmes et les enfants qui ont péri, tout cela parce que des étrangers féroces avaient la conviction — ils étaient d'ailleurs fondés à l'avoir, cette conviction!— que la nation américaine ne pourrait pas, ou ne voudrait pas, protéger les existences des citoyens américains et n'exigerait pas du gouvernement des Etats-Unis une action énergique. C'est une honte que des sentiments aussi bas puissent trouver de l'écho et de la sympathie dans notre pays! Aussi, le plus grand respect est-il dû aux hommes qui, comme Victor Chapmann, ont attesté que le courage et l'idéal ne sont pas morts chez nous! Theodore Roosevelt |
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LE SERGENT PILOTE PAUL
PAVELKA![]() |
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Le sergent
Paul Pavelka, le seul pilote américain engagé en France
qui soit à l'heure actuelle sur le front de Salonique,
fit preuve l'hiver dernier dans a Somme, alors qu'il
comptait à l'effectif de l'escadrille La Fayette, d'une
initiative Périlleuse. Les aviateurs boches
avaient pris l'habitude de venir de nuit jeter des
bombes sur les établissements militaires, y compris le
champ d'aviation des pilotes américains, et aussi sur
les villes ouvertes. Pavelka et le regretté lieutenant de Laage de Meux, commandant en second de l'escadrille américaine, s'offrirent pour voler la nuit et livrer combat aux Allemands. Ils munirent leurs aéroplanes d'appareils d'éclairage pour pouvoir se taire reconnaître par les batteries anti- aériennes françaises, puis ils attendirent l'arrivée d'une expédition allemande de bombardement. Au cours de l'un de ses premiers vols de nuit Pavelka eut une aventure exceptionnelle qui est l'une des impressions les plus vives qu'aitjamais eues un aviateur américain. Il m'en écrivit le récit suivant: «Les Boches sont venus l'autre nuit, en expédition au-dessus de notre camp.... (13 lignes censurées.) «Au milieu de tout cet émoi je pris mon vol sur mon 15 mètres 80 HP Nieuport dans l'espoir de rencontrer l'un des Huns et de l'ajouter à mon tableau. J'avais quitté le sol lorsque mes phares s'éteignirent. Ce n'était pas le moment de rebrousser chemin, aussi continuai-je sans lumières. Ne pouvant plus faire de signaux à ceux d'en-bas, je fus en but au tir le plus intense de nos propres canons. «Je continuai à prendre de la hauteur sans apercevoir le moins du monde nos agresseurs. Chose étrange à dire, je savais exactement où j'étais pendant tout le temps de mon vol jusqu'au dessus... A ce moment, tout d'un coup, toutes les lumières terrestres s'éteignirent et à partir de cet instant je fus complètement perdu. «Atterrir eut certainement été désastreux pour moi. Chaque fois que je me rapprochais de terre les canons se mettaient à ouvrir le feu sur l'avion inconnu. Les canonniers ne me voyaient pas, mais ils tiraient dans la direction du bruit du moteur, avec des obus traceurs. Et il y en eut qui vinrent fort près, je puis l'affirmer. «Je volais toujours, décrivant des cercles, car je ne me souciais pas de m'éloigner de mon champ d'aviation. A l'aube, ma provision d'essence se trouva complètement épuisée et j'atterris à à environ quarante kilomètres de l'aérodrome. Le mauvais temps m'obligea à y rester trois jours. Je me présentai au château, occupé par des officiers anglais qui m'accueillirent royalement et finalement m'offrirent l'hospitalité. Dès que le temps s'éclaircit je rentrai au bercail.». Pavelka apprit par la suite qu'il avait été signalé tout autour.... comme aviateur ennemi, ce qui avait causé partout un grand branlebas..... fut bombardée plusieurs fois par les Allemands qui tuèrent beaucoup de femmes et d'enfants. Une fois une de leurs bombes tomba sur un hôpital militaire. Elle atteignit le lit occupé par un soldat blessé à l'endroit même où se fut trouvée sa jambe gauche si le chirurgien ne l'avait pas amputé la veille au matin. La bombe toucha le parquet sans éclater. Pavelka est âgé de vingt-six ans. Il est le petit-fils d'un Russe qui dut s'expatrier en Amérique pour des raisons politiques. Pavelka, de nature aventureuse, quitta le foyer familial à l'âge de quatorze ans et a, depuis lors, visité tous les coins du globe. Il s'engagea pour une période de service sur un cuirassé américain, le Maryland, puis navigue sur divers navires sur tous les océans. Il passa une année dans un camp de bûcherons au Canada, fut chercheur d'or sur le Yukon, et se fit des relations dans la mer du Sud, dans la plupart des îles du Pacifique, en Nouvelle-Zélande et en Australie. Avec un compagnon il lui arriva une fois de faire à pied la traversée des Indes, voyage qui lui demanda de longues semaines et lui fit faire ample connaissance avec les Indiens. Quand la guerre fut déclarée en Europe, Pavelka prit aussitôt passage sur un bateau qui faisait la traversée du Canada en Angleterre, avec l'espoir de s'engager dans la marine britannique. Au bureau de recrutement, à Londres, son engagement fut refusé à cause de sa nationalité, la flotte anglaise n'acceptant l'engagement d'aucun étranger. Résolu, le jeune Américain s'engagea alors dans l'armée de «Counani», que l'on appela aussi «la légion étrangère de Londres», et vint en France avec cette formation. A La Palice il obtint du colonel Beaufort, qui commandait le bataillon de «Counani» que sa liberté lui fut rendue et il fit les démarches pour entrer à la Légion Etrangère. Pavelka ne connaissait pas un seul mot de français, néanmoins il pénétra résolument dans un bureau de recrutement. N'y trouvant personne qui parlât anglais, il saisit un manche à balai et se mit à faire du maniement d'armes. Les spectateurs en uniforme comprirent aussitôt et Pavelka fut enrôlé dans la Légion Etrangère et envoyé à Bayonne à l'entraînement pour les vrais combats. Au camp, les autres Américains surnommèrent Pavelka le «mousse» et le surnom lui resta. Après plusieurs mois de tranchées, Pavelka, avec les autres volontaires américains de son régiment, prit part le 9 mai à la première offensive de l'Artois. Cinq semaines plus tard ce fut encore la Légion qui partit à l'assaut des positions allemandes en Artois. Aux tranchées ennemies de seconde ligne, à la cote 119, Pavelka fut blessé à la jambe d'un coup de baïonnette par un Bavarois. Après avoir mis à mal Pavelka, le Boche jeta son arme en criant: «Kamarade!» Le «mousse» répondit: «Aujourd'hui il n'y a pas de camarade» et il fit sauter la cervelle de son assaillant. Puis il pansa sa blessure d'où le sang coulait et rampa vers l'arrière jusqu'au poste de secours le plus proche. Bientôt remis de sa blessure, Pavelka rejoignit la Légion au camp de La Valbonne où elle séjourna quelques semaines puis retourna au front à temps pour prendre part vaillamment à toute l'offensive de Champagne, en septembre et octobre 1915. Au début de décembre il passa dans l'aviation et après avoir suivi toutes les étapes de l'entraînement dans les écoles, centres de perfectionnement, d'acrobatie et de préparation au combat, il rejoignit l'escadrille américaine sur le front de Verdun. Il y combattit courageusement, triomphant de nombreux aviateurs allemands dans les batailles aériennes livrées au-dessus de Vaux, Douaumont et autres forts désormais fameux. Un jour son avion prit feu en plein vol et le «mousse» faillit être brûlé vif. Il put néanmoins, grâce à son adresse de pilote et à son sang-froid, atterrir dans un marais, près de Verdun, mais il n'oubliera jamais, avoue-t-il, les terribles sensations qu'il éprouva au cours de ce voyage aérien. Pavelka se présenta comme volontaire pour aller à l'armée d'Orient en janvier 1917. La citation suivante témoigne de sa vaillance: «Grièvement blessé dans l'infanterie le 16 juin 1915. Passé dans l'aviation, est devenu un pilote de chasse ardent, opiniâtre, et d'une grande conscience. Ne cesse de donner en Orient des preuves d'allant et de dévouement. Nombreux combats à la suite desquels il est rentré fréquemment avec des balles dans son appareil». |
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L'un
des
plus adroits, des plus expérimentés et des plus
actifs parmi les pilotes aujourd'hui au front à
l'escadrille La Fayette est le sergent Walter
Lovell, de Boston (Massachusetts), qui entra
au service de la France dès les premiers jours de la
guerre. Il fut chargé en janvier 1915, avec Mac
Connell de conduire une ambulance de la Croix-Rouge
au front.
Le sergent Lovell fit partie pendant tout l'été et l'automne 1915 de la formation de la Croix-Rouge de Pont-à-Mousson, qui a fourni à l'escadrille La Fayette les Pilotes Willis Haviland, Dudley Hill, Kenneth Marr, Harold Willis et Mac Connell. Le sous-lieutenant Jean Huffer, qui a été versé dans une escadrille de chasse française et qui a abattu quatre avions faisait également partie de la section de Pont-à-Mousson avec Lovell, de même que Lief Norman Barclay qui vient d'être descendu au cours d'une croisière. Après de longs mois à Pont-à-Mousson, Lovell fut envoyé à Bar-le-Duc comme chef d'une section d'ambulance. Lorsque Bar-le-Duc fut bombardé il se distingua, dirigeant les secours à la tête de ses hommes au milieu du bombardement; il reçut pour ce fait la Croix de Guerre. Peu après, désirant servir la France comme combattant il alla comme élève pilote à Buc. Il rejoignit l'escadrille américaine en mars dernier et m'adressa alors la lettre suivante. - P. A. R. ![]() J'ai fait mon premier vol au-dessus des lignes l'autre matin. J'étais parti avec Johnson et Willis, le premier étant notre chef de groupe. Mais peu après notre départ Johnson fit demi-tour, sa mitrailleuse étant enrayée. Quant à Willis, je ne le vis nulle part. Il paraît qu un piston de son moteur se brisa lorsqu'il avait quitté le champ et qu'il eut bien du mal à revenir y atterrir. Dès lors je décidai de continuer tout seul. Je montai à 4.000 mètres pour être autant que possible en sûreté. Il faisait merveilleusement clair et je pouvais voir à des dizaines de kilomètres dans toutes les directions. Les tranchées me fascinèrent au point que j'oubliai complètement la guerre. Elles semblaient sur le sol comme des traits de crayon. Autour des points disputés avec acharnement la terre semblait marquée de la petite vérole. Soudain mon avion embarqua sur l'aile à la suite d'un terrible déplacement d'air. Je revins puissamment vite à la notion qu'il y avait encore la guerre et que je me trouvais au-dessus de la meilleure batterie anti-aérienne allemande du secteur. Immédiatement je changeai d'altitude et de direction. Je m'aperçus alors que d'autres batteries n'avaient cessé de tirer sur moi depuis que j'avais passe les lignes. Je pouvais voir les obus éclater assez loin au-dessous de moi et une longue ligne de flocons de fumée qui faisait sillage derrière mon avion montrant que leurs batteries avaient tiré en vain sur moi.Mais chaque fois que j'allais dans le voisinage de la batterie des «as» c'était une autre histoire. Ils me tenaient de près malgré mes détours. Je grimpai à 5.000 mètres, mais même là ils repérèrent mon altitude exacte. L'autre jour cette même batterie a descendu un Spad à son premier coup de canon. A un moment je pensai voir un appareil allemand très loin au-dessous de moi, mais après avoir tourné attentivement au-dessus je m'aperçus que c'était seulement une saucisse allemande. Je flânais ainsi depuis une heure quand je vis deux autres Nieuport et pensant que c'étaient Johnson et Willis qui revenaient à la vie je les rejoignis. Nous partîmes tous dans une autre direction. Nos avions n'emportent que deux cents litres d'essence, j'étais arrivé presque à la limite et je ne pouvais comprendre pourquoi notre chef de groupe ne faisait pas demi-tour pour rentrer. Je regardai encore ma montre; elle était arrêtée et marquait cependant déjà deux heures de vol. Mon coeur ne fit qu'un bond, je partis sur le champ pour rentrer. Je n'avais su au juste jusqu'à ce moment combien j'aimais la France. Avec difficulté je jetai un coup d'oeil sur la jauge de mon réservoir d'essence et je vis qu'il était presque vide. Vous pouvez imaginer mes impressions d'autant que j'avais à lutter, contre le vent debout. Heureusement j'étais très haut ce qui devait me permettre un vol plané prolongé après arrêt du moteur. Je tenais les yeux rivés aux tranchées et il me semblait qu'il s'écoulait des années avant qu'elles me parussent plus près. Chaque seconde je croyais entendre mon moteur s'arrêter. Enfin j'arrivai au-dessus de nos lignes, si belles, si sympathiques, si hospitalières. Quel soulagement! J'étais rajeuni de dix ans! Soudain je me sentis pris d'une affection réelle pour les tranchées. A ce moment mon moteur se mit à bafouiller, bientôt il s'arrêta. Mais que m'importait! Je n'étais pas pour les Boches ce jour-là! Je piquai immédiatement pour atterrir au champ d'aviation le plus proche, et pour tout arranger, il y en avait un devant moi. Je réussis difficilement à en atteindre le bout. Il se trouvait que mon hélice était largement ébréchée. Je me félicitai de ne pas l'avoir su lorsque j'étais en l'air. Je fus traité avec la plus grande hospitalité et tandis que les mécaniciens faisaient le plein d'essence et remplaçaient mon hélice, les officiers m'invitaient à déjeuner. Peu de temps après que j'eus atterri les deux Nieuport que j'avais suivis revinrent eux aussi au sol. Au lieu de Johnson et Willis je constatai que c'étaient deux pilotes appartenant a l'escadrille qui me traitait avec une telle amabilité! J'essayai d'avoir mon escadrille au téléphone pour l'informer de mes pérégrinations, mais cela demanda une bonne demi-heure. On croyait, étant donné mon manque d'expérience, que j'avais été une proie facile pour quelque avion allemand. Au cours de la même matinée Hoskier fut obligé d'atterrir sur un champ de fortune pour le même motif que moi. Et Lufbery fut juste à même de rentrer dans nos lignes sur son Spad par suite d'ennuis avec son réservoir d'essence. Et voilà, ça marche! WALTER LOVELL Sergent pilote. |
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SEUL
CONTRE SEPT |
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La Médaille
Militaire a été conférée au caporal pilote Hall, James
(active), de l'escadrille N.124: «Citoyen
américain;
réformé, après avoir été mitraileur dans l'armée
britannique, est venu se rengager comme pilote à
l'escadrille La Fayette. Dès son arrivée a montré un
courage splendide et le plus pur esprit de sacrifice.
Le 26 juin 1917 a foncé seul sur sept avions ennemis,
étonnant d'admiration les troupes à terre qui
suivaient le combat. Blessé grièvement dans la lutte,
a réussi à ramener son appareil dans nos lignes. A
perdu connaissance en disant: «Je regrette seulement
de n'avoir pas été plus expérimenté, j'aurais pu en
descendre plusieurs».
«La présente nomination comporte l'attribution de la Croix de Guerre avec palme». Cette citation à l'ordre de l'armée a été décernée au caporal James Norman Hall à la suite du plus remarquable fait d'armes dont s'enorgueillisse l'histoire de l'escadrille La Fayette, et que je crois unique dans les annales de l'aviation française. Le caporal Hall, qui n'était que depuis quelques jours sur le front avec l'escadrille américaine recevait l'ordre le 26 juin, à la fin de l'après-midi, de faire une dernière sortie en compagnie du lieutenant Thaw, du Lufbery et d'autres pilotes expérimentés. Hall fut le dernier à quitter le champ et en arrivant au-dessus des tranchées il se trouva seul. Il patrouilla quelques minutes au long des lignes à la recherche de ses camarades ou d'un avion ennemi, tout en prenant plaisir à la nouveauté du spectacle. Au-dessous de lui, à plus de 4.000 mètres, un bombardement intense faisait rage, en prélude à une attaque de nuit. De petits flocons blancs éclataient sans discontinuer autour de lui, indiquant qu'il avait attiré l'attention des batteries spéciales allemandes, mais Hall prêtait peu d'attention à cela: il était à la recherche d'un avion ennemi. Il s'était tout à fait engagé au-dessus du territoire ennemi lorsqu'il aperçut, à environ 500 mètres au-dessus de lui, un aéroplane de reconnaissance aux croix noires, et au même moment il vit, à sa hauteur de vol, un groupe de six avions de chasse. Hall délibéra à peu près trois secondes sur ce qu'il avait à faire, puis plongea tout droit à, l'attaque du biplace. Immédiatement les six appareils de combat s'élancèrent à la poursuite de l'audacieux Américain et au moment même où il ouvrait le feu sur l'avion de reconnaissance ils commencèrent à l'encercler et à tirer sur lui. Hall constata qu'il se trouvait dans un dangereux guepier et se mit à manoeuvrer pour faire de vive force sa trouée. Une balle l'atteignit au front, puis, tandis qu'il faisait un renversement une autre lui passa entre les jambes lui effleurant la cuisse. Un autre projectile le toucha sous l'omoplate, à l'épaule gauche, et traversa la poitrine tout près du coeur. Hall perdit connaissance et ce fut la chute. Le combat s'était déroulé à deux kilomètres environ à l'intérieur des lignes allemandes et les milliers de poilus français qui avaient suivi anxieusement de leurs tranchées les péripéties de ce duel inégal éprouvaient la certitude que le Nieuport allait s'écraser en territoire ennemi. Mais bien qu'il fût évanoui, Hall d'instinct avait gardé les mains crispées aux commandes de son avion qui se redressa et continua sa route en vol plané vers les tranchées françaises. L'appareil se trouvait à 400 mètres environ derrière la première ligne, chez nous, lorsque Hall reprit connaissance quelques instants, ne sachant où il était il coupa l'allumage, manœuvra, et à la stupéfaction navrée des Français qui le suivaient du regard, il reprit la direction des lignes ennemies. Puis Hall s'évanouit pour la seconde fois. Cette incompréhensible manoeuvre, l'aviateur américain ne la connut que par le récit des poilus qui étaient allés le dégager des débris de son appareil. Son avion avait touché terre à 150 mètres à peine des premières tranchées boches. Le fuselage, par un hasard providentiel, s'était encastré dans un boyau de communication tandis que les ailes amortissaient la chute, en se faisant appui sur la tranchée, avec un tel bonheur que Hall n'avait pas même une écorchure. Par une étrange coïncidence le premier soldat français qui vint à son secours se nommait Rochambeau. C'était un descendant du grand Rochambeau qui mit son épée au service des treize premiers états confédérés lors de la guerre de l'Indépendance. L'aviateur blessé fut vite transporté au poste de secours de première ligne, à quelques kilomètres. Trois jours plus tard le capitaine Thenault vint à l'hôpital épingler sur la poitrine de Hall la Médaille Militaire et la Croix de Guerre. Le pilote reçut ses décorations avec une modestie caractéristique en disant: «Je vous remercie, mon capitaine, pour le grand honneur qui m'est fait, mais je n'ai rien accompli pour le mériter». Quelques jours plus tard Hall était transféré à l'ambulance américaine à Neuilly et moins de trois semaines après le jour où il avait été blessé il était debout, dans Paris, ne donnant pas l'impression d'un homme qui venait, tout récemment. d'échapper à la mort. ![]() Quand il fut blessé, des récits câblés en Amérique mentionnèrent qu'il avait été tué, et maintenant Hall se divertit fort à lire les articles mortuaires que ses amis des Etats-Unis lui faisaient parvenir. Le caporal James Norman Hall était en Angleterre, en voyage d'agrément au 1 mois d'août 1914. Il s'engagea aussitôt dans un régiment anglais et suivit ses classes comme canonnier. Il passa quinze mois dans les tranchées, dans le nord de la France, lorsqu'il fut déclaré inapte au service et retourna aux Etats-Unis. Il écrivit un livre intéressant et vivant sous le titre: «Ceux de Kitchener», où il racontait ses souvenirs au milieu de l'armée anglaise. Le volume eut un grand succès en Amérique et Hall fut chargé par un éditeur de se rendre en France et d'écrire une série d'articles sur l'escadrille La Fayette. Hall arriva à Paris au mois d'août 1916 et fit la rencontre de bon nombre des aviateurs américains volontaires, y compris le sergent James Rogers Mac Connell, mort depuis. Après avoir eu plusieurs entretiens avec Mac Connell, Hall décida: «Je ne vais pas écrire sur les aviateurs américains, je vais m'engager à l'escadrille La Fayette et voler avec eux». En octobre il entrait à l'école d'aviation d'Avord et à la mi-juin dernier il rejoignait l'escadrille La Fayette sur le front de l'Aisne. A son premier vol sur les lignes il attaquait un avion allemand et emporté par l'ardeur du combat il entrait presque en contact avec son adversaire. Le pilote boche en éprouvait une telle frayeur qu'il ne cherchait pas à tirer sur Hall, mais au contraire mettait son appareil à la verticale et piquait droit jusqu'au sol. Ce fut à sa seconde sortie que Hall fut blessé. A cette chronique des aventures extraordinaires des aviateurs, américains au service de la France il me faut ajouter deux nouvelles anecdotes. Les camarades du sergent pilote Andrev Courtney Campbell, de l'escadrille La Fayette, le considèrent comme l'homme le plus chançard du monde d'être encore vivant. Le 7 juillet au matin Campbell était parti sur Nieuport faire un vol d'essai. Il s'éleva à 1.500 mètres en restant au-dessus du champ, puis il piqua quelque peu pour tirer à la mitrailleuse sur une cible placée au sol. A ce moment son plan inférieur gauche se brisa. Campbell maintint l'appareil et coupa l'allumage. L'aile brisée restait encore attachée à l'avion par deux câbles et battait tout autour d'une façon des plus alarmants. 'aéroplane était en danger immédiat de se briser en pièces. Campbell le sentit et aussitôt piqua très fort, comptant que la pression serait suffisante pour détacher complètement le plan brisé. Ce fut ce qui arriva. En manoeuvrant son gauchissement toujours du même côté il put conserver l'équilibre tandis que l'aile brisée, entièrement libérée, flottait en l'air. S'il avait amorcé le plus petit virage l'avion se serait mis instantanément en vrille et se serait écrasé au sol. Les camarades de Campbell le fixaient tous avec des yeux épouvantés, s'attendant à tout moment à l'inévitable catastrophe. Mais par suite de sa rare présence d'esprit, de son sang-froid de pilote et aussi d'une fameuse veine Campbell réussit à revenir au sol sain et sauf et fit un superbe atterrissage dans un champ voisin. il fut cité à l'ordre du groupe et décoré de la Croix de Guerre avec étoile pour cet exploit peu banal. L'élève pilote Laurence Scanlan, lui aussi, est l'un des volontaires américains qui semblent préservés de la mort par un sort. J'ai déjà raconté comment il se battit à la Légion étrangère, fut très grièvement blessé à Givenchy le 16 juin 1915, et comment, après avoir été réformé n° 1 avec sa jambe droite plus courte que l'autre de quinze centimètres, il reprit du service à l'escadrille La Fayette. ![]() Sa modestie à son arrivée à l'école d'aviation était telle, on s'en souvient,qu'il avait soigneusement tenu à laisser ignorer ses actions d'éclat à la Légion, qui l'avaient fait célèbre dans ce régiment de héros. J'eus l'occasion et le plaisir, lors d'une visite que je lui fis, de remédier à cette modestie exagérée en disant à ses camarades ce qu'était Scanlan. En juillet Scanlan prenait son vol à Avord (sur Nieuport pour un vol d'entraînement en vue de passer son brevet). Il était monté à environ 100 mètres lorsqu'il perdit le contrôle de son appareil. Celui-ci piqua à la verticale et s'écrasa sur le toit de la boulangerie du camp. Les soldats qui y travaillaient se précipitèrent au dehors, fort alarmés par la soudaine apparition parmi eux d'un aéroplane. Les moniteurs accoururent de la «piste» s'attendant à ramasser un cadavre au milieu des débris. Scanlan était indemne, cependant, et s'était vite dégagé du bâtiment endommagé et s'ébrouait au dehors. L'un des chefs pilotes de l'école qui ne connaissait pas l'Américain lui donna ordre de se mettre au travail pour porter secours au pilote en le retirant de l'avion brisé. Scanlan répondit que le pilote n'avait que faire de secours et qu'il s'était déjà secouru lui-même. Le chef pilote demanda alors qui était tombé. - C'était moi, mon capitaine, répondit Scanlan. Le lendemain Scanlan partit sur un autre appareil. Arrivé à 500 mètres son avion se mit en vrille et Scanlan ne réussit à le rétablir qu'à l'arrivée au sol, et trop tard pour éviter un second naufrage. Il était plutôt ébranlé mais non découragé et s'entraîne actuellement pour son brevet sur un autre type d'appareil. PAUL AYRES ROCKWELL |
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The
Lafayette Escadrille by Narayan Sengupta
Columnist, National Museum of Commercial Aviation (NMCA), Atlanta near Hartsfield-Jackson, ![]() Free Preview |
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![]() ![]() ![]() ![]() more source ![]() Liens ![]() Motivations of the Lafayette Escadrille Pilots by Guy Nasuti "I have no hesitation in confessing that I had gotten into this scrap through a pure desire for adventure and without any clear idea of what I was letting myself in for." ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() Willis B. Haviland joined the "American Ambulance Corps" in 1915 and served on the Alsace Front for 17 continuous months. He left the ambulance corps, obtained his pilot's license on September 7, 1916, and was officially enrolled as the Lafayette Escadrille's 16th American member on October 22, 1916, at which point the scrapbooks begin. Certificate issued to the members of the Lafayette Flying Corps Haviland was listed as No. 15 on this certificate, he was the 16th member of the Lafayette Escadrille. ![]() ![]() ![]() ![]() de institut-strategie L’Escadrille Lafayette : Unité Volontaire de Combat Oubliée de l’Amérique. Comme pour l'Aéropostale, préparant les pages sur les Américains et l'Escadrille La Fayette, je suis tombé, contact, sur des articles où l'auteur, malgré un excellent travail, emploie trop de termes impropres à L'AERONAUTIQUE. L’Escadrille Lafayette : Unité Volontaire de Combat Oubliée de l’Amérique. Chapitre un Table des matières Avant-propos 2 L’Escadrille Lafayette : Unité volontaire de combat oubliée de l’Amérique 3 Courte histoire de l’Escadrille Lafayette 5 Une Mauvaise intégration par le Service Aérien Américain de l’Escadrille Lafayette 7 L’Héritage des aviateurs Lafayette 8 La Défaillance de l’Amérique pour commémorer les aviateurs Lafayette 9 Un Mémorial dont on se souvient etTable of Contents2 The Lafayette Escadrille: America’s Forgotten Volunteer Fighting Unit 3 A Short History of the Lafayette Escadrille 5 The Failure of the United States Air Service to Properly Integrate the Lafayette Escadrille 7 The Legacy of the Lafayette Aviators 8 America’s Failure to Commemorate the Lafayette Aviators ![]() |
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En dépit du soin apporté à la rédaction de ces pages, il est toujours possible qu'une erreur se soit glissée. Je vous remercie de me faire ![]() |
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