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LA MORT DE MAC CONNELL
par le sergent Genet
« Bonne chance pour le reste de nous 
Que Dieu damne les Boches et vive la France !
Mac Connell. »
Après Chapman, après Rockwell, après Norman Prince, l'escadrille américaine vient de perdre un autre de ses pilotes: le sergent Mac Connell, parti le 19 mars, avec son camarade le sergent Genet, pour effectuer un barrage au moment de l'avance française, n'est pas rentré de sa mission. Mac Connell avait commencé la guerre comme ambulancier et avait gagné la Croix de Guerre à ce titre. Passé ensuite dans l'aviation, il était l'un des plus anciens et des meilleurs membres de la glorieuse unité. Il ne reste plus que le lieutenant Thaw de tous ceux qui avaient formé en avril 1916 à l'escadrille alors dénommée. «franco-américaine».
Un de nos excellents confrères américains, M. Grundy, du New-York Sun, ami personnel de Mac Connell, a eu la grande amabilité de nous communiquer la lettre suivante du sergent Genet où toutes les phases du drame sont retracées d'une façon saisissante.
(3 lignes supprimées)

Mac Connell et moi partîmes ensemble lundi dernier, le 19 mars, faire une reconnaissance le long des nouvelles lignes françaises, autour du village de Ham et de la région sud-est afin de protéger les avions d'observation français qui évoluaient au-dessus de l'ennemi. Un autre camarade partit avec nous, mais dut revenir aussitôt après le départ à cause d'une panne de moteur. Mac et moi continuâmes. Mac en avant. Nous restâmes au-dessus des appareils que nous devions protéger jusqu'à dix heures (nous étions partis à 9) et après, pour une raison inconnue, Mac vira et se dirigea vers le Nord au-dessus des lignes allemandes vers Saint-Quentin. Il désirait probablement faire des observations lui-même sur Saint Quentin. Je le suivais de près et quelque peu au-dessus de lui afin de le tenir bien en vue selon notre coutume quand nous sommes en groupe. Au nord de Ham, nous étions à environ 1.600 mètres lorsque je vis tout à coup deux Boches venir vers nous à une altitude beaucoup plus élevée que la nôtre. L'un d'eux était beaucoup plus près de nous que l'autre. Je regardai Mac pour voir ce qu'il allait faire, mais il continuait comme s'il n'avait pas du tout vu les Boches. Alors, il aperçut le plus proche qui s'avançait de plus en plus dans une attitude menaçante. Essayant de l'avoir seul, je partis à toute vitesse vers lui. Je savais que Mac s'occuperait du second avion s'il était attaqué.
Les nuages étaient très épais, et il y avait une forte brume. Je devais tenir mes yeux sans cesse fixés sur mon adversaire.
J'arrive à sa hauteur, je constate que c'est un biplace. A travers le brouillard, je n'aperçois qu'une croix blanche sur son gouvernail. Il vient devant moi et commence à décrire un cercle autour de moi s'assurant ainsi un grand avantage, car je ne peux tirer que face à lui, tandis que son mitrailleur peut pendant ce temps ouvrir le feu sur moi. Il commence à dérouler sa bande : ses premiers coups me causent quelques dégâts. Un des montants de mon aile supérieure droite est coupé par le milieu, ainsi qu'un hauban de l'aile gauche. La balle coupable de ce méfait me blesse douloureusement à la joue gauche en explosant. Je reçois un choc qui me knock-oute un instant, mais je riposte en opérant un retournement. Nous sommes à moins de 20 mètres et je vire brusquement afin de ne pas entrer en collision. Pendant une seconde, j'eus peur que mon aile gauche entière ne se déchirât à cause de son montant brisé. Le Boche se dirige vers le Nord et s'enfuit. Je descends alors à la recherche de Mac. Mon combat s'était déroulé à environ 2.200 mètres. Je descendis à 1.000 m. au-dessus de Ham, où je tournai en quête de Mac et de l'autre Boche pendant un quart d'heure. Rien. Craignant à tout instant que mon aile gauche ne s'effondrât, me sentant affaibli par le sang que je perdais sous mon casque de cuir, je me dirigeai enfin vers notre camp, espérant que Mac s'en était bien tiré et m'avait précédé, car il était très possible que je n'aie pu le voir dans cette brume.
J'atterris vers 10 h. 45 et ma première question fut pour savoir si Mac Connell était revenu?
Hélas, il ne l'était pas et nous attendîmes tout le jour et la nuit sans succès.
L'avance française, naturellement, continuait de progresser. Les lieutenants de Laage et Lufberry partirent tous deux l'après-midi à la recherche de Mac pour voir s'il était tombé dans les lignes allemandes. Ils ne virent rien.
Avant-hier nous avons reçu un message de quelques cavaliers français qui faisaient le récit de nos combats de lundi : ils déclaraient qu'ils avaient vu Mac, attaqué par deux avions allemands et qu'il avait été abattu dans les lignes ennemies vers Saint-Quentin. Nous apprîmes ainsi qu'il y avait trois Boches. Mac était déjà descendu au moment où je partis à sa recherche. Malgré ces pénibles nouvelles, nous gardions cependant l'espoir que notre ami n'avait pas été tué, mais seulement capturé après avoir été forcé d'atterrir par suite des dégâts faits à son avion. L'autre soir des nouvelles décisives nous arrivèrent : les troupes françaises en avançant avaient trouvé un Nieuport, écrasé avec le corps d'un sergent pilote enfoui sous les débris. Le numéro de l'appareil était celui du Nieuport de Mac.
Le pilote était mort depuis au moins trois jours. L'avion était tombé dans un champ, au sud-est du petit village de Petit-Detroit.
Ces damnés Boches avaient pris tous les papiers de la victime et l'avaient laissé à côté de l'appareil, non sans lui avoir volé tous ses objets de valeur, même ses bottes. Mac sera enterré probablement demain sur un côté de la route auprès de laquelle il est tombé.
Il est doux pour nous de penser que les Français aient avancé sur ce point.
Le capitaine a envoyé une proposition de citation pour Mac et une pour moi aussi. J'aurais bien donné 20 citations pour avoir Mac encore avec nous! Dans la lettre qu'il avait laissée avec mission de l'ouvrir après sa mort, comme c'est l'habitude, pour nous donner ses dernières volontés, il terminait par cette phrase:
«Bonne chance pour le reste de nous, que Dieu damne les Boches, et vive la France!»
SERGENT GENET.