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Extraits de Chasseurs au groupe "La Fayette": du Nieuport au Thunderbolt 1916-1945   Par Jean Gisclon (google book)

L'HISTOIRE DE L'ESCADRILLE LA FAYETTE
Du 20 avril 1916, la création,  jusqu'au delà de l’entrée en guerre des États-Unis le 6 avril 1917, car l'escadrille Lafayette passera  officiellement sous commandement américain le 1er janvier 1918 et effectivement en février 1918 sous l'appellation 103rd Aero Squadron (103rd Pursuit Squadron)
Cette série d'articles fut écrite en mars et avril 1918
par l'adjudant PARSONS,  Edwin Charles "Ted" Parsons





Présentation de cette série par JEAN DAÇAY
Pilote expérimenté, Edwin Charles Parsons se rend en France à la fin de 1915. Il sert dans le service d'ambulance des États-Unis avant de s'enrôler dans la Légion étrangère française. En 1916, il devient pilote dans le service aérien français et est affecté à l'escadrille N124, l'escadrille La Fayette en Janvier 1917. Lorsque la guerre prend fin, Parsons retourne aux États-Unis et rejoint le Federal Bureau of Investigation où il travaille en tant que conseiller de l'aviation pour plusieurs films hollywoodiens. Il est officier de marine pendant la Seconde Guerre mondiale, instructeur à Pensacola Naval Air Station et prend part à la campagne des îles Salomon et est contre-amiral à la fin de la guerre.
Le grand ver brun
Impatient d'être pilote en France
Deux jours à la Légion
Sur «pingouin»
La première «bûche»
La panne de château
Acrobate en quatre leçons
Les débuts à l'escadrille La Fayette
L'escadrille et son passé
La fin de l'avion vert
Le Zeppelin qui tombe
Un exploit de Thaw
Mac Connell et les Huns





Perdu dans une tempête de neige
La mort de Genet
Hoskier tué en combat
Ce que je dois à Lufbery
de Laage se tue
A la  poursuite de Fantômas
La veine extraordinaire de Jim Hall
Le départ pour les Flandre
Aux prises avec le groupe Tango
L'escadrille Lafayette citée à l'ordre de l'armée
Mon premier boche officiel
Quelques anecdotes
Le club des rescapés
L'incendie en plein ciel

Présentation des articles par Jean Daçay 1918
L'HISTOIRE DE L'ESCADRILLE LA FAYETTE



L'ESCADRILLE La Fayette, ou pour parler plus exactement, l'escadrille N. 124, du groupe 13 de l'aviation de chasse française est de toutes les unités de combat de notre cinquième arme celle qui en pleine guerre a suscité le plus grand nombre d'historiens.
D'autres connurent un destin aussi lumineux, et pour n'en citer qu'une, l'escadrille des Cigognes, avec Guynemer, Dorme, Heurtaux, de la Tour, Deullin, et tant d'autres, a des titres éclatants, par ses victoires et ses deuils, à une gloire immortelle. Sa place dans l'histoire cependant, son influence sur le sort de la guerre n'est pas aussi décisive que celle de ce groupe de jeunes volontaires américains qui, sous les auspices du droit, vinrent se ranger sous notre drapeau.
Leurs faits d'armes à Verdun, dans la plus grande bataille du monde, faisaient déferler une vague d'enthousiasme dans l'Amérique entière et lorsque mourut Chapman, le fils adolescent de l'un des plus grands écrivains d'outre-mer, la rage contre les barbares, née dans le naufrage du Lusitania, devint à travers les Etats-Unis une fureur guerrière.
D'autres tombèrent, Rockwell, Norman Prince, Mac Connell, Genet, Hoskier, Willis Mac Monagle, Campbell, Lufbery, Norman Hall. Chaque deuil semblait entraîner le drapeau étoilé plus avant vers la bataille.
L'histoire de cette escadrille de volontaires, qui allaient au sacrifice pour le triomphe des idées éternelles, un journal américain, dès la première heure, avait songé à la faire écrire. Il avait envoyé l'un des blessés des premiers combats, réformé après guérison, assister aux exploits de ses frères. Norman Hall, sitôt au milieu de leur gloire, estima qu'il valait mieux la partager que la raconter. Il s'engagea pour la deuxième fois, devint pilote se battit, remporta des victoires et disparut dans le ciel ennemi.
D'autres, Mac Connell, aux loisirs que lui laissèrent ses exploits, durant les mois qui précédèrent sa mort, Chapman, dans ses lettres que réunirent des mains aimées, Paul Ayres Rockwell, légionnaire blessé et réformé inconsolable d'avoir perdu son frère, racontèrent la dure vie des premiers combats au-dessus de Verdun. 
Il manquait à la gloire de l'escadrille La Fayette que ce récit fût continué par l'un de  ceux qui ont assumé le devoir de venger les morts. L'adjudant Parsons. au cours d'une brève visite au pays natal, vient de continuer cette œuvre, riche de ses souvenirs de plein ciel. L'historien est digne de son œuvre. Avant même que fut fondée l'escadrille La Fayette, Edwin C. Parsons quittait Springfield, sa ville natale, pour s'engager en France. Son désir était d'entrer dans l'aviation.
On verra comment il y réussit et comment, après maintes aventures en école, il arriva au front, fut promu sergent, puis adjudant, et fut décoré de la Croix de Guerre. Parsons compte à l'heure actuelle parmi les «as» américains, a déjà remporté cinq victoires et espère bientôt, avec son dixième avion abattu, avoir les honneurs du communiqué officiel.
Avant de lui donner la parole, qu'il nous soit permis de présenter les morts, les blessés et les prisonniers de l'escadrille La Fayette dont il va raconter l'histoire.
Ce palmarès funèbre dira, mieux que nous, combien ses camarades sont dignes de vivre dans notre souvenir :
Victor Chapman, tué en combat en juin 1916 ;
Clyde Balsley, blessé grièvement en mai 1916 ;
Kiffin Rockwell, tué en combat en septembre 1916 ;
Norman Prince, tué en combat en octobre 1916 ;
Pavelka, tué à Salonique en décembre 1916 ;
Mac Connell, tué à l'ennemi en mars 1917 ;
Genet, tué à l'ennemi en avril 1917;
Hoskier, tué a l'ennemi en avril 1917 ;
De Laage de Meux, tué à l'ennemi en mai 1917 ;
Willis, prisonnier en août 1917 ;
Mac Monagle, tué à l'ennemi en sep- tembre 1917 ;
Courtney Campbell, tué à l'ennemi en octobre 1917 ;
Lufbery, tué à l'ennemi en mai 1918.


L'escadrille La Fayette, qui a payé sa gloire de tels deuils, a bien mérité de ses deux patries.
JEAN DAÇAY.
 
I
Le grand ver brun.

Les pilotes de chasse de l'escadrille La Fayette, sur leurs Nieuport et leurs Spads, à des milliers de mètres dans le ciel, ont sous leurs yeux, en bas, un grand ver brun, aux poils grisâtres, qui s'étend sur la carte d'Europe. Où il se trouve aucune verdure n'apparaît plus, tout est mort et dévasté. Mais dans tous les recoins gris qui l'entourent des hommes combattent et donnent leur vie. L'ossature du ver qu'on voit de là-haut, c'est le no man's land «la terre qui n'appartient à personne». Les lignes grises, ce sont les tranchées. Partout autour, c'est la carte terrestre, des villages, des cités, des champs et des forêts. Ses mosaïques sont traversées par des lignes qui sont des routes, par des rubans argentés qui sont des rivières. C'est à travers la splendeur de ces plaines que s'étend l'horrible marque brunâtre de la guerre.
Les pilotes de l'escadrille La Fayette l'ont vue ainsi de là-haut dans les Flandres, sur le front de la Somme, au chemin des Dames, et à Verdun l'immortelle. Le chemin brun marque nettement la place où la mort est reine. C'est là que les hommes se battent au ras du sol comme sous terre, ainsi que des rats. Au-dessus aussi, à toutes les hauteurs, c'est la bataille. Des troupes aériennes de toutes sortes, réglant le feu des canons, prenant des photographies des positions ennemies pour constituer des cartes de guerre merveilleuses, accomplissant encore maintes autres tâches périlleuses qui ne sont pas l'innovation la moins étonnante de cette guerre étrange.
Loin au-dessus de la mêlée, loin au-dessus de ces bourdonnements de l'air, il y a les pilotes de combat, la cavalerie du ciel. Aussi loin qu'ils peuvent au-dessus de la brume et sombre ligne de bataille qu'ils voient à peine de là-haut, ils vont en patrouille. Ce sont les guerriers de l'air: le combat est leur seul devoir; ils sont les gardiens de toutes les autres aviations qui s'étagent au-dessous, régleurs d'artillerie, avions de reconnaissance, ballons d'observation.
L'équipement n'est constitué qu'en vue du combat: un avion minuscule, le plus léger qu'on ait pu créer, et avec cet avion, les vols de châtiment sauront venger les innocentes victimes. Chacun son tour ou la loi du talion décuplée une mitrailleuse. Mais il y a, en outre,
toute la science de l'aviation à employer pour empêcher les autres appareils, qui sont les yeux de l'armée, d'être aveuglés et encore pour faire disparaître les yeux de l'armée ennemie.
C'est un service de solitaires. Souvent il arrive qu'au delà des nuages un avion aux cocardes tricolores et un avion aux croix noires sont face à face sans que personne au monde puisse les voir. Le combat farouche n'a pas de témoins et seule la chute en flammes et l'écrasement au sol peuvent dire que quelque chose s'est produit au fond du ciel et qu'il y a eu une victoire.
C'est dans cette arme qu'un an avant l'entrée en guerre des Etats-Unis de jeunes Américains se sont engagés et ont formé l'escadrille La Fayette. D'autres recrues, de mois en mois, sont venues les rejoindre. Ils n'ont formé, en somme, qu'une toute petite unité dans l'aviation de guerre de la France, quelques combattants du ciel au-dessus de l'immense ver brun du front, de bataille. Mon rôle, parmi eux a été des plus modestes, mais j'ai songé que mes aventures en école, puis sur le front et la vie au jour le jour des pilotes de l'escadrille La Fayette pouvait avoir un intérêt pour l'Amérique à l'heure où elle prépare des milliers de combattants pour l'armée aérienne des alliés.



II
Impatient d'être pilote en France.

En 1915, âgé de 23 ans, j'éprouvai de jour en jour un désir plus vif de m'engager dans l'aviation française. L'Amérique ignorait tout ce qui concernait l'aviation de guerre. Y entrer semblait un suicide bien qu'en fait le péril n'y soit pas plus grand que dans les autres armes.
J'avais déjà fait quelques vols sur des appareils d'exhibition. Ils ressemblent aussi peu à l'avion de chasse que le corbeau à l'hirondelle, mais du moins, ils m'avaient accoutumé aux sensations du pilote. L'escadrille La Fayette n'existait pas encore à cette époque et j'ignorais qu'il y avait des aviateurs américains dans les armées alliées. Je n'avais guère également qu'une vague notion de l'organisation de la cinquième arme et aucune idée des démarches à faire pour y entrer.
Je trouvai place sur un paquebot qui transportait des chevaux à Saint-Nazaire, en qualité d'aide-vétérinaire. J'avais eu soin d'obtenir d'un vétérinaire de Springfield, mon pays natal, un formulaire des soins à donner à mes bêtes. Par bonheur le voyage fut des plus heureux et les chevaux n'eurent pas recours à mes soins.
Nous débarquâmes le Ier janvier 1916. Le lendemain j'arrivais à Paris pour faire viser mon passeport au consulat américain et m'informer des moyens de réaliser mon projet. Ce n'était pas aussi simple que je l'avais pensé. Il me faudrait tout d'abord, me dit-on, prendre un engagement dans la Légion Etrangère et aller dans les tranchées. Tandis que j'hésitais il me fut conseillé de m'enrôler dans les ambulances américaines, à Neuilly. Je fus accepté comme conducteur et j'eus bientôt fort à faire avec le transport des blessés de la bataille de Verdun.
Au bout d'un mois j'étais sergent d'ambulance - grade qui n'avait rien d'officiel au point de vue militaire, mais qui me donnait la direction d'une section à Juilly, près de Soissons. Un camp d'aviation était installé à 15 kilomètres, à Plessis-Belleville, où à cette époque les pilotes achevaient de se perfectionner avant leur départ au front. Chaque jour mon service m'y appelait pour recueillir les aviateurs victimes d'accidents à l'entraînement. Je ne vis rien dans ce spectacle macabre qui put me décourager et me faire changer d'avis. Au reste, les avions attiraient mon attention bien plus que leurs victimes. Il y avait toujours une nuée d'appareils à la fois dans les airs, qui se livraient à toutes les acrobaties En les voyant à l'œuvre j'eus ma première sensation nette de ce que devait être le combat aérien.
J'eus le bonheur, au cours de mon service d'ambulancier, de rencontrer Kiffin Rockwell, Norman Prince et James Mac Connell, qui devaient rejoindre William Thaw et l'escadrille La Fayette en formation. Rockwell était entré dans la Légion Etrangère dès le début de la guerre et venait de terminer son entraînement de pilote. Mac Connell avait débuté dans le service des ambulances américaines et avait réussi dans le délai de deux mois à passer dans l'aviation. Prince avait fait un stage prolongé dans l'aviation de bombardement avant de s'entraîner sur Nieuport. J'eus grâce à eux les renseignements que je désirais et je fis ma demande. Enfin, aux derniers jours d'avril je reçus ma convocation.


III
Deux jours à la Légion.

J'étais en relations avec un gradué d'Harvard, Ronald Hoskier, originaire de South-Orange, dans le New-Jersey, qui était venu en France s'engager dans l'aviation après avoir commencé son apprentissage l'année précédente dans une école d'aviation anglaise. Ses parents et les miens arrivèrent en France à la même époque si bien que nous nous présentâmes le même jour à Paris au bureau de recrutement pour entrer dans l'armée française. Ce hasard nous fit inséparables jusqu'à la mort d'Hoskier qui fut tué peu après son arrivée à l'escadrille La Fayette.
J'avais pour lui une profonde affection. Grand, cheveux rares, blond, il était bâti en athlète et extrêmement vif. N'avait-il pas été l'un des bons escrimeurs d'Harvard. Pour le reste, malgré sa jeunesse, un cerveau équilibré et la sûreté de jugement d'un homme mûr. Il nous fallut trois jours pour devenir soldats français. Le premier jour, conseil de revision; le second, signature de notre engagement à la Légion Etrangère pour la durée de la guerre; le troisième jour, départ pour le dépôt d'aviation, à Dijon. De grands espoirs plein le cœur nous arrivâmes à destination à la nuit, Hoskier en civil et moi sous mon uniforme d'ambulancier.
Au camp, où nous étions les premiers Américains envoyés dans l'aviation après un stage aussi court dans la Légion on ne savait guère quoi faire de nous. Néanmoins on nous habilla et nantis d'un volumineux bagage on nous expédia à Pau avec deux jours de vivres et deux jours de solde. Mon séjour à la Légion me valait cinquante centimes!
    Le retour à Dijon, à pied, avec cet attirail encombrant, ne fut pas une sinécure. Par bonheur un paysan nous prit dans sa carriole et se montra très heureux de la boîte de «singe» dont nous lui fîmes don à l'arrivée.
A Pau, nouvelles formalités.On savait fort bien à Dijon, lorsqu'on nous donna notre feuille de route, que Pau ne recevait pas de débutants, mais on n'en avait aucun avis officiel. Le résultat fut que nous retournâmes à Paris pour nous rendre ensuite à Buc! Au cours de cet interminable voyage je fis la connaissance de plusieurs Américains qui devaient passer à l'escadrille La Fayette:
Hill, Johnson, Soubiran, Fred Prince (Frederick, le frère de Norman Prince), Rockwell, Haviland.
    Dudley Hill, de Peekskill, dans l'Etat de New-York, était borgne, mais en apprenant par cœur la carte dont on se servait pour faire passer l'examen de la vue: il fut reçu. A Pau, où on lui fit subir une nouvelle épreuve, les officiers déclarèrent qu'un borgne ne pouvait faire un pilote, mais pendant qu'on attendait l'ordre de renvoi, -les formalités sont lentes en France-, Dudley Hill put s'entraîner grâce à la bienveillance des moniteurs. Quand l'ordre arriva, il avait passé son brevet et il n'y avait plus aucun moyen de l'exiler de l'aviation. Il devint au reste l'un des aviateurs les plus habiles et les plus intrépides de l'escadrille américaine.


IV
Sur «pingouin».


Nous arrivâmes, à l'école de Buc, Hoskier et moi, pour commencer notre entraînement au milieu du mois de mai 1916. Nous y rencontrâmes Fred Prince, Rockwell, Haviland et Soubiran qui revenaient de Pau et allaient bientôt rejoindre l'escadrille. Nous reçûmes notre tenue de vol, combinaison, gants, lunettes, et nous nous trouvâmes au milieu d'une vingtaine d'élèves pour prendre notre première leçon. Nous fîmes nos débuts sur «pingouin». Le «pingouin», cet oiseau qui ne peut voler est, de loin, ce que je connais de plus drôle en aviation. Le «pingouin», avec son trois cylindres et ses ailes courtes, court terriblement vite au ras du sol mais a horreur de la ligne droite. Il lui arrive de faire le «cheval de bois» frénétiquement, au désespoir des futurs «as» impuissants à l'empecher de tourner en rond. Il y avait une mare, à Buc, et le «pingouin» adorait s'y baigner. J'eus ainsi l'occasion de faire maints sauvetages.
    Notre apprentissage à tous deux, Hoskier et moi, fut rapide. Ce fut à l'époque où, après nos lignes droites, nous faisions nos premiers virages que nous apprîmes la mort de l'un des pilotes de l'escadrille La Fayette, Victor Chapman, de New-York et les blessures graves de l'un de ses camarades, Clyde Balsley, de San Antonio, dans le Texas.
    Balsley se trouvait à l'hôpital, après avoir vu la mort de près en combat. Chapman était parti en avion lui porter des oranges lorsqu'il vit sur les lignes trois camarades aux prises avec cinq appareils allemands. Il se précipita au secours de ses camarades mais ce fut lui qui fut descendu. Balsley après avoir passé un an à l'hôpital n'est plus maintenant que l'ombre de lui-même et marche avec la plus grande difficulté.
    Vers le même temps Willis, Barclay et Lovell vinrent nous rejoindre en école tandis que Bigelow, Genêt et Dowd terminaient leur apprentissage sur pingouin.


V
La première «bûche»

    Après le six cylindres Blériot nous fûmes versés sur Caudron 60 HP rotatif et dès ma seconde sortie je fis ma première chute sérieuse. Le pilote qui m'avait précédé sur l'appareil m'avait averti que le moteur avait des ratés. Le moniteur passa outre et je partis. Tout allait bien et je me trouvais à soixante-quinze mètres quand tout d'un coup l'avion glissa sur l'aile. Le sol approchait terriblement vite et je me demandais ce qui allait se passer. Instinctivement je mis à la verticale afin d'arriver sur le nez de mon appareil. C'était la seule chose à faire. Le moteur entra dans le sol, le train d'atterrissage fut arraché ; je n'avais rien. Si l'avion était arrivé au sol par l'aile j'aurais vraisemblablement été tué. J'étais navré, mais mon moniteur me dit:
   —Ce qui vous est arrivé, je m'y attendais. Vous étiez en perte de vitesse. Maintenant rappelez-vous bien qu'il ne faut jamais perdre sa vitesse, quoiqu'il arriva. Atterrissez n'importe où, sur des arbres, une maison, dans l'eau, mais ne risquez jamais la perte de vitesse.
    Et ce conseil je ne l'ai jamais oublié.
    Nous en étions à notre soixante-troisième jour d'entraînement, avec douze jours pleins et vingt-quatre demi-journées où nous avions pu voler, lorsque nous commençâmes les épreuves du brevet sur 80 HP Caudron, spirales et hauteur. C'est alors que Dennis Dowd, un jeune avocat américain, se tua sous nos yeux. Il venait de la Légion Etrangère et cherchait à aller à l'escadrille Lafayette. Très intelligent, séduisant, il était fiancé à une jeune parisienne qu'il devait épouser prochainement. Je regardais les avions en vol. L'un d'eux qui se trouvait à cinq cents mètres se mit soudain en vrille et descendit à une allure vertigineuse. Le pilote réussit à sortir de la vrille. Mais il avait sans doute été étourdi par la descente à la verticale, car l'avion reprit de la hauteur, eut une perte de vitesse, glissa sur l'aile et vint s'écraser au sol, de deux cents mètres.
    Bigelow était accouru et ce fut par lui que j'appris que Dowd, le premier entre tous mes compatriotes, venait de se tuer à l'entraînement.


VI
La panne de château.
    Le lendemain matin, Hoskier faisait son premier triangle et l'après-midi, sur le même appareil, je partais à mon tour pour mon circuit de deux cent soixante kilomètres avec deux escales. La carte de ce premier voyage, chaque pilote la connaît par cœur. J'aurais pu suivre mon itinéraire les yeux fermés. Je ne le suivis pas longtemps, Bientôt mon moteur se mit à bafouiller et je commençai à perdre ma hauteur. Me souvenant des conseils de mon moniteur: ne jamais perdre de vitesse, je reconnus que le mieux était d'atterrir. Il y avait en dessous une jolie petite vallée. Je descendis. Je me trouvais près du village de Villette-sur-Vert (?). Fort bien reçu, je fus réellement comblé d'amabilités lorsqu'on apprit que j'étais Américain.
    Le triangle doit être effectué entre le lever et le coucher du soleil, il me fallut donc recommencer ma tentative. Le lendemain matin, je repartaispar un vent de soixante kilomètres à l'heure. Ma première escale eut lieu sans incident j'eus une panne d'allumage et je dus atterrir dans un champ où je brisai mon hélice et une roue. Enfin deux jours plus tard par un temps de brouillard, de vent et de pluie je faisais sans accroc mon premier triangle, où par vent arrière je parcourus cent kilomètres en trente-sept minutes, presque un record.
    Après quelques jours de mauvais temps je tentais ma seconde épreuve. Une panne au-dessus de la forêt de Dreux m'obligeait à atterrir sur une petite pelouse devant un château. Des arbres se trouvaient en bordure, sur lesquels mon avion vint se briser Je perdis connaissance par suite de la violence du choc. Toutefois je n'étais pas blessé. Au château où je me rendis pour téléphoner je fus accueilli par deux comtesses anglaises dont les maris, français tous deux, étaient à l'armée d'Orient. Leur accueil atténua mon désespoir d'avoir brisé mon appareil.
    Je retournai à Buc. Heureusement mon tribut à la malchance était payé et en deux jours je terminai toutes mes épreuves. Désormais j'avais droit aux insignes, les ailes d'or dont le pilote est si fier. De plus je recevais les deux galons rouges et étais nommé caporal.


VII
Acrobate en quatre leçons

    Le brevet militaire, obtenu en trois mois, ne suffisait pas à me qualifier pour partir au front. Il me fallait passer à l'école de perfectionnement. On m'envoya à Avord sur l'avion le plus rapide à cette époque, le biplan Nieuport. Dans ce camp d'aviation immense tous les types étaient réunis. Le ciel en était envahi et même de nuit, avec l'entraînement des pilotes de bombardement, on ne passait pas une heure sans entendre le bruit des moteurs au-dessus de la tête.
    A mon arrivée, Hoskier m'avait précédé depuis quatre ou cinq jours. Nous nous trouvâmes bientôt réunis au nombre de quatre futurs pilotes de l'escadrille La Fayette, avec Genet et Bigelow. Genet, un jeune homme aux cheveux clairs de Ossining, Etat de New-York, après s'être présenté à l'école navale d'Annapolis avait servi dans la marine américaine. C'était un camarade de joyeux caractère, mais très sérieux au travail. Bigelow, âgé de vingt-deux ans, un Bostonien qui était passé par Harvard et avait conduit en course automobile, devait être la Providence de l'escadrille grâce à son talent de pianiste et à son amabilité.
    A la fin de septembre on nous envova tous les quatre a l'école de tir aérien de Cazaux où nous pratiquâmes tous les tirs sauf le vrai tir de combat à travers l'hélice. Munis de notre diplôme de «pilotes de combat» avec mention «bien» nous retournions à Pau au début de novembre terminer notre entraînement à l'école d'acrobatie. Nous commençâmes par nous entraîner au vol en groupe, à deux d'abord, puis en patrouilles de plus en plus nombreuses, avec un chef de groupe et des patrouilles aux emplacements et aux altitudes déterminées.
    Puis, on nous enseigna le combat. L'école possédait plusieurs appareils allemands. Ils partaient en ronde à des altitudes que nous ignorions et il s'agissait de les prendre en chasse et de venir à l'attaque. Nous n'avions —naturellement
— aucune arme et notre seule ressource était de piquer à fond, car l'acrobatie ne venait qu'ensuite dans notre progression.
    Après quinze heures de vol de combat, venait le tour de vols d'acrobatie. Nous arrivions tous à cette partie du programme avec appréhension. Quelle ne fut pas notre surprise lorsque nous apprîmes que toute la série des vrilles, des renversements et des loopings nous serait enseignée en quatre leçons. Certes, nous ne devions pas, en un temps aussi court, devenir des «as», mais nous saisirions tout le mécanisme de l'acrobatie et le reste, la sûreté et le fini du style, ne pouvait être acquis que par la pratique.
    Il en fut ainsi. A ma première leçon je fis uniquement des virages à la verticale et des renversements. Le reste, également, se passa pour chacun de nous sans encombre sous la direction du lieutenant René Simon qui avait fait en 1911 et 1912 des exhibitions sensationnelles en Amérique sur monoplan Blériot et avait été nommé instructeur après avoir gagné au front deux citations à l'ordre de l'armée.


VIII
Les débuts à l'escadrille La Fayette
    Le 1er décembre était venu, et nous avions commencé notre entraînement en mai. Le 8 nous arrivions au Plessis-Belleville et à notre arrivée une permission de dix jours nous était accordée, que nous passions à Paris en attendant notre départ pour l'escadrille La Fayette.
    Hoskier fut appelé le premier et nous quitta avant Noël. Quant à Genet, Bigelow et moi, nous allâmes à Paris jusqu'au 1er janvier. Genet resta alors au G. D. E. mais Bigelow et moi nous repartîmes pour quelques jours. Il n'était rien venu encore pour nous; nous décidâmes une troisième escapade. Pendant notre absence, la patience de Genet eut sa récompense. Un jour, il y eut des appareils à mener à l'escadrille La Fayette. Les convoyeurs étaient surchargés de besogne: il se proposa comme volontaire et fut agréé. L'escadrille décida que puisqu'elle l'avait «demandé», le plus simple, maintenant qu'il était arrivé, était de le garder, et ce fut un vieux pilote qui emmena à l'arrière l'avion qu'il avait remplacé.
    Entre temps, notre ordre de départ était arrivé et l'on ignorait où nous étions. On devine l'accueil qui nous fut fait quand nous arrivâmes un matin pour demander si l'on avait des nouvelles. Le capitaine, sans témoigner la moindre colère, me dit textuellement: «Vous êtes passible du conseil de guerre pour vous être absenté huit jours sans permission». J'étais atterré, j'entrevoyais déjà la Légion Etrangère et la prison. Il ajouta: «Puisque votre ordre de départ est arrivé, nous n'avons pas le choix et nous allons vous faire rejoindre votre escadrille». Le commandant, auquel je dus me présenter, me blâma en termes énergiques, avec la menace de la prison suspendue sur ma tête.
Le lendemain, je pris le train pour Saint-Just. L'escadrille ne s'y trouvait plus. A Amiens j'eus la chance de rencontrer à la gare l'une des voitures de l'escadrille qui me conduisit au camp. C'était la grande date dans ma vie de soldat, celle que je ne saurais oublier: le 24 janvier 1917.
    Le cœur me battait en arrivant au camp, caché parmi les arbres, à Cachy. Enfin le but que je poursuivais depuis un an était atteint! Je trouvai mes camarades à table: le lieutenant William Thaw, de Pittsbourg, James Me Connell, de Cathage, Didier Masson, Raoul Lufbery, Robert Soubiran, de New-York, Hoskier, mon compagnon d'école, Chouteau Johnson, de Saint-Louis et Willis Haviland, de
Minneapolis.
    Robert Rockwell, de Cincinnati, et Dudley Hill, de Peekskill, venaient de partir pour l'Amérique et Genet était allé au G. D. E. faire régulariser sa situation. Le capitaine Thenault était à l'hôpital avec une bronchite et le lieutenant De Laage de Meux exerçait le commandement.


IX
L'escadrille et son passé.
    Il ne m'appartient pas d'écrire l'histoire de l'escadrille La Fayette, à moi qui n'en ai fait partie que durant la moitié e son existence. Le lieutenant William Thaw (Cette série d'articles fut écrite en mars et avril 1918) aurait ce droit, ou tel autre de ceux qui furent membres de l'escadrille à ses débuts. Ce que je puis dire de ces premiers temps, c'est seulement ce qui me fut raconté, les services rendus et la valeur des hommes qu'on y trouvait.
    L'escadrille fut tout d'abord dénommée «escadrille américaine». Le gouvernement allemand se plaignit, les Etats-Unis étant pays neutre. L'escadrille devint alors «escadrille La Fayette». Elle avait été créée en mars 1916 grâce à l'initiative de quelques volontaires: Thaw, Lufbery, Masson, Norman Prince. Thaw et Prince, d'après ce que je pus comprendre, en furent les véritables organisateurs, tandis que Lufbery, le meilleur des pilotes américains, Kiffin Rockwell, Victor Chapman, Bert Hall, Didier Masson et Jim Mc Connell (Mc Connell a beaucoup écrit sur l'escadrille, VERDUN, SOLDATS DU CIEL POUR LA FRANCE, "Flying for France" , aussi LA MORT DE MAC CONNELL par le sergent Genet) se joignirent à eux peu après, suivis au bout d'un et deux mois par Johnson, Dudley Hill, Lawrence Rumsey et Clyde Balsley.


    Au début elle fut envoyée à Luxeuil, sur le front des Vosges, où elle prit l'expérience du vol en groupe tel qu'il nous fut enseigné en école. Ensuite on les envoya à l'armée de Verdun, à Bar-le-Duc où ils passèrent les derniers mois du printemps et l'été 1916 —fin de l'offensive allemande et début de la contre-offensive française. Plus tard on les fit aller pendant deux mois à Nancy, puis ils retournèrent à Luxeuil. (plus)
    A Verdun, Chapman fut tué en combat, tandis qu'il portait secours à ses camarades, aux prises avec une forte patrouille allemande. Deux jours auparavant, Clyde Balsley avait été grièvement blessé par une balle explosible. En septembre, Kiffin Rockwell, un superbe combattant, trouva la mort près de l'Hartmanswillerkopf, dans les Vosges. Son adversaire le descendait. C'était l'un des pilotes les plus audacieux que l'escadrille ait jamais eu, et qui s'aventurait souvent seul au loin dans les lignes ennemies. Il avait trois avions allemands à son actif lorsqu'il fut tué. (
Kiffin Rockwell, im1, im2) En octobre l'escadrille fut chargée de protéger une grosse expédition de bombardement sur les usines Mauser, à Oberndorf, de l'autre côté du Rhin. Avec leurs deux heures d'essence ils firent escorte aux avions de bombardement jusqu'à Mulhouse à l'aller, et allèrent les y chercher au retour. Dure expédition où ils firent vaillante besogne, descendant plusieurs avions allemands.
    Au retour, Norman Prince dut atterrir à la nuit tombante sur un terrain entouré de lignes électriques à haute tension. Il les heurta, son avion s'écrasa au sol et il eut les deux jambes brisées et des douleurs internes. Il succombait deux jours plus tard. Il avait abattu, lui aussi, plusieurs avions allemands. Fondateur de l'escadrille, d'une forte personnalité, sa mort créa un grand vide dans l'escadrille.
    Vers cette époque, Robert Rockwell et Pavelka arrivèrent à l'escadrille. Pavelka que nous avions surnommé le «gabier», avait navigué sur toutes les mers du globe. Il nous quitta bientôt pour aller en escadrille à Salonique. Il y fut décoré de la Croix de Guerre et trouva la mort dans une chute de cheval.


La fin de l'avion vert.
    Bigelow, vers cette époque, vint nous rejoindre à l'escadrille. La température s'était adoucie, les vols devinrent plus fréquents et aussi les excursions en auto qui nous permirent par deux fois d'aller voir les Américains du régiment de marche de la Légion Etrangère, ils étaient sept.
    Le 25 février, les Anglais nous informaient que les Allemands avaient évacué leur quatrième ligne de tranchées au sud d'Arras. On nous donna aussitôt l'ordre de faire une reconnaissance jusqu'à Ham à 30 kilomètres environ dans les lignes ennemies.
    Il y avait une telle boue qu'aucun de nous ne réussit à décoller, mais le 1er mars Genet, Johnson, Haviland et moi nous pûmes prendre le départ.
    Nous jouions au poker lorsqu'on nous signala un avion allemand près de Ribécourt. Aussitôt nous courons à nos appareils. Genet met une telle hâte, même, qu'il part vent de côté et écrase son avion au sol. Nous nous attendions à le ramasser en morceaux, mais, en deux secondes, il était debout, indemne.
    Les deux autres, pour d'autres motifs, ratèrent le rendez-vous et je me trouvais seul à 4 000 mètres sur Ribécourt. Je fus surpris de voir un autre Nieuport qui, tout seul lui aussi, s'engageait tout droit dans les lignes ennemies. Je le suivis. C'était un vol merveilleux. Au-dessous s'étendait une mer de nuages le sol apparaissait par de rares éclaircies, forêts de vert sombre parmi le blanc des nuées. J'avais l'impression de flotter dans l'espace. Au-dessus de la tête rien que le bleu limpide du ciel et le soleil plongeant sa lumière dans les nuages, blancs, moelleux, qui semblaient comme la laine d'un autre monde.
    J'avais la sensation de n'appartenir ni au ciel, ni à la terre et même il m'était difficile de m'imaginer que j'étais en avion. J'étais suspendu là.
    L'autre Nieuport continuait. J'essayai de passer devant lui, car j'étais convaincu qu'il était perdu, mais il ne se laissa pas rejoindre et, finalement je fis demi-tour. Il y eut une éclaircie dans les nuages et je reconnus Noyon, alors allemand. Puis les nuages se refermèrent. Je me félicitais d'approcher de mon port d'attache lorsque, soudain, je vis à six cents mètres au-dessous de moi un appareil allemand qui était juste au-dessus des nuages se dessinait sa silhouette sur la plaine blanche. Tous deux seuls dans l'espace, je sentis qu'il fallait nous battre jusqu'à la mort.
    Poussant sur le manche à balai et fermant mon moteur, je piquai sur l'avion allemand avec la volonté de continuer le feu jusqu'au résultat décisif. En approchant je reconnus la couleur de l'appareil sur le fond blanc et fus joyeux de voir que j'avais affaire à mon vieil ami, le biplan vert. A cent mètres environ j'ouvris le feu et cette fois l'observateur, à l'arrière, répondit à mon tir. Ils avaient m'apercevoir longtemps à l'avance, car ils étaient prêts à répondre à mon attaque. Tandis que je tirais, tout d'un coup l'avion allemand piqua du nez, puis plongea dans les nuages. J'avais le sentiment de l'avoir descendu, aussi je le suivis dans sa chute et entrai à mon tour dans le brouillard blanc.
    Quand j'arrivai en dessous, tout était sombre. Il y avait un tel contraste entre cette pénombre et l'éclatante lumière du dessus que pendant un moment
je ne distinguais plus rien et que je perdis toute trace du boche. Le vert sombre de l'appareil était difficile à distinguer au sol dans cette lumière.

    Quand je rentrai je fis le récit du combat. Il n'y avait aucune confirmation et il ne put être homologué. Mais huit jours plus tard, dans le train qui m'emmenait à Paris, je faisais part de ma déconvenue à un lieutenant d'artillerie du secteur.
Il feuilleta son carnet de notes et me montra qu'à l'heure même que j'avais indiquée il avait vu un avion allemand tomber dans les bois. Plus tard il m'écrivit qu'un autre officier avait noté le même événement le même jour.


Le Zeppelin qui tombe.

    Après mon aventure avec l'avion vert, le temps devint mauvais et le premier Spad arrivé à l'escadrille, piloté par le lieutenant Thaw, ne pouvait faire que de rares sorties, vu la difficulté de tenir chaud son moteur fixe. Le Spad, créé en réponse aux nouveaux avions de combat allemands, est encore à l'heure actuelle le plus rapide des avions de chasse.
    En mars le travail reprit, ainsi que l'atteste mon carnet de notes:
    4 mars, dimanche. — Dormi toute la matinée comme d'habitude. A 12 h. 45 une sortie avec Haviland. Resté deux heures entre Péronne et Ribécourt. Vu seulement quatre boches, ensemble, dans leurs lignes. A peine rentrés il nous faut repartir à 4 h. 15. Resté seulement une heure, le bord d'attaque de mon hélice s'étant brisé en roulant sur le terrain au départ.
    6 mars, mardi. — Sortie à 10 heures avec Haviland et Hoskier. Encore brisé mon hélice au départ. Je dois redescendre et je rate des combats. Hoskier rentre avec plusieurs trous dans son appareil.
    Le 17 mars, jour anniversaire de la création de notre escadrille, nous recevons au lever du jour un coup de téléphone pour aller à la rencontre d'un Zeppelin signalé à 50 kilomètres. Je n'ai jamais vu hâte aussi fébrile que le fut la nôtre ce matin-là. Nous nous habillons en un clin d'œil, tandis que les mécaniciens font tourner les moteurs. Néanmoins il se passe une demi-heure avantque nous puissions quitter le sol. Le téléphone, auparavant, nous apprend que le dirigeable se trouve au-dessus de Compiègne, à 40 kilomètres. Nos cœurs sautent de joie à la nouvelle de l'approche d'une proie aussi glorieuse.
    Nous prîmes notre hauteur le plus rapidement au moment même où le soleil apparaissait au bord de l'horizon. Soudain, dans la direction de Compiègne, loin dans le ciel nous vîmes une grande flamme, que suivait un sillage de fumée noire descendant vers le sol. Nous apprîmes ainsi que nous arrivions trop tard. L'immense dirigeable avait été atteint entre 2 500 et 3 000 mètres par une batterie anti-aérienne française. Néanmoins nous survolâmes Compiègne pour voir les débris au sol. Seuls Willies et le capitaine atterrirent à proximité. Willies prit quelques photos tandis que les autres dansaient de joie. C'était notre première et jusqu'ici notre seule chance d'abattre «un pirate de l'air».

Un exploit de Thaw

    Le lendemain Johnson, qui était allé à Paris ramenait une «fiancée» pour Whiskey, notre lionceau. Cette nouvelle pensionnaire reçut le nom de «Soda». Whiskey était aimable et courtois, mais Soda avait beaucoup plus de caractère et mordait et griffait par instants. Nous dûmes, au début, nourrir cette dernière au biberon. Par la suite elle devint une fort belle «demoiselle» profondément dévouée à Whiskey, le suivant partout et l'imitant dans tout ce qu'il faisait. Whiskey était la gentillesse même. Il jouait comme un chien et ne montrait jamais ses griffes, déjà fort longues. Son plus grand plaisir était de se blottir dans une cachette et d'en sortir tout d'un coup pour sauter sur le premier qui passait. L'intensité de sa joie était proportionnée à la terreur de sa victime. S'il causait une panique, Whiskey ouvrait la gueule et poussait un rire large, mais silencieux.
     L'une des raisons, peut être, de la gentillesse de Whiskey est qu'il était borgne. L'un de nos mécaniciens, alors qu'il était tout petit le frappa si fort sur la tête, un jour, avec un bâton, pour lui faire lâcher une casquette qu'il déchiquetait, qu'il lui fit perdre la vue d'un œil. Les lions devinrent l'«écurie» de Lufbery, qu'ils aimaient beaucoup, et ses mécaniciens prenaient soin d'eux.
    Durant les trois derniers jours, les Allemands avaient battu en retraite d'Arras vers l'Argonne, pour s'abriter derrière leur ligne Hindenburg réputée imprenable. A cette époque, Thaw et le lieutenant de Laage accomplirent un exploit qui montre par quels moyens divers l'aviation peut coopérer aux opérations terrestres.
    William Thaw,  l'un des fils d'une riche famille de Pittsburg, et dont un frère est attaché d'ambassade à Paris et un autre chef instructeur à l'école d'aviation de Minesota, s'était occupé de la locomotion aérienne dès 1911. Il avait pris part, sur avion Curtiss, à maintes épreuves et avait le premier passé sous le pont de Brooklyn en aéroplane. Il avait, en outre, le brevet français de pilote d'hydravion portant le numéro 2. Mais bien plus que ces références, ce qui appelait l'attention sur Thaw c'était sa force physique exceptionnelle et son ignorance de la crainte. Agé de 24 ans, il se trouvait en France lorsque les Allemands envahirent la Belgique et aussitôt il s'engagea dans la Légion étrangère. Il joua du fusil et de la baïonnette et creusa des tranchées avec des volontaires de tous les pays du monde. Ce qu'il avait vu ce qu'il avait fait, il n'en parlait jamais, bien que tout légionnaire eut bien des
choses à raconter.
    Lorsqu'il passa dans l'aviation, il n'eut pas à s'entraîner, car il était déjà pilote breveté, et l'entraînement à l'acrobatie n'existait pas encore. Il fut d'abord versé dans une escadrille Caudron de reconnaissance et de réglage d'artillerie. Ce fut là qu'il trouva le capitaine Thenault. Thaw fut nommé sous-lieutenant dans cette escadrille, en égard à la fois à son grade d'officier de réserve dans l'armée américaine et aux services rendus dans la Légion. Quelques mois après il était nommé lieutenant.
    Thaw était grand, puissant de structure, taillé en athlète. Teint brun, belle figure aux traits pleins, la moustache relevée aux extrémités suivant la coutume française. Au reste, Thaw parlait admirablement le français et avait le tact, la diplomatie de nos alliés. Il représentait, au demeurant, un officier de premier ordre et un excellent camarade. Plus tard, lorsque l'escadrille américaine fut constituée, il n'eut aucun mal à pratiquer la série des acrobaties qu'on jugeait indispensables dans l'aviation de chasse.
    Il fallait du courage pour accomplir ce que Thaw et le lieutenant de Laage accomplirent ce jour-là. Pendant la grande retraite allemande ils firent la liaison avec les cavaleries française et anglaise, au long de la ligne de démarcation des deux armées près de Saint-Quentin. A mesure que l'on avançait, la cavalerie alliée éprouvait des difficultés croissantes à garder le contact avec les Allemands. Thaw et de Laage partirent en avant, au ras du sol. En avion, lorsqu'on voit au sol des corps de troupes couverts de poussière, il est difficile de dire si ce sont des amis ou des ennemis. Nos deux pilotes partirent de ce principe que les lignes commençaient où l'on se mettait à les mitrailler. Alors ils faisaient demi-tour et allaient atterrir près de la cavalerie pour faire leur rapport, indiquant à quelle distance se trouvait l'ennemi et l'importance de ses forces. Après plusieurs heures de ce travail, Thaw atterrit dans la petite ville de Nesle, que l'on venait de reprendre aux Allemands. Il y reçut des habitants un récit émouvant de leur vie pendant l'occupation ennemie, son moteur s'étant refusé à repartir et l'ayant obligé à passer la nuit dans la cité picarde. Le lendemain il rentrait au camp.
    Nous reçûmes deux nouveaux pilotes. Watter Lovell, de Concord, dans le Massachusetts et Harold Willis, de Boston, son camarade d'Université à Harvard. Les deux Américains s'étaient engagés dans la même section d'ambulance américaine et avaient été tous deux décorés pour leur attitude au feu. A l'escadrille ils se montrèrent travailleurs autant que bons camarades. Avec eux arriva Edward Hinkle    , ancien étudiant aux Beaux-Arts à Cincinnati, puis à Paris. Hinkle était le doyen de l'escadrille: il comptait 42 ans.


Mac Connell et les Huns

    Le 19 mars, le jour même où de Laage et Thaw firent leur dangereuse liaison de cavalerie, nous perdîmes James Mac Connell. C'était l'une des plus belles intelligences de l'escadrille. Il avait écrit un récit intéressant des huit ou neuf premiers mois de l'escadrille Lafayette, et dans l'un des chapitres il parlait ainsi des Allemands: «Malgré leurs bombardements de villes ouvertes et l'usage qu'ils font de balles explosibles sur leurs mitrailleuses, les Allemands se montrent dans l'aviation sous un meilleur jour que dans les autres armes. Un certain nombre de pilotes allemands ont toujours sauvegardé l'honneur et la décence». Il faisait suivre cette appréciation de l'histoire d'un pilote allemand et de son prisonnier qui, faits prisonniers après qu'ils avaient employé des balles explosibles, furent néanmoins bien traités par ceux qui les avaient capturés. Le mois même où parut cet article, voici comment se conduisirent à l'égard de Mac Connell ceux qui l'avaient abattu.
    Genêt, Mac Connell et moi, nous étions partis en patrouille en avant de l'armée française qui progressait. Nesle, Noyon et Péronne étaient tombés en notre pouvoir et les Français continuaient à avancer. Au bout de dix minutes j'avais dû faire demi-tour, car un de mes cylindres ne donnait pas, mais Genet et Mac Connell avaient continué.
    Une demi-heure plus tard Genet rentra. Son sang coulait, il avait une grande balafre à la joue et tout son corps était secoué de tremblements. Son premier mot fut:
— Où est Mac?
Personne ne l'avait vu. Genet dit, en pleurant: «Je crains bien qu'il ait été tué».
    Il nous fit le récit de ce qui s'était passé. A 3 000 mètres environ au-dessus de Nesle, Mac Connell et lui avaient été attaqués par trois biplans boches. Genet avait été attaqué le premier, ce qui l'avait empêché de veiller sur Mac Connell qui se trouvait au-dessus. Il tournait autour d'un Fritz qui tournait lui aussi, chacun cherchant l'occasion. Genet reçut plusieurs balles dans son appareil et l'une sépara presque en deux l'un des longerons. Un éclat d'obus l'atteignit à la joue, lui déchirant les chairs, si bien qu'il dut faire demi-tour dans la crainte d'être trop affaibli par la perte de sang. On peut seulement par supposition se rendre compte de ce qui arriva à Mac Connell. N'ayant pas vu arriver l'ennemi il fut vraisemblablement surpris d'en dessus par deux avions ennemis et tué ou blessé grièvement par leurs rafales.
    Son corps tomba dans les lignes allemandes. Mais deux jours plus tard, notre cavalerie dans son avance, trouva les débris de l'appareil près de la petite ville de Jussy. Ils étaient dans un tel état qu'il fut impossible de se rendre compte de ce qui s'était passé. Avant de battre en retraite les Allemands avaient complètement dépouillé le cadavre, combinaison de fourrure, vêtements, papiers, argent et jusqu'aux souliers. Le corps de Mac Connell était complètement nu. Nous l'enterrâmes près de l'endroit où il était tombé et la petite croix de bois qui indiquait sa sépulture reçut cette inscription: «James Mac Connell, sergent pilote de l'escadrille Lafayette, mort pour la France.
    Evidemment cette profanation fut l'œuvre de l'infanterie ennemie, mais en France, lorsqu'un aviateur abat un boche dans nos lignes il vient à l'endroit où est tombé son adversaire et, s'il est mort, lui donne une sépulture décente sur laquelle il fait placer l'hélice de l'appareil.
    Je me souviens d'une aventure qui se passa sur le front de Salonique. Un pilote irançais laissa tomber dans les lignes ennemies un message de défi où il s'offrait à se mesurer seul avec deux pilotes allemands. Bientôt un message ennemi survint, indiquant que le défi était relevé et indiquant heure et endroit. Quand il arriva pour combattre, les Allemands, au lieu de l'attendre, l'amenèrent au-dessus de leurs batteries spéciales.
    Mac Connell, bien qu'il fut très brave et bon pilote n'avait jamais abattu d'avion boche quoi qu'il eût fait Verdun et l'offensive de la Somme et livré de nombreux combats.


Perdu dans une tempête de neige.

    Le temps demeurait très froid. Le 22 mars, parti en patrouille avec le capitaine Thenault, Hoskier, Bigelow, Genet et Hinkle, nous nous trouvâmes depuis Saint- Just jusqu'à Ham, pendant 60 klomètres, au milieu des nuages de neige. Au milieu des flocons nous ne voyions plus rien du sol. Mon moteur commença à avoir des ratés par suite du froid intense et à tomber de 1 200 à 900 tours. Je fus obligé de rentrer, comme deux de mes camarades l'avaient fait avant moi.
    A cette altitude, avec mon moteur tournant au ralenti, je perdais continuellement sur ma hauteur. Je dus ainsi m'engager dans une tempête de neige. C'était la première fois. A la vitesse à laquelle je marchais les flocons de neige tombaient contre le pare-brise et les
plans comme des balles.
    Ma boussole bafouillait à cause du froid et bientôt je ne sus plus où j'étais. Après une demi-heure pendant laquelle j'avais continué à descendre je me trouvai dans un soleil superbe. Je ne reconnus pas le pays. Etais-je en territoire français ou allemand, je n'en savais rien. J'estimai que ce qu'il y avait, de mieux à faire était de descendre demander où j'étais.
    Choisissant mon terrain je mis à la descente et j'atterris, sans couper mon moteur, mon pistolet automatique tout prêt pour le cas où se présenterait un soldat allemand. J'éprouvai un réel soulagement à voir apparaître deux soldats français. J'appris que j'étais très loin au nord et tout près d'un champ d'aviation anglais. Un jeune capitaine français me prêta une auto et je pus ramener deux mécaniciens qui, après une heure de travail, mirent mon Nieuport en état de voler. Je rentrai au camp où je sus qu'en dehors de Bigelow et de Genet tous mes compagnons avaient eu des ennuis de moteur et avaient dû atterrir.
    Le record à l'escadrille, pour se perdre, fut établi par Genet. Un dimanche matin, par un temps épouvantable, il eut l'idée de partir en patrouille. Il quittait le sol à 6 h. 45. A 11 heures, nous n'avions aucune nouvelle de lui et nous nous demandions s'il avait été descendu par un Fritz. L'après-midi se passa sans aucune information. Finalement nous apprîmes qu'il s'était posé au Bourget. Mais Le Bourget, qui par suite de la proximité de Paris, est le rêve de tous les pilotes, paraissait un atterrissage suspect. Il n'osa pas téléphoner, fit remplir ses réservoirs et repartit pour notre champ. Il se perdit de nouveau, passa au-dessus de notre région sans la voir et atterrit, à bout d'essence, sur un champ d'aviation anglais près d'Albert, à cent kilomètres de notre aérodrome. Informé de l'endroit où il se trouvait, il fit refaire le plein et se remit en route. Il avait l'intention de téléphoner, mais il eut fallu attendre deux ou trois heures ; il s'y refusa. Il atterrit finalement sur un autre terrain, à quelques kilomètres de chez nous. Il avait parcouru dans sa journée plus de 600 kilomètres à vol d'oiseau et volé près de 7 heures. C'était le record de la durée pour une patrouille.


Voyages à l'aventure.

    L'aventure est souvent grave, lorsqu'un pilote se perd par suite du mauvais temps, parfois aussi elle est plaisante. Il arrive aussi qu'elle soit curieuse et triste.

    Une escadrille française venait d'être créée. Le capitaine et six pilotes vinrent prendre livraison de leurs appareils près de Paris, et partirent en groupe au front sur leurs Caudron bi-moteur. En route ils se perdirent. Au bout d'un certain temps le capitaine vit un champ d'aviation et mit à la descente. Tous les autres l'imitèrent car iL est prescrit de suivre son chef de file. Atterrissages fort réussis, mais ils s'aperçurent trop tard qu'ils étaient sur un aérodrome allemand sans aucune chance d'échapper. Le lendemain les Allemands accusèrent réception des sept avions et des sept pilotes «en bonne condition».
    Une autre histoire est celle d'un convoyeur anglais qui, parti d'Angleterre sur triplace Sopwith par beau temps, arriva en France dans la tempête et se perdit. Il atterrit à fin d'essence en territoire inconnu. Il s'affola et se crut chez les Allemands. Conformément à
ses instructions en cas de panne chez l'ennemi il mit le feu à son appareil, puis se dirigea vers la ville la plus proche. Avec désespoir il se trouva face à face avec une sentinelle anglaise, il était à 25 kilomètres dans ses lignes.
    Autre aventure aux conséquences plus graves. Le second Handley-Page envoyé au front, avion de bombardement gigantesque, atterrit à Gand au lieu d'atterrir à Dunkerque. L'avion était intact quand les Allemands s'en emparèrent. Ils ne furent pas longs, hélas, à reconnaître la valeur de l'appareil, de plus de 30 mètres d'envergure et fait pour emporter 1500 kilos de bombes. Ils construisirent un appareil d'un type analogue, le Gotha, avec lequel ils firent de nombreux bombardements sur l'Angleterre. Le Gotha, copie presque servile du Handley-Page, a les mêmes qualités de vol, il «vole tout seul» suivant l'expression des pilotes anglais.
    L'utilité de savoir se diriger en pays inconnu est prouvée par l'histoire suivante qu'un Français nous raconta:
Un pilote d'une escadrille française avait un frère prisonnier en Allemagne. Ce dernier lui envoya une série de lettres qui semblaient à ses geôliers anodines et qui, en fait, par allusions et en langage convenu, avec code secret lui fit savoir où il était et lui indiqua comment il pourrait essayer de le faire évader. L'aviateur obtint de ses supérieurs l'autorisation d'aller en avion en Allemagne pour ramener son frère. Il partit en biplace, franchit les lignes et atterrit à l'endroit qui lui avait été indiqué, à 100 kilomètres environ dans l'intérieur du territoire occupé par l'ennemi. Il attendit pendant vingt minutes sans être inquiété, sans couper son moteur, mais son frère ne vint pas et il dut rentrer seul. Une autre fois encore il refit le voyage sans résultat. Par la suite il apprit que le prisonnier n'avait pas réussi à échapper à la vigilance de ses geôliers.


La mort de Genet

    Chaque jour, maintenant, dans nos patrouilles sur le front de la Somme, nous voyions les Allemands incendier les villages avant de battre en retraite. Nous étions haut, mais nous pouvions distinguer la fumée et les flammes qui marquaient la ligne de repli. Nos escadrilles étaient maintenant prêtes à se rapprocher du front. L'avance avait été telle, en effet, qu'il nous fallait une demi-heure pour arriver aux lignes pour nos patrouilles.
    Rockwell venait de rentrer d'une permission en Amérique. Dudley Hill allait se faire opérer et devait être absent pendant plusieurs mois. Kenneth Marr, de San-Francisco, venant de Nome, dans l'Alaska, un robuste gaillard de 32 ans, arrivait à l'escadrille. Il avait amené en France des chiens de l'Alaska, destinés, je suppose, au service d'ambulance dans les Vosges.
 

    Vers cette époque, William Dugan, de Rochester, dans l'État de New-York, un ingénieur qui avait quitté la direction d'une plantation de bananiers dans l'Amérique centrale pour s'engager dans la Légion étrangère, fut affecté à l'escadrille. Il avait été blessé dans les tranchées et était décoré de la croix de guerre. Nous reçûmes encore Thomas Hewit, de New-York, qui avait servi à l'ambulance Norton-Harjes.
    L'escadrille, à cette époque, était ainsi  composée : Thaw, Lufbery, Johnson, Haviland, Rockwell, Soubiran, Genet, Hoskier, Parsons, Bigelow, Hinkle, Lowell, Willies, Dugan, Marr et Hewitt,  soit, avec le capitaine Thenault et le  lieutenant de Laage, dix-huit pilotes. Bientôt notre effectif devait être moindre.
    Pendant quelques jours le mauvais temps nous empêcha de voler. Le 7 avril,  nous allâmes nous installer 40 kilomètres plus loin, à Ham, à 30 kilomètres de la ligne Hindenburg. La ville n'était pas en aussi mauvais état qu'on l'eut imaginé, sans doute parce que les Allemands se retirèrent si vue qu'ils n'eurent pas le temps de la détruire complètement, non plus que Roye, Nesle et Noyon, tandis que les villages furent entièrement rasés.
     Le champ d'aviation de Ham était superbe, mais plutôt dangereux, car il arrivait, suivant le vent, que nous étions obligés de prendre notre hauteur sur la ville et en cas de panne de moteur c'était l'accident inévitable. L'escadrille Lafayette était la seule formation d'avions de chasse sur le terrain, mais il y avait plusieurs escadrilles de reconnaissance et de réglage d'artillerie, des Farman, des Caudron, des Morane. Nous étions logés dans une grande maison en briques, Haviland et moi nous fûmes assez heureux pour trouver deux lits. En outre,  un vieux paysan nous vendit du charbon au prix de 30 francs la tonne. Il avait été laissé chez lui par les Allemands. A dire vrai nous nous attendions à y trouver quelque cartouche de dynamite qui nous ferait sauter, mais il n'en fut rien.
    Le lieutenant de Laage mit fin à la guigne de l'escadrille en abattant deux boches le même jour. Il était parti seul afin d'avoir plus de chances d'être attaqué. Au-dessus de Saint-Quentin, par deux fois, il fut assailli par deux avions allemands et chaque fois il abattit l'un de ses adversaires. Ses victoires furent homologuées et il reçut la croix de chevalier de la Légion d'honneur.
    Le capitaine m'avait autorisé à prendre l'un des nouveaux «monocoques» Nieuport, moteur 120 chevaux, et nous partîmes à Paris chercher nos appareils: Lovell, Genet et moi, des Nieuport; Willies, Johnson et Soubiran, des Spads.
    Hoskier et moi, nous avions des préventions contre le Spad à cause de son moteur fixe et des ennuis qu'il donnait par temps froid. Hoskier demanda un biplace Morane, parasol monoplan les ailes surplombent le fuselage comme un parasol. L'avion était rapide avec son moteur 120 chevaux, mais on le considérait comme dangereux pour la fragilité des attaches des ailes. Comme mitrailleur il emmena Jean Dressy, l'ordonnance du lieutenant de Laage, qui avait fait un stage à l'école de tir aérien de Cazaux. Les Dressy avaient été au service de la famille De Laage pendant plusieurs générations et Jean avait eu l'occasion de sauver la vie du lieutenant lorsqu'ils étaient tous deux dans la cavalerie au début de la guerre. Ils étaient entièrement dévoués l'un à l'autre.
    Pendant mon séjour à Paris, Lufbery descendit un avion allemand,son huitième, et A. Courtney Campbell, de Chicago, fut affecté à l'escadrille.
    C'est alors que survint la mort du premier de mes camarades d'école. Aucun événement ne m'a plus impressionné que la mort de mon pauvre Genet. Il venait d'avoir l'aubaine d'être désigné pour aller à Paris chercher un appareil neuf, mais il décida de ne pas quitter l'escadrille et Hoskier partit à sa place. Genet alla l'après-midi en patrouille. Vers deux heures on le vit tomber, au milieu d'une véritable nuée d'éclatements d'obus, à Jussy, à 800 mètres de l'endroit Mac Connell était tombé un mois auparavant.
    Ceux qui allèrent ramasser l'appareil déclarèrent qu'ils n'avaiert jamais vu pareil naufrage. Genet avait du être tué par un obus, car l'avion descendit à la verticale à plein moteur. Il vint tomber au milieu d'une route le moteur s'incrusta dans le sol dur. De tout le reste de l'appareil en miettes aucun débris ne dépassait le volume d'une allumette. Quant à Genet, l'un des pilotes les plus adroits et les plus sûrs de l'escadrille, il était écrasé. De l'altitude il se trouvait, lorsque commença la chute, il avait arriver au sol à plein moteur à quelque six cents kilomètres à l'heure.


Hoskier tué en combat.

    J'avais ramené de Paris mon Nieuport «monocoque» et l'avais essayé sans rien remarquer de spécial sinon que les commandes étaient un peu dures. Je l'avais fait équiper et armer de sa mitrailleuse pour lui donner le baptême des lignes, lorsque le capitaine rentra de Paris avec l'ordre d'interdire de voler sur cet appareil.
    Un pilote du front s'était tué sur monocoque Nieuport et l'enquête avait abouti à cette interdiction. Rockwell et moi nous avions eu la veine de ne pas faire d'acrobaties avec nos appareils, mais Lovell avait volé plus de douze heures sur son monocoque et il ne lui était rien arrivé. Lufbery, à la même époque, reçut un Spad 150 chevaux.
Le 23 avril, je perdis un autre de mes camarades d'école à Buc, à Pau et à Avord, le second dans la même semaine. Hoskier et Dressy étaient partis sur les lignes en Morane parasol avec l'intention de faire leur dernier vol sur cet appareil. Hoskier avait décidé, en effet, de prendre un Spad, Haviland et Thaw les accompagnaient, mais les nuages, vers 2 500 mètres, séparèrent les trois appareils. Aucun pilote de l'escadrille ne revit Hoskier et Dressy, mais les observateurs terrestres assistèrent à leur combat contre deux avions allemands. Finalement l'avion français se mit en vrille et tomba dans nos lignes à quelques centaines de mètres des tranchées, à Haucourt, à un mille de Saint-Quentin. Nos deux amis avaient été tués sur le coup.
    Rockwell et moi nous allâmes chercher leurs corps pour les ramener à Ham. Ils étaient tellement abîmés que nous ne pûmes trouver les traces des balles. Ils avaient épuisé toutes leurs munitions. On peut supposer qu'ils cherchèrent ensuite à fuir et que, quelque commande ayant été coupée, ils ne purent se remettre en ligne de vol après s'être mis en vrille. Aucun de nous, dès lors, n'eut la tentation de prendre un Morane parasol.
    Le fait que Lufbery, le lendemain, avec son nouvel appareil abattit son 9e boche officiel à l'endroit même Hoskier avait été descendu, n'atténua pas notre douleur d'avoir perdu un bon pilote et un excellent camarade et nous témoignâmes aussi notre sympathie au lieutenant de Laage que la mort de Dressy avait fort affecté. Le 26 avril j'allai à Compiègne au devant de M. et Mme Hoskier, de South-Orange (Etat de New-Jersey) qui étaient venus de Paris pour assister aux obsèques de leur fils. M. Hoskier commandait une section d'ambulance.
    Le service funèbre, catholique pour Dressy et protestant pour Hoskier fut fort émouvant , surtout lorsque M. Hoskier prit la parole sur la tombe de son enfant.
    Le lendemain on me donnait un Spad et, malgré mes préventions premières, j'en fus fort content. L'appareil était très rapide, plus rapide qu'aucun avion allemand et très maniable. Le même jour Johnson descendait son premier boche officiel à Saint-Quentin et Thaw et Haviland en abattaient ensemble un autre près de May. En outre, nous assistâmes à la remise de la croix de la Légion d'honneur au lieutenant de Laage.
 

Ce que je dois à Lufbery

Le lendemain, tandis que j'étais en patrouille sur mon nouveau Spad, je fus séparé de mes camarades à 5 6 kilomètres dans les lignes allemandes, par la brume et les nuages qui devenaient épais. Je virai pour rentrer dans nos lignes. Regardant par-dessus mon épaule comme tout pilote a coutume de le faire lorsqu'il est en dangereuse situation, je vis quatre avions boches à 3 ou 400 mètres au-dessus de ma tête.
    Je n'hésite pas à avouer que je ne fus pas rassuré. L'air était si clair que je pouvais voir nettement sur leurs ailes translucides les croix noires en relief sur le ciel, et ils semblaient résolus. Je savais que s'ils piquaient sur moi il y avait toutes chances pour que ma carrière à l'escadrille Lafayette fut vite terminée.
    Mais soudain, juste derrière eux, je vis un petit avion de combat qui les prenait en chasse et, comme un fox-terrier, s'accrochait à leurs talons. Je reconnus le Spad de Lufbery. A mon admiration pour notre champion s'ajoutait ma reconnaissance. Il m'avait sauvé, bien que poursuivant les boches pour son propre compte avant d'avoir vu qu'il y avait l'un des pilotes de son escadrille au-dessous d'eux. Il ne put abattre aucun d'eux, mais les poursuivit en territoire allemand.
    Ce fut mon souvenir personnel le plus vivant de l'admirable travail de notre pilote, aussi est-ce l'occasion de dire quelques mots sur lui. 
    Raoul Lufbery est français de souche, bien que à Wallingford  , dans le Connecticut
(note: NON il est né à Chamalières dans le Puy de Dôme, en France). L'escadrille Lafayette, sans lui, pourrait soutenir la comparaison avec les escadrilles allemandes qui nous étaient opposées, mais avec lui elle écrasait de sa supériorité n'importe quel groupe de Fritz.
    Lufbery avait beaucoup voyagé. Il avait passé quatre ans dans l'armée américaine aux Philippines, puis avait travaillé dans les chemins de fer aux Indes et fait nombre d'autres métiers. En IndoChine il rencontra le fameux aviateur Marc Pourpe, devint son mécanicien, et partit avec lui faire une tournée d'exhibitions en 1911 et 1912.
    Lufbery très discret sur ses propres affaires et extrêmement modeste, était un bon diseur d'histoires. Suivant l'un de ses récits les Indo-Chinois, après avoir vu voler Pourpe, voulurent l'imiter et construisirent très habilement des cerfs-volants qui ressemblaient à l'avion. N'ayant pas de moteur, ils imaginèrent de le remplacer par un essaim d'abeilles dont le bourdonnement donnait tout au moins l'illusion du bruit. Par la suite ils ne comprirent jamais pourquoi leur avion ne volait pas comme celui de Marc Pourpe.
    A la déclaration de guerre Raoul Lufbery, qui était âgé de 28 ans, entra dans l'aviation française comme mécanicien de Pourpe, son patron. Quelques mois plus tard Pourpe fut tué en combat et Lufbery jura de venger la mort de son ami. Il devint élève pilote, passa
son brevet, et fut affecté en premier lieu à -- une escadrille de bombardement (V.B. 106 du 7 octobre 1915 au 10 avril 1916) il eut le rare bonheur de descendre un boche. A la création de l'escadrille américaine il passa dans la nouvelle formation et se classa bientôt parmi les «as» de l'aviation française. A l'heure j'écris ces lignes, en décembre 1917, Lufbery compte 15 victoires officielles et le double de victoires non homologuées mais certaines. 
    Lufbery est le plus calme, le plus tranquille des hommes. Petit, trapu, avec des muscles de fer, c'est le pilote le plus robuste de l'escadrille. Les yeux perçants, il est, quelle que soit l'arme, le meilleur tireur de notre groupe. Sa thode de vol est classique, --c'est-à-dire conforme à l'enseignement des écoles d'aviation-- mais il sait, sans s'exposer lui-même, profiter de moindre ouverture, comme les plus habiles des boxeurs et des escrimeurs, et porter le coup mortel en l'espace d'une fraction de seconde, tandis que les avions marchent à leur vitesse vertigineuse. Tout récit des fait d'armes de l'escadrille est émaillé de ses exploits.


de Laage se tue

    Lovell et moi nous eûmes l'occasion, le 4 mai, d'attaquer un biplace d'obervation à May, au nord de La Fère. Lovell piqua le premier, je suivis, descendant très bas et tirions sur l'adversaire une trentaine de balles, mais l'avion s'en llait si loin dans ses lignes que nous dûmes l'abandonner.
    Les canons spéciaux nous prirent pour cible, mais sans nous atteindre. Une demi-heure après, cependant, quand nous rentrâmes de patrouille à 4 000 mètres, la batterie de La Fère se mit à tirer sur nous. J'entendis un craquement sur les plans. Je regardai tout autour et je vis que l'un des longerons de droite avait été emporté par un obus. Je fus atterré, bien à tort car mon avion me ramena sans encombre au terrain ou j'atterris normalement.
    Rockwell eut un coup dur le lendemain. Un Fritz le prit d'en dessous tandis qu'il effectuait une patrouille et le poursuivit en piquant pendant deux mille mètres en tirant sur lui. L'appareil était criblé de balles. Nous en avons compté 27 tout autour du siège et un aileron était presque coupé en deux; c'était un miracle qu'il eut échappé, avec les balles qui passaient tout autour de lui.
    Le lendemain l'escadrille entière eut une mission paisible. Il s'agissait de lancer des tracts. Arrivés sur les tranchées allemandes, nous lançâmes nos proclamations par-dessus bord et elles s'en allèrent comme une nuée, paresseuses jusqu'au sol. Imprimées en allemand, elles disaient:
«Soldats allemands
«Vos chefs commettent un infâme mensonge en vous certifiant que les Français maltraitent les prisonniers allemands. Nous ne sommes pas des sauvages. Venez à nous avec confiance. Vous trouverez ici bon accueil, bon traitement».
    Les soldats allemands ont interdiction de ramasser et de lire les messages qui leur viennent du ciel, mais il est certain qu'un grand nombre n'obéirent pas à leur consigne car dans la nuit suivante, dans notre secteur seulement, il y eut 50 Allemands qui rentrèrent chez nous en faisant: «camarades».
    Ray Bridgman, de Lake Forest, dans l'Illinois, arriva à l'escadrille le 2 mai, après avoir passé un mois à la N. 49, sur le front de Belfort. Vers cette époque j'appris que j'avais été nommé sergent a la date du 25 avril, après quarante heures de vol sur les lignes.
    John Drexel, de Philadelphie, Charles Dolan, de Boston et Henry Jouy, de Brooklyn rejoignirent l'escadrille, dont l'effectif comprit 20 pilotes, en comptant le capitaine et le lieutenant. Dudley Hill revint d'Amérique, mal remis encore de son opération, mais impatient de se remettre au travail.

    Le 15 mai, je partais én permission, pour Biarritz. Pendant mon absence le lieutenant de Laage se tuait en avion. C'était le premier deuil par accident à notre escadrille. Le lieutenant avait coutume de monter en chandelle dès le départ et jusqu'ici aucune défaillance de moteur ne l'ayant surpris, il ne lui était rien arrivé. Ce matin-là son moteur eut une panne alors qu'il était à 50 mètres, il glissa sur l'aile en perte de vitesse et fut tué sur le coup. Nous en eûmes tous le plus vif chagrin. Le lieutenant de Maison-Rouge, de l'escadrille 67, le remplaça à l'escadrille.
    Lufbery, à cette époque, reçut la médaille militaire anglaise. Bien qu'adjudant il était déjà titulaire de la Croix de guerre avec cinq palmes, de la médaille militaire et de la Légion d'honneur. Quand je rentrai de permission, je ramenai de Paris, Clyde Balsley qui avait été blessé un an auparavant. Il sortait depuis un mois avec une canne et se montrait impatient de rejoindre ses camarades au front et de voir s'il pourrait encore piloter. Sa jambe blessée ne le lui permit pas, mais il put faire quelques patrouilles en biplace comme passager.
    Le 31 mai, Johnson et Haviland furent nommés adjudants. J'eus l'occasion de poursuivre un gros biplace allemand sur Sairt-Quentin, mais sans pouvoir le descendre.
    Le 3 juin, sans autre avertissement, nous quittions notre champ d'aviation de Ham pour un autre terrain, beaucoup plus mauvais, à proximité de Soissons, et vers le même temps, Masson rentrait à l'escadrille après avoir quitté Avord.


A la  poursuite de Fantômas

    Le 11 juin, Hinkle quittait l'escadrille. Il n'y devait plus revenir. Le lendemain Lufbery descendait son dixième boche officiel, dans un groupe de cinq avions. Il se brisa en l'air et les débris tombèrent dans les tranchées françaises. La citation qui lui fut accordée mérite une reproduction. La voici:
«Merveilleux pilote. Vivant exemple pour son escadrille d'audace, de sang-froid et de dévouement. A descendu le 12 juin son dixième avion ennemi».
    Vers la même époque, Bridgman et moi nous entreprîmes la chasse d'un insaisissable pilote allemand que les Français avaient surnommé «Fantomas». A l'aube ou au crépuscule il avait coutume de venir à moins de quarante mètres mitrailler les tranchées françaises. Les expéditions énervaient les troupes et le général de division promit une citation spéciale au pilote qui descendrait l'avion en maraude.
    Pendant une semaine ou deux nous partîmes au-dessus des tranchées, au crépuscule, à l'altitude de 2 à 300 mètres. Je n'avais jamais volé aussi bas jusque-là. Au soir tombant on pouvait distinguer les lueurs des mitrailleuses françaises et nous avions l'effroi constant des obus. Parfois nous faisions un bond lorsque le projectile passait tout près. Mais nous ne vîmes jamais Fantômas et au bout d'un certain temps nous abandonnâmes la chasse. La rumeur courut parmi les pilotes qu'une mitrailleuse française l'avait descendu et qu'on avait reconnu un coureur cycliste très populaire avant la guerre.
    Notre champ se trouvait sur le chemin le plus court de Paris au front, aussi étions-nous d'alerte contre les incursions ennemies du soleil levant. Un matin la sirène nous éveillait. C'était le tour de service de Marr et de Bigelow. Marr, à l'alerte, était en pyjama. Il se précipita néanmoins, et si vite qu'en moins de deux minutes il était parti, avant qu'on put le rappeler, car il fut reconnu que c'était une fausse alerte et Bigelow fut prévenu juste à temps. Marr vola jusqu'au Bourget. C'était une aubaine fort recherchée par suite de la proximité de Paris, mais que faire en combinaison et en pyjama. Marr n'eut d'autre ressource que de revenir. Tout ce qu'il gagna fut les félicitations de nos chefs au rapport de l'escadrille.
    Le 16 juin, par deux fois, j'eus une chance de premier ordre pour descendre des appareils allemands. Chaque fois j'avais réussi à me mettre dans le soleil et à les attaquer pratiquement sans danger. A mon premier assaut ma mitrailleuse s'enraya à la trentième balle. Je rentrai alors dans nos lignes, je vérifiai mon arme et je repartis vingt-cinq minutes plus tard. Je rencontrai un autre Fritz. Cette fois, ma mitrailleuse s'enraya au premier coup et je dus abandonner. Quelques jours plus tard, j'étais parti en patrouille avec Dugan lorsqu'il fut obligé de faire demi-tour. Resté seul je me vis attaqué par trois biplaces. Je piquai, et avec ma vitesse plus grande, je n'eus aucun mal à échapper. Le lendemain nous étions encore ensemble en patrouille lorsque nous aperçûmes un superbe avion vert. Il ne nous attendit pas et s'enfuit dans ses lignes, mais vingt minutes plus tard il revenait avec quatre camarades et nous n'avions plus qu'à abandonner la partie.


La veine extraordinaire de Jim Hall

James Norman Hall, l'auteur de «Ceux de Kitchener», pourra écrire le récit de la veine la plus extraordinaire qu'un aviateur ait jamais eue, mais je crois qu'il n'en a rien su de plus que ses camarades de l'escadrille Lafayette, car il s'était évanoui au moment le plus dramatique de son aventure.
    Hall après avoir passé deux ans dans les tranchées anglaises avait été blessé et était rentré en Amérique. Il ne put supporter de rester éloigné de la guerre et revint en France. Il entra dans l'aviation et, le 22 juin, arriva à notre escadrille. Aussitôt il donna à ses camarades l'impression d'un «cran» extraordinaire. Il voulait, dès le premier jour, «avoir son boche». Et, en vérité, il faillit y réussir, et s'il y avait réussi la littérature y eut perdu car c'eût été au prix de sa propre vie.
    Dès son arrivée aux lignes, notre débutant aperçut un avion allemand au-dessous de lui. Il piqua dessus à la verticale. Le «Fritz» ne l'avait pas vu et ne fit rien pour l'éviter. Hall, dans son plongeon, arriva sur sa proie si près et si vite qu'il n'eut pas le temps de tirer une balle. En réalité il avait trop à faire à éviter la collision qui eut amené leur mort à tous deux. Il y réussit, puis descendit. L'expérience lui paraissait suffisante pour une première sortie.
    Le lendemain, son ambition était la même. Il était plus impatient encore d'abattre le Boche qu'il avait raté la veille. Pour une raison ou une autre il fut en retard au départ et ne put rejoindre la patrouille au point de rassemblement, Quand il eut pris sa hauteur, les autres étaient partis sur les lignes et hors de vue. Il alla à leur recherche le long du front sans les trouver. Il s'aventura alors en territoire ennemi et finalement, à peu de distance, aperçut un groupe de sept appareils. Le nombre dépassait bien celui des avions de sa patrouille, mais il n'en eut cure et alla vers eux, en plein milieu du groupe pour que l'on sût qu'il avait rejoint. Au bout de quelques instants, il s'aperçut qu'au lieu d'avions aux cocardes tricolores il était environné de sept boches aux croix noires.
    J'imagine que les Huns devaient rire en eux-mêmes de l'étourderie de Hall et de ce qui allait lui arriver. Ils se mirent en carrousel à tirer sur lui. La seule question était de savoir par qui et où il serait abattu. Enfin une balle atteignit Hall à l'épaule, une autre à la jambe, une troisième au front et il s'évanouit. Il tomba la tête en avant sur la carlingue et poussa sur le manche à balai, si bien que son appareil piqua à la verticale. Le moteur tournait à plein régime et cette chute de 4 000 mètres atteignit une vitesse vertigineuse. En arrivant à quelques centaines de mètres de terre, Hall reprit ses sens. Ce ne fut que pour un instant, mais assez pour qu'il eût le temps de mettre le moteur au ralenti et de réduire la descente. Puis il s'évanouit à nouveau.
    L'avion alla se briser dans les tranchées françaises de seconde ligne et par un hasard miraculeux le fuselage s'encastra dans la tranchée. Les ailes, prenant appui sur les berges, se brisèrent mais amortirent la chute et, tandis que l'avion se disloquait, Hall n'avait aucune nouvelle blessure.
    Le 29 juin, on lui donnait sur son lit d'hôpital la Croix de guerre et la Médaille militaire. Deux mois après, l'agonisant dont on avait cru la mort inévitable, était complètement rétabli et revenait à l'escadrille Lafayette reprendre sa place pour abattre des Boches.
PLUS Le caporal James Norman Hall était en Angleterre, en voyage d'agrément au 1 mois d'août 1914. Il s'engagea aussitôt dans un régiment anglais et suivit ses classes comme canonnier. Il passa quinze mois dans les tranchées, dans le nord de la France, lorsqu'il fut déclaré inapte au service et retourna aux Etats-Unis. Il écrivit un livre intéressant et vivant sous le titre: «Ceux de Kitchener», où il racontait ses souvenirs au milieu de l'armée anglaise. Le volume eut un grand succès en Amérique et Hall fut chargé par un éditeur de se rendre en France et d'écrire une série d'articles sur l'escadrille La Fayette.
Hall arriva à Paris au mois d'août 1916 et fit la rencontre de bon nombre des aviateurs américains volontaires, y compris le sergent James Rogers Mac Connell, mort depuis. Après avoir eu plusieurs entretiens avec Mac Connell, Hall décida: «Je ne vais pas écrire sur les aviateurs américains, je vais m'engager à l'escadrille La Fayette et voler avec eux».





Le départ pour les Flandre.

Ralph Doolittle, de Providence (RhodeIsland), arriva à l'escadrille le 3 juillet après avoir passé deux mois à l'hôpital à la suite d'une chute à la R. G. A. Le 4 juillet l'escadrille au complet alla à Paris, où une cérémonie imposante eut lieu aux Invalides pour la fête de l'Indépendance. Le 7 juillet, nous eûmes une cérémonie intéressante et pittoresque: la présentation du drapeau américain offert à l'escadrille par Mrs Mac Adoa, femme du secrétaire aux Finances et quarante jeunes filles du ministère. A cette occasion. nous avions avec nous les chasseurs alpins. Le drapeau fut remis au lieutenant Thaw.
    Une station de T. S. F. était installée sur notre champ où je passais de longues heures. On y recevait les communiqués officiels allemands comme les nôtres, et il était intéressant de les confronter chaque jour.
Vers le 7 juillet. David Peterson, de Honesdale, rejoignit l'escadrille. Ce fut le dernier pilote affecté à l'escadrille. Peu après son arrivée Drehel nous quittait.
    Le 12 juillet, au Chemin-des-Dames, à 200 mètres au-dessus de nos tranchées je rencontrai un avion boche et le poursuivis jusqu'au sol. Il passa les tranchées à moins de 50 mètres. Willies combattit un autre avion ennemi pendant six minutes dans nos lignes sans autre résultat que de le forcer à rentrer chez lui. Après d'immenses préparatifs en vue d'empêcher une incursion matinale des Boches sur Paris le 14 juillet, incursion qui ne se produisit pas, nous reçûmes tout d'un coup l'ordre, le 17 juillet, de partir pour Dunkerque, en même temps que les autres escadrilles. C'était le beau voyage le long du front pour l'immense flottille d'oiseaux migrateurs. Une offensive franco-anglaise était en préparation dans les Flandres.
    Ce fut une journée terrible que celle de l'exode, avec les nuages à 400 mètres et les orages à travers lesquels nous devions passer. Néanmoins Willies et moi nous fîmes le trajet de 260 kilomètres, de conserve, en 1 h. 15. La ligne de bataille que nous côtoyions à très faible altitude était intéressante et dangereuse. Partout, en dessous, des tranchées, anciennes, récentes, et des trous d'obus innombrables. S'il nous avait fallu atterrir nous eussions brisé nos appareils. Nous survolâmes Péronne, Arras, Lens, Hazebrouck, en nous tenant un peu en arrière de la ligne des drachens.
    Willies avait un appareil photographique et, au-dessus d'Arras, nous fîmes un virage pour prendre quelques clichés, au cours duquel Willies passa à trois mètres à peine d'une saucisse cachée par un nuage. Je le suivais et je fus surpris comme lui par cette rencontre. Tandis que nous survolions les Flandres, le ciel s'éclaircit et nous arrivâmes en vue de la mer. Trouver Dunkerque n'était plus qu'un jeu.
    Le terrain était superbe, très long, mais quelque peu étroit et entouré d'obstacles. La mer était à proximité. Doolittle, qui était parti en dernier, après 70 autres Spad, vit entre Lens et Arras un Boche qui attaquait une saucisse anglaise. Courageusement il alla à sa rencontre, mais deux autres Boches tombèrent sur lui et plusieurs balles atteignirent son appareil, dont l'une le blessa à la jambe. Il dut atterrir dans une terre labourée où il capota et se blessa à l'œil. Après quinze jours de traitement dans un hôpital anglais il revenait parmi nous.
    Il y avait quelques pilotes de l'aviation maritime anglaise à Duhkerque. Nos bagages ét nos mécaniciens ne devant nous rejoindre que deux jours plus tard, ils nous donnèrent l'hospitalité. Sur le champ était installée une escadrille de bombardement de nuit. Il était intéressant de les voir rentrer d'expédition. Avec l'obscurité complète il y avait danger de collision au retour. Toutefois un système d'éclairage fut imaginé pour remédier aux accidents et les appareils furent munis de lampes de bord au bout des ailes.
    Je n'ai jamais eu un goût très vif pour les bombardements. Quelques nuits après mon arrivée, deux avions chargés de bombes eurent une collision sur le champ. Un pilote fut tué, un observateur blessé. Par bonheur pour les spectateurs inoffensifs, les bombes n'éclatèrent pas.
    Vers la fin de juillet on nous trouva une mission dans l'offensive qui devait se déclencher aux premiers jours d'août. Il s'agissait d'emporter deux bombes de 10 kilos, de partir à l'aube sur les lignes, d'aller survoler les champs d'aviation allemands et de leur faire autant de dégâts que possible. Les pilotes de combat jugeaient qu'un tel travail eut mieux fait l'affaire des bombardiers de nuit, mais il paraît que l'on comptait fort sur un effet de surprise. Plusieurs pilotes furent désignés pour cette mission dans chaque escadrille. Chez nous Rockwell, Lovell et moi fûmes choisis et nous eûmes à passer deux jours à faire installer des lance-bombes sur nos Spad. Je n'oublierai jamais les sensations que j'éprouvai en faisant un vol d'essai avec mes bombes. Leur poids rendait l'appareil lourd et difficile à manœuvrer et j'éprouvais l'impression qu'il arriverait un moment où je le verrais se détacher. Elles étaient munies de petites hélices qui, pendant la chute, devaient se mettre en mouvement et briser la cloison de séparation entre deux liquides. Le mélange devait produire explosion. Les petites hélices se trouvaient sous le fuselage, maintenues en place seulement par des fils légers et j'éprouvais une appréhension peu confortable à songer que le déplacement d'air de mon hélice pourrait les actionner.
    Je fus fort heureux, au cours de mon vol d'essai, quand j'eus lâché mes bombes de 800 mètres de haut. Elles tombèrent à cent mètres du but.
    Nous ne fûmes pas fâchés que le temps, durant les quatre premiers jours de l'offensive, se maintint trop mauvais pour que l'on put voler. Nous n'eûmes pas à utiliser nos bombes et la seule occasion qui me fût donnée d'effectuer un bombardement se présenta un mois plus tard, à Verdun, sur des réserves allemandes.
    Le 29 juillet, avec Willies comme chef de patrouille, nous nous étions aventurés, Lufbery, Thaw, le capitaine Thenault, Rockwell, Hill et moi jusqu'à 50 kilomètres à l'intérieur des lignes sans rencontrer un seul avion ennemi. Le 4 août, par contre, cinq avions allemands vinrent de jour sur Dunkerque, à très grande altitude, lancer des bombes. Sans autre résultat que de tuer quelques Chinois, bien qu'ils aient eu comme objectif notre terrain.


Aux prises avec le groupe Tango.

Nous fîmes la connaissance du fameux groupe de chasse allemand connu de tous nos pilotes sous le nom de l'«équipe tango» le 5 août, à la suite des quatre jours de mauvais temps qui avaient accompagné l'offensive anglaise, déclenchée de Dixmude à Ypres le 1er août. Je n'ai jamais vu, en aucun endroit du front, pareille concentration d'avions. Des appareils anglais, français et belges de tous types tenaient l'air à la fois. Ils étaient si nombreux qu'on avait la sensation qu'il fallait faire attention si l'on voulait éviter une collision. Ce fut là que pour la première fois je vis opérer les Anglais. Leur méthode était identique à la nôtre, sauf que leurs patrouilles, plus fortes, comprenaient dix à douze appareils.
    Les pilotes de l'escadrille Lafayette n'avaient pas eu la chance d'engager le combat avec les Allemands qui, par suite de notre grande supériorité aérienne, étaient obligés de rester dans leurs lignes. Par une belle après-midi d'été Lufbery, Lovell, Willies et moi nous étions partis en patrouille vers quatre heures. Le temps était nuageux mais propice pour l'aviation. Notre objectif était le secteur Ypres-Dixmude. Nous avions rendez-vous à 3 000 mètres au-dessus du champ, puis nous devions continuer à prendre notre hauteur en allant aux lignes. Willies était chef de patrouille, Lufbery et Lovell le flanquaient; j'étais derrière et plus haut. A notre gauche, la mer toute proche; au-dessous, la bande brune du Noman's Land qui s'étendait aussi loin que pouvait porter le regard.
    Quand nous arrivâmes dans notre secteur aucun avion allemand n'était en vue. Willies, après quinze minutes à errer sans autre résultat que de brûler de l'essence, décida de s'engager en territoire ennemi. Finalement nous nous. trouvâmes près de la mer et nous reconnûmes que nous étions au-dessus de l'aérodrome allemand, près de Zeebrugge. Au-dessus du terrain, mais au-dessous de nous, six avions boches qui nous semblèrent être des Albatros, faisaient des évolutions. A leur maîtrise nous reconnûmes l'équipe Tango dont les Anglais nous avaient parlé au Chemin-des-Dames quatre mois auparavant. Ce groupe était sous le commandement du baron von Richthofen, l'un des as allemands, qui comptait un grand nombre de victoires. Les Anglais leur avaient donné, je pense, leur surnom à cause de leurs véritables mouvemerts de tango dans leur vol en équipe. Ils évoluaient en groupe, se jugeant en parfaite sécurité au-dessus de leur champ d'aviation, à quelque 40 kilomètres du front. Ils étaient six contre quatre, mais nous avions
l'avantage de la hauteur, aussi nous nous mîmes en devoir de chercher à les descendre. Chacun de nous choisit son adversaire et piqua sur lui, ouvrant le feu dès que nous fûmes à portée. Mais ils étaient adroits. Ils piquèrent dès qu'ils entendirent les rafales et je ne crois pas qu'un seul d'entre eux fut réellement descendu, sauf peut-être un, que Willies déclara avoir vu descendre hélice calée et qui avait sans doute son appareil endommagé.
    Tout cela se passait vers 5 000 mètres et nous restâmes 35 à 40 minutes à offrir le combat, mais sans en rien retirer. Il est évident qu'il y avait mieux à faire que de rester là, loin dans les lignes allemandes et au-dessus d'un camp d'aviation, mais chacun des pilotes de l'escadrille Lafayette espérait «avoir» son « as » de l'équipe tango.
    Soudain il y eut de la casse. Pendant que nous combattions on avait du nous voir d'en bas et l'on avait fait partir contre nous quatre nouveaux avions. Ils avaient du prendre par la mer et gagnaient leur hauteur en revenant de façon à se placer au-dessus de nous et de nous barrer la route vers les lignes. Quoi qu'il en soit, ils étaient là et un avion, sans avertissement, plongeait sur moi, à une vitesse vertigineuse et en tirant. En même temps j'en vois un autre qui attaque Willies, en dessous de moi, alors qu'il grimpait vers l'un des boches du premier groupe que nous avions attaqué.
    Je n'eus pas le temps de tergiverser. Le boche, à moins de cent mètres, arrivait sur ma queue, en tirant. Automatiquement je poussai sur le manche jusqu'à piquer droit au sol, à plein moteur et en une seconde peut-être, j'atteignis la plus grande vitesse que l'on put atteindre avec aucun moyen de locomotion. Mais cela ne suffit pas à émouvoir mon boche. Quand je piquai à fond il m'imita, j'avais la sensation d'entendre ses balles tout autour de mes oreilles. Il devait être mauvais tireur car je ne pus voir, par la suite, aucune trace de balle dans mes plans. Je fis ainsi un plongeon de 1 500 à 2 000 mètres, et en peu de temps. Le sol approchait terriblement vite et je vis qu'il me fallait décider quelque chose instantanément. En allant à cette vitesse toute manœuvre était impossible. Mes ailes y eussent succombé, sans que le boche ait besoin de continuer son tir. La nécessité me fit ramener graduellement mon manche à balai et je revins en ligne de vol aussi rapidement que je pus l'oser.
   Néanmoins le boche ne fît pas tout à fait assez vite. Avant qu'il ait rien pu faire il était déjà en dessous, et je le dominais. Mais j'étais encore en territoire ennemi avec plusieurs avions rapides à mes trousses et les batteries spéciales devant moi. Je poussai à toute allure vers nos lignes, suivi de mon boche. Moins vite que mon Spad il perdait peu à peu et je me mis à grimper pour obvier au danger du tir anti-aérien. Malgré tout, quand j'arrivai vers Nieuport, avec la ligne sombre du champ de bataille au-dessous de moi, le canon me «poivra ». Je n'étais guère à plus de 2 000 mètres, la vraie hauteur pour une cible. Ma vitesse me sauva. Le Fritz abandonna et fit demi-tour dans ses lignes, poursuivi à son tour par nos canons. Je fis demi-tour pour l'attaquer, mais il était trop rapide pour que je puisse le manœuvrer et nous passâmes cinq minutes sans pouvoir nous prendre l'un l'autre en ligne de tir.
    Il commençait à faire noir. Je vis que je m'exposerais à un atterrissage dangereux si j'attendais plus longtemps. Après une dernière passe à tourner vainement autour de mon boche, je fis signe de la main pour lui dire «au revoir» et nous nous tournâmes le dos. Je n'avais pu voir sa face.
    Quand je rentrai les camarades m'attendaient, fort inquiets et pensant que j'avais été descendu. J'appris qu'ils avaient eu chacun la même aventure et qu'attaqués comme moi ils avaient échappé en plongeant et en forçant de vitesse vers nos lignes.
    Avec leur réputation de virtuosité, les pilotes de l'escadrille Tango sont de mauvais tireurs, à en juger par cette aventure. Malgré le bénéfice de la surprise un seul avait réussi à placer une balle, dans l'avion de Lovell. Je ne les ai jamais rencontrés depuis, bien que le
«Cirque Tango» ait pu se trouver au Chemin-des-Dames en même temps que nous, ou bien le groupe Wolf, qui a les mêmes méthodes, mais moins de fantaisie dans le vol, malgré son excellent travail et ses nombreuses victoires.


L'escadrille Lafayette citée à
l'ordre de l'armée.

Je lis dans mon journal:
«Dimanche 18 août. - En patrouille haute avec Lufbery. Au bout d'une heure j'ai un enrayage de mitrailleuse et je rentre. Quatre boches me prennent en chasse, mais je leur fausse compagnie. En patrouille haute le soir avec Lovell et le lieutenant Maison-Rouge. Nous lancons un message en Bochie pour demander des nouvelles de Willies. En revenant nous rencontrons deux gros appareils allemands. J'ai un enrayage à la troisième balle. Un peu plus loin Maison-Rouge attaque sept boches avec Lovell et ce dernier est presque descendu. Notre artillerie anti-aérienne abat l'un des avions allemands. Il tombe en vrille de trois mille mètres. Le pilote est tué, l'observateur est indemne. Je vais le voir pour tâcher d'avoir des nouvelles de Willies. Un pilote de la N. 15, l'une des escadrilles françaises de notre groupe, a été descendu en flammes».
    L'observateur n'avait aucun renseignement sur Willies.
    Le lendemain commençait l'attaque française à Verdun. C'était la première fois qu'on avait beau temps pour l'assaut. Bigelow, Haviland et Soubiran, au cours d'une protection des avions d'observation, furent attaqués par huit avions de combat, mais réussirent néanmoins à ramener sains et saufs les appareils qu'ils convoyaient. Bigelow avait son pare-brise en miettes et des blessures à la face par les éclats de verre. Le Boche, pour briser ainsi du verre Triplex avait vraisemblablement tiré à balle explosible.
    «20 août. - Je suis obligé de porter des lunettes car on a les yeux pleins de poussière par suite du bombardement français. Deux pilotes de la N. 84 ont été descendus en flammes, mais 21 boches ont été abattus sur notre front».
    Le lendemain l'escadrille tout entière accompagnait une expédition de bombardement de jour sur Saint-Jean-le-Bury, rive droite de la Meuse, une station de voie ferrée à 18 ou 20 kilomètres dans les lignes ennemies. Nous ne fûmes pas attaqués par les avions mais l'artillerie nous harcela entre 4 et 5000 mètres.
    «Mercredi 22 août. - Parti à 6 h. 30 en patrouille haute avec Lufbery et le capitaine. Aussitôt arrivés sur les lignes Lufbery attaque quatre boches mais sans résultat. Nous continuons la patrouille, moi avec un cylindre qui ne donne pas et toujours derrière et plus bas. Un Albatros isolé survient, pensant que nous étions une patrouille allemande et se joint à nous. J'ai une excellente occasion, mais je ne la saisis pas assez vite. Le capitaine pique sur lui mais il plonge à la verticale et s'enfuit. Reparti à 4 heures avec Campbell et Mac Monagle. Aucun boche en vue, mais toute, une série de canons dont le tir sur nous est très mauvais. Lufbery et Lovell se sont empoignés avec sept avions boches au cours d'une patrouille haute. Lufbery est revenu avec trois balles dans son appareil».
    Le lendemain l'escadrille Lafayette était citée à l'ordre de l'armée et c'était l'occasion d'une grande solennité. Voici notre citation:
«Escadrille composée d'engagés volonaires américains, venus combattre pour la France avec le plus pur esprit de sacrifice, a fait preuve sans interruption, sous le commandement du capitaine Thenauit qui. l'a formée, d'une ardeur combative contre nos ennemis ; au cours de très durs combats et au prix de lourdes pertes qui, loin d'affaiblir leur courage l'ont exalté, les aviateurs de cette escadrille ont descendu 28 appareils ennemis. Ils ont suscité la profonde admiration des chefs qui les ont eu sous leurs ordres, et des escadrilles françaises qui ont combattu à leurs cotés et qui ont essayé de rivaliser de valeur avec eux».
    A la date où l'escadrille Lafayette reçut cette première citation, elle avait sept pilotes tués, deux grièvement blessés, un prisonnier.


Mon premier boche officiel.

A la suite de l'attaque française du 20 août, dans le secteur, de Verdun, qui leur permit de reprendre la plus grande partie du territoire conquis par les Allemands, l'escadrille eut pour mission, pendant un temps, d'empêcher les avions boches d'observer les travaux d'aménagement du terrain conquis. Le 4 septembre Hill, Rockwell et moi nous partîmes en patrouille sur la rive gauche de la Meuse de 8 h. 30 à 10 h. 30, à l'altitude de 4 à 5 000 mètres. Vers neuf heures Hill et Rockwell ayant eu des ennuis de moteur me firent signe qu'ils rentraient.
    Nous avions ordre de ne pas rester isolés surles lignes, mais j'estimai qu'il n'y avait aucun inconvénient à faire un tour ou deux. Il faisait un beau temps clair et j'étais heureux, mon Spad marchant à merveille.
    Soudain apparut dans les lignes allemandes, à deux cents mètres au-dessous de moi une patrouille de dix boches se dirigeant sur nos lignes. Avant de les atteindre ils firent demi-tour et se mirent à patrouiller de long en large. Je les suivis, très attentif. Leur nombre ne m'effrayait pas. J'avais pour moi la hauteur et je savais le Spad plus rapide que leurs appareils. Tout ce que j'avais à surveiller, c'était le plafond, pour m'assurer qu'aucun avion boche ne viendrait sur moi d'en haut.
    Par deux fois nous allâmes de l'Argonne à la Meuse et retour, sans qu'aucun de nous fit la moindre tentative d'offensive. Finalement leur chef fit demi-tour. Ses ailes, au lieu de briller dans le soleil, étaient noires. Derrière lui, aussitôt, tous les autres l'imitèrent, avec la précision d'un troupeau d'oies. Pendant tout ce temps, plusieurs de nos avions d'observation avaient continué leur travail loin en dessous. Je les avais regardés par instant, et particulièrement un gros triplace. Soudain deux Boches quittèrent leur patrouille et piquèrent dans nos lignes pour attaquer le triplace.
    Je n'étais pas inquiet pour notre gros avion. Je savais qu'il devait sans aucun doute être en alerte et en mesure de se défendre, car l'observateur avant est armé de deux mitrailleuses et le mitrailleur arrière également, et l'avion peut tirer dans toutes les directions. Mais je pensai que la chance allait se présenter pour moi d'attaquer l'un des Boches ou tout au moins de les repousser dans leurs lignes par une démonstration offensive.
    Mettant mon moteur à demi-régime je mis à la descente et plongeai sur le plus proche. En quelques secondes j'eus une émotion qui me coupa presque la respiration. Dans mon trajet, sur le côté, je vis un avion boche que je n'avais pas encore remarqué, un biplace. Evidemment les deux Allemands ne m'avaient pas vu, car il n'est pas dans leurs habitudes de risquer dans une collision deux de leurs hommes contre un seul.
    La moitié du temps l'aviateur agit par réflexe, sans penser. J'eus à peine le temps de faire une glissade à droite pour éviter d'entrer dans l'avion allemand. Je risquais, avec ma vitesse la rupture de mes ailes. Mais mon Spad était neuf, robuste et répondait admirablement. Quand je rétablis, je me trouvai presque à hauteur de l'appareil boche, un peu en dessous et à environ 50 mètres en arrière, en position favorable pour le tir. J'étais si près que je pouvais voir la figure de l'observateur. Ce fut la seule fois au reste où je pus voir la contenance d'un ennemi en plein vol. J'eus l'impression qu'il riait, bien qu'il n'y eut rien de risible dans sa situation.
    Allant droit sur les Boches, j'ouvris le feu. Vers le dixième coup l'observateur leva les bras. La même balle avait dû atteindre le pilote car le biplace commença à s'affoler et à descendre en feuille morte. Il tanguait de l'avant et de l'arrière, puis piquait du nez, s'enfonçant dans le vide comme une flèche. Je le suivis un certain temps, puis une aile se détacha. Sans attendre je rentrai au camp faire mon rapport.
    L'avion me fut homologué. Je déclarais sur mon rapport que le combat avait eu lieu à 9 h. 20. L'artillerie, les ballons et les observateurs d'infanterie signalaient la chute de l'avion entre les tranchées à 9 h. 22. L'homologation française est très différente de celle des Allemands ou des Anglais (***
voir Homologation). Les Anglais sont en principe tous officiers et lorsqu'ils déclarent qu'ils ont abattu un avion leur parole fait foi. Ce système est discutable, car un pilote peut croire avoir abattu son ennemi sans qu'il le soit réellement. Chez les Allemands il faut diminuer les chiffres de 50 p. 100. Avec le système des castes militaires allemandes, la parole d'honneur de l'officier n'est jamais mise en doute, même au sujet d'un avion qui a simplement piqué pour se dérober.
    Pour les Français il faut pour l'homologation, soit que l'avion soit tombé dans nos lignes, soit que deux observateurs terrestres en aient constaté la chute.
    Un cas se produisit à notre escadrille qui prouve combien la règle est stricte. Lowell, en septembre, descendit un avion en feu sur la rive droite de la Meuse. Deux pilotes de l'escadrille furent témoins ainsi qu'un pilote d'une autre escadrille. En outre, un observateur d'artillerie constata le fait. Mais Lowell n'eut pas l'homologation parce que l'heure qu'il donnait différait de cinq minutes de celle des autres. L'état-major de la 2e armée n'accorda pas l'homologation. Ce système a du bon car il permet de savoir exactement où on en est par rapport à l'aviation ennemie.
    Nous ne savons rien des performances individuelles allemandes par contre, car nous ne savons jamais de façon précise qui est en face de nous. Nous savons seulement, de façon générale que c'est le «cirque» un tel ou l'équipe Tango.
L'escadrille Lafayette rencontra Bœlke qui était le plus célèbre des pilotes allemands avant d'être tué, mais nous ne le sûmes que par son journal, publié après sa mort.
    Quand au baron Richthofen, de l'équipe Tango, nous n'en entendîmes jamais parler jusqu'au moment où on lui homologua vingt avions. Alors pendant deux ou trois jours on lui attribua un avion par jour, puis il ne fut plus question de lui pendant une semaine ou deux. Un jour son record passa brusquement à 37 avions et continua à s'accroître jusqu'à 50 avions. Je pense que les Allemands avaient besoin de créer un champion qui fut l'égal de Guynemer. Richthofen avait été choisi et on lui comptait maints avions abattus par d'autres et peut être tous ceux abattus par son escadrille. Le lundi 8 avril le communiqué allemand annonçait les 77e et 78e victoires de Richthofen qui fut abattu peu après.


Quelques anecdotes.

    Le jour même où je descendis mon premier boche officiel, deux lieutenants de la N 65, qui faisait partie de notre groupe à Verdun, entrèrent en collision à 3 000 mètres et tombèrent dans les bois. Leurs appareils étaient en miettes, mais les pilotes échappèrent par miracle. L'un d'eux, le lieutenant Verdier, remplaça par la suite le lieutenant de Maison-Rouge au commandement en second de l'escadrille Lafayette. Ses cheveux, noirs avant la chute, devinrent grisonnants ce jour là. Ce même jour encore Lufbery descendit un autre boche qui tomba presqu'à l'endroit où le mien avait été abattu.
    Le 6 septembre, Everett Buckley, un jeune pilote américain de la N 65, fut fait prisonnier. Le 10 septembre, Bigelow quittait l'escadrille pour maladie; Dudley Hill était nommé adjudant. Lowell, qui avait déjà abattu un boche en abattit un autre, que nous vîmes tomber mais qui ne fut pas homologué. Deux ou trois jours plus tard je reçus mon quatrième Spad, un 180 chevaux.
    Willies fut cité le 16 septembre à l'ordre de l'armée en ces termes: «Harold Buckley Willies. citoyen américain engagé au service de la France, modèle de courage et de sentiment du devoir pour ses camarades. Est tombé le 18 août au cours d'un combat contre deux appareils ennemis qui venaient attaquer les avions de bombardement dont il assurait la protection».
    Le 18 septembre, Dupart, de la N 84, un ami de l'escadrille, fut abattu par l'artillerie ennemie. Le lendemain notre escadrille eut encore un avion à son actif. Peterson, mon camarade de chambrée, protégé par le lieutenant de Maison-Rouge, Campbell, Marr et Bridgman, fut l'auteur de cet exploit qui était sa première victoire officielle.     Au cours de l'après-midi, le même jour, Rockwell et Soubiran attaquaient trois Fritz sans en voir sept autres au-dessus d'eux, mais avant que les Allemands puissent les attaquer, Thaw, qui les dominait, accourut et réussit à les tenir en respect et à permettre aux nôtres de se dégager.
    Le 22 septembre, deux pilotes de la N 81 abattaient un avion allemand de photographie à un kilomètre environ de notre camp. Il tomba de 5 000 mètres et, pendant la chute, l'observateur fut précipité de la carlingue et son cadavre alla choir dans les bois. L'avion était en piteux état, mais on put néanmoins développer les photos qu'il avait prises. Le même jour Lufbery abattait son 12e boche officiel. Paris, de la N 65, l'un de nos meilleurs amis, qui avait été autrefois moniteur à Bue, fut décoré ce matin-là par le roi des Belges, venu visiter le front de Verdun. L'après-midi, au cours d'une patrouille de protection, un pilote allemand l'abattait en flammes. Marr, le même jour, eut plus de chance. Au cours d'un combat contre deux appareils allemands, ses commandes de profondeur furent coupées par les balles, mais il réussit au moteur à descendre et à atterrir normalement.
Deux jours plus tard nous eûmes à déplorer la disparition de l'un de nos meilleurs camarades.


Le club des rescapés.

L'escadrille Lafayette eut son club des «rescapés». Nous en étions presque tous membres, car il est rare dans l'aviation que l'on n'ait pas un jour ou l'autre une chance exceptionnelle. A. Courtney Campbell, de Kenilworth, dans l'Illinois, en avait eu plusieurs. Il fut admis dans le club en juin. Nous étions sur un terrain à proximité du Chemin-des-Dames et faisions une exhibition lorsque, dans un virage trop rapide, l'un des plans inférieurs se brisa. Régulièrement Campbell devait se tuer, mais en pesant de tout son poids sur l'autre côté de l'avion il réussit à descendre et à faire un atterrissage normal.
    Une autre fois, à Verdun, en août, il se qualifia encore pour le club des rescapés. Au-dessus de l'aérodrome il vint voler si près de l'avion de notre lieutenant, vers 300 mètres, que ses roues arrachèrent une partie du plan supérieur, en même temps que son propre train d'atterrissage était endommagé. Tous deux, néanmoins, grâce à leur acrobatie, réussirent à arriver au sol intacts.
    Campbell fut encore digne du club des rescapés quelques jours plus tard au du retour d'une mission de protection d'un raid de bombardement il atterrit sur un terrain du secteur de Verdun. Il le traversa en roulant pour aller au hangar, bien qu'il y eut comme règle pour les pilotes de laisser toujours le champ libre aux atterrissages. Campbell était fatigué et avait hâte d'allumer une cigarette. Il traversait quand un gros avion de bombardement, pressé d'atterrir lui aussi, arriva sur son appareil. Le pilote n'avait pas vu Campbell. L'hélice de l'avion de bombardement arracha les ailes de l'avion de chasse et frôla la tête du pilote. Quinze centimètres de plus et le crâne était coupé en deux. Il n'en fut rien. Campbell fut projeté au loin. J'allais atterrir et j'assistai à l'accident. Nous pensions tous que l'hélice avait tué notre ami, mais une seconde plus tard nous vîmes la tête de notre pilote surgir an milieu des débris, en même temps qu'il gesticulait furieusement. Avant d'arriver au hangar Campbell avait déjà allumé sa cigarette.
    Aucun homme ne peut défier la mort indéfiniment. Campbell, malgré son courage et son sang-froid exceptionnels rencontra finalement un Boche plus veinard ou meilleur tireur et nous vîmes son Spad dégringoler dans les lignes ennemies. James était ce jour-là avec lui en patrouille, mais aux prises déjà avec un autre Boche qui criblait de balles son avion.
    Cinq d'entre nous ramenaient de Paris des 200 chevaux Spad. L'appareil un peu plus lourd que l'ancien était beaucoup plus rapide. Vers cette époque le service d'aviation des États-Unis, avec une armée d'officiels vint nous faire subir des examens pour entrer dans notre aviation nationale. Pour les vieux pilotes ce fut une fantaisie inimaginable. Le capitaine Thenault et le lieutenant de Maison-Rouge quittèrent l'escadrille le 5 octobre pour maladie et le lieutenant Thaw prit le commandement avec le lieutenant Verdier comme second.
    Le 16 octobre Lufbery abattait un nouveau boche, son treizième, au cours d'un combat livré à 5 500 mètres, en même temps qu'il échappait de peu à la mort. Une balle de son adversaire se logeait dans le carburateur, qui eut dû atteindre Lufbery en pleine poitrine et il devait atterrir sans moteur.


L'incendie en plein ciel.

    Ce que j'ai toujours redouté le plus, là-haut, ce ne sont pas les avions allemands ni les canons spéciaux, c'est le feu. D'ordinaire, quand un avion prend feu dans les airs, le pilote n'a le choix qu'entre deux solutions: brûler vif avec son appareil ou sauter dans le vide pour mourir plus vite.
    Un aéroplane peut prendre feu de diverses façons: retour de flamme au moteur, vapeurs d'essence qui s'enflamment, rupture de soupape, balle incendiaire tirée par l'ennemi ou même balle ordinaire atteignant le carburateur ou le réservoir d'essence. L'essence qui s'échappe s'enflamme à la moindre étincelle de la combustion des gaz.
    Deux ou trois jours avant que soit signée ma permission pour l'Amérique, je partais en patrouille basse avec Ray Bridgman. L'escadrille avait à survoler la partie ouest du Chemin-des-Dames entre Auvix-le-Château et le fort de Malmaison où les Français venaient de progresser. Je pilotais mon 200 chevaux. Nous étions sur les lignes depuis une demi-heure et nous trouvions à quatre ou cinq kilomètres dans les lignes allemandes, sous le feu continuel des batteries anti-aériennes. Soudain une violente explosion se produisit dans mon moteur et je fus atterré de voir des flammes surgir du capot et du tuyau d'échappement en même temps qu'une masse de fumée blanche. Je ne pouvais me rendre compte de ce qui s'était passé, mais je fermai aussitôt les gaz, arrêtant la marche du moteur afin de voir ce qui arrivait. Les flammes pendant ce temps grandissaient et la peinture du capot commençait à griller. En un instant je vis qu'il y avait eu rupture de soupape et que les explosions avaient mis le feu à l'huile et à l'essence autour du moteur. Il y avait une chance sur cinquante, m'imaginai-je, d'éteindre l'incendie. Il n'y avait aucune chance d'échapper si je ne la tentais pas, car bientôt l'avion allait être une torche. Coupant le contact qui donnait l'allumage, je mis mon Spad sur le nez et je piquai pendant mille mètres. Je faisais ce qu'on fait lorsqu'on souffle sur une allumette. La vitesse terrifiante de cette chute entraîna l'air dans le radiateur avec une telle force que l'incendie prit fin. Alors je remis mon avion en ligne de vol, je remis les gaz et je rentrai avec quatre cylindres, mon «coucou» trépidant de toutes parts à chaque tour de moteur. Il fumait encore lorsque j'atterris et chacun se précipita vers, moi pour me féliciter.
    Le jour où j'avais failli brûler je recevais ma citation à l'ordre de l'armée dont je suis fier.
    Peu après cette citation qui me donnait droit à la croix de guerre avec palme, je fus nommé adjudant. Je partis le 1er novembre de Bordeaux en permission pour l'Amérique.
    Cette fois je faisais la traversée sous l'uniforme de l'aviation de chasse française.

FIN



7 mai 1915, le Lusitania coulé par le sous-marin allemand U-20 au large de la Old Head à Kinsale. 1198 personees sont mortes dans la tragédie. Ce naufrage a contribué à l’entrée des Étas-Unis dans la Première Guerre mondiale.


L'adjudant Parsons, auteur de ce récit, a six Boches à son actif. Il a refusé de passer dans l'armée américaine pour rester avec ses camarades. Signe distinctif,: il ne s'est pas encore vu décerner la Médaille Militaire!

In 1937 Parsons wrote "The Great Adventure" which was later reissued as "I Flew with the Lafayette Escadrille".


De gauche à droite : Lufbery (tué), Didier Masson, Bridgman, Bigelow, R. Rockwell, Johnson, Jones, Thaw (5 victoires), David Peterson (6 victoires), capitaine Thénault, Dugan, Parsons (5 victoires), Mac Monagle (tué), Hewitt, Lovell, Willis, lieutenant de Maison-Rouge, Haviland.





Lafayette Escadrille pilots at Chaudun, July 1917. Standing L-R, Soubiran, Campbell, Parsons, Bridgeman, Dugan, MacMonagle, Lovell, Willis, Jones, Peterson, Maison-Rougle. Seated - Hill, Masson and “Soda”, Thaw and “Whiskey”, Thenault, Lufbery, Johnson, Bigelow, Rockwell.




































































































Un des Blériot Pingouin destiné aux élèves pilotes de l'école de Pau en 1915. Avec ce type d'avion équipé d'ailes trop courtes et incapable de décoller, les futurs "As" réalisent des lignes droites, des virages au sol et quelques fois des bonds. Photo extraite du livre "With the French Flying Corps" de Carroll Dana Winslow.




























































































































































































































   VERDUN   MAC CONNELL 
   SOLDATS DU CIEL POUR LA FRANCE  MAC CONNELL 
  
 "Flying for France"   Hero Tales of Battles in the Air. Told by James R. McConnell, Sergeant-Pilot in the French Flying Corps. With the American Escadrille at Verdun (wayback) More The Great War in a Different Light
     THE SECTION IN LORRAINE  AN INTRODUCTION BY THEODORE ROOSEVELT, printed in the Outlook for September 15, 1915, the American Ambulance in France



   La mort de Mac Connell  Genet


  JAMES McCONNELL  biographie  rdisa.pagesperso-orange.fr  












































































A DESCENDANT OF CITIZEN GENET


The squadron with an infantry honor guard turn out for the funeral of Caporal Genet. Father Armonier is in the foreground. Genet was awarded the “Medaille Militaire” posthumously. source







































Sgt Ronald Wood Hoskier - pilote de l'escadrille N 124 "La Fayette" - né le 24 avril 1896 à South Orange (New Jersey - USA) - fils de Charles Hoskier et Henriette Wood - Engagé au régiment de marche de la Légion Etrangère comme élève pilote, le 10 mai 1916 - 1er groupe d'aviation de Dijon (formation militaire et théorique) - Ecole d'aviation du Buc (brevet de pilote militaire) - Brevet de pilote militaire 4229 à l'école de Buc, le 13 août 1916 - Ecole d'aviation d'Avord (stage de perfectionnement) - Ecole de Cazaux (école du tir aérien ) - Ecole de Pau (stage de haute école) - Nommé caporal, le 7 septembre 1916 - Escadrille N 124 "La Fayette" à partir du 11 décembre 1916 - Tué en combat aérien à la côte 62 à l'Est de Grugies (02) aux commandes du Morane-Saulnier Parasol type P n° 1112, le 23 avril 1917 - Il faisait équipage avec le soldat de 2ème classe François Dressy, mitrailleur - Les deux hommes ont été tués - Ils ont été attaqué par un groupe de 3 Albatros de chasse et l'avion, qui les a abattus, était piloté par le Ltn Willi Schunke du Jasta 20. source  albindenis  














Quelques jours après l’entrée officielle des États-Unis dans le conflit, le 6 avril 1917 (l'entrée n' a été effective que le 1er janvier 1918), la mort rapprochée de Genet, le 17, et Hoskier, le 23, a  une valeur très particulière.




21 mars 2012 Conférence-Exposition
Cercle d'Etude et d'Amitié France-USA

Raoul Lufbery et l'Escadrille La Fayette

  riche en documents

COMMENT JE CONNUS LUFBERY  PAR MARC POURPE



























































 SEUL CONTRE SEPT  




















James Norman Hall (1887-1951) - aventurier, soldat, pilote de chasse, écrivain, romancier et poète. James Norman Hall (1887-1951) - adventurer, soldier, pursuit pilot, author, essayist and poet.  James A. Michener wrote of Hall "the most beloved American who ever came to the tropics.  He had a gentle humor and abiding concern for people and a ready franc for anyone in need."

James Ralph Doolittle 




Major David McKelvey Peterson












































































































































































































Lt. Louis Verdier-Fauvety, (02.10.1917-18.02.1918),  a remplacé
le Lt. de Maison-Rouge


































plus sur Edwin Charles "Ted" Parsons




Birth:  Sep. 24, 1892
Death:  May 2, 1968

United States Naval Officer, World War I Flying Ace. A native of Holyoke, Massachusetts, Parsons was an experienced pilot when the war began., He went to France at the end of 1915 and served with the United States Ambulance service before enlisting in the French Foreign Legion. In 1916, he became a pilot in the French Air Service and was assigned to N124 in January 1917. He earned eight air combat victories during the conflict. When the war ended, Parsons returned to the United States and joined the FBI. He was also active as an aviation advisor for several Hollywood movies. As a naval officer during the Second World War, he served was an aviation instructor at the Pensacola Naval Air Station and also took part in the Solomon Islands campaign. By war's end, he had earned a promotion to the grade of Rear Admiral. He was the author of "I Flew With the Lafayette Escadrille." (bio by: Warrick L. Barrett) 
source  

Parsons a appris à voler en 1912. Il a été recruté par des agents du révolutionnaire mexicain Pancho Villa qui lui demande de former les pilotes. En Décembre 1915, il vient  en France, après s'être fait passer pour un vétérinaire de cheval pour être pris à bord d'un navire transportant des chevaux vers la France où il rejoint le service d'ambulance américaine en Janvier 1916. Le 1er Juin 1916, il  rejoint la Légion étrangère française pour entrer dans l'aviation. Il subit sept mois de formation au pilotage. À la fin de Janvier 1917, il rejoint l'Escadrille Lafayette comme 21ème membre. Contrairement à beaucoup de ses camarades d'escadron, Parsons ne rejoint pas l'US Air Service quand l'Amérique entre en guerre. Il décide, de rester auprès des  Français et est affecté à Spa 3, Les Cigognes. Il a 8 victoires. Après la guerre, Parsons retourne aux US et rejoint le Federal Bureau of Investigation. Parsons aurait ouvert sa propre agence de détective. Plus tard, il sera acteur, écrivain et directeur technique dans plusieurs films de guerre hollywoodiens. Il a même eu sa propre émission de radio. Au début de la Seconde Guerre mondiale, Parsons rejoint la marine et prend  le commandement du groupe LST 41 qui opère sur Okinawa et aux Philippines. À la fin de la guerre, il avait le grade de  contre-amiral. source
THE TED PARSONS STORY
BY DALE WALKER The post-war period
 
PARSONS INVESTIGATING BUREAU, more...















Extraits de Chasseurs au groupe "La Fayette": du Nieuport au Thunderbolt 1916-1945
 Par Jean Gisclon